Limogé abruptement par Sarkozy en 2003, le père de la police de proximité brise le silence 7 ans après dans un livre
Dans "Il a détruit la police de proximité", qui sort jeudi en librairie, Jean-Pierre Havrin, ancien directeur départemental de la sécurité publique de Haute-Garonne, critique sévèrement la politique de Nicolas Sarkozy en matière de sécurité, allant jusqu'à qualifier le chef de l'Etat "d'ennemi de la police".
Retour sur la "crucifixion"de février 2003
Dans ce livre préfacé par Pierre Joxe, il revient aussi sur son éviction et sur l'humiliation publique que lui avait infligée Nicolas Sarkozy le 3 février 2003 à Toulouse, qu'il compare à "une crucifixion".
Devant la presse, les caméras et des personnalités, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, avait durement critiqué les policiers toulousains devant Jean-Pierre Havrin et ses collègues.
"Le travail de prévention que vous faites est très utile, mais vous n'êtes pas des travailleurs sociaux. Organiser un match de rugby pour les jeunes du quartier, c'est bien, mais ce n'est pas la mission première de la police. La mission première de la police? L'investigation, l'interpellation, la lutte contre la délinquance", avait déclaré M. Sarkozy.
Au micro de l'AFP, Jean-Pierre Havrin décrit aujourd'hui "une corrida médiatique" pendant laquelle il alors pris sur lui pour ne pas donner "un coup de boule" à Nicolas Sarkozy.
Trois semaines plus tard, le patron de la police toulousaine était évincé et nommé président de la Fédération sportive de la police française (FSPF), jusqu'à sa retraite, fin 2007.
Havrin, apôtre de la police de proximité
Jean-Pierre Havrin est l'artisan avec Jean-Pierre Chevènement, dont il fut le conseiller Place Beauvau, d'une police proche des gens aux fins de prévention dans les quartiers sensibles.
Sans négliger la répression "qui doit être dure", il prône un travail de prévention de longue haleine permettant aux policiers de mieux connaître les cités et leurs habitants, donc d'identifier plus facilement les malfrats.
Un réquisitoire contre celui qui a "tué le métier de policier et de gendarme"
"On fait pas la police contre la population, ça c'est une illusion sarkozienne, dénonce Havrin. La police est-elle au service de la population ou au service de l'Etat? La police de proximité est au service de la population, c'est un changement de philosophie".
Il souligne qu'après avoir démantelé la police de proximité, le besoin est tel que Michèle Alliot-Marie a créé les Unités territoriales de quartier (Uteq), similaires, lors de son passage au ministère de l'Intérieur.
Dans son livre, l'ex-policier accuse celui qu'il qualifie de "Tartarin de Neuilly" et d'"ennemi de la police", d'avoir "tué" le métier de policier et de gendarme en les transformant en "marionnettes au service du pouvoir, en fournisseurs de statistiques lénifiantes".
"L'essentiel pour (les policiers) n'est plus de faire de beaux flags mais de faire du chiffre pour alimenter les statistiques, écrit Havrin. Ramener deux shiteux et une prostituée constitue un résultat satisfaisant: trois affaires constatées, trois affaires résolues, 100% pour le taux d'élucidation".
Retraité de la police depuis 2007, M.Havrin est adjoint au maire PS de Toulouse en charge de la sécurité depuis 2008. Le livre est-il une plate-forme programmatique pour briguer le ministère de l'Intérieur si le PS gagne la présidentielle de 2012? "Non, le poste est pour (le maire de Dijon François) Rebsamen", répond en souriant l'élu toulousain qui aimerait que son travail serve de "base de réflexion" à la gauche.
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