Les familles des victimes du crash du vol Rio-Paris en 2009 ont estimé que l'enquête était "définitivement discréditée"
Réagissant au fait que le Bureau d'enquêtes et d'analyses (BEA) a retiré de son dernier rapport une recommandation concernant les alarmes de décrochage, Robert Soulas, président de l'association Entraide et Solidarité AF447, a jugé dans un communiqué que "ce triste épisode jette définitivement le discrédit sur l'investigation technique".
Ce retrait sur les alarmes "génère une crise de confiance sans précédent envers les autorités d'enquêtes"ajoute le communiqué.
"La précipitation avec laquelle ces autorités et ces responsables ont accusé les pilotes sans aucune réflexion préalable avait alerté notre suspicion", a-t-il ajouté. "Nous avons maintenant confirmation que les affirmations émanant de la tutelle du BEA étaient non seulement prématurées, dépourvues d'objectivité, partiales et très orientées vers la défense d'Airbus".
Les pilotes du SNPL veulent suspendre leur participation à l'enquête
Le SNP, syndicat majoritaire des pilotes de lignes va également dans ce sens. Il en effet a annoncé mercredi son souhait de suspendre sa participation à l'enquête sur la catastrophe du vol Rio-Paris, redoutant que celle-ci "se transforme en une simple instruction à charge contre l'équipage".
Le syndicat a affirmé que sa confiance dans le Bureau d'enquêtes et d'analyse était "sérieusement entamée", après la révélation par la presse que les enquêteurs ont retiré de leur dernier rapport une recommandation mettant en cause une alarme de l'appareil accidenté, un A330 d'Airbus.
Les familles demandent l'accès aux données des enregistreurs
L'association des familles des victimes tente d'autre part d'obtenir des magistrats instructeurs l'accès à l'ensemble des données des enregistreurs de vol, a indiqué mercredi son avocat à l'AFP.
La juge Sylvie Zimmermann a cependant refusé en juillet cette requête, au motif que l'enquête technique du Bureau d'enquêtes et d'analyses (BEA) n'était
pas terminée et l'association a fait appel de cette décision.
"Le problème est que les données ne figurent pas au dossier. Tout le monde en parle, notamment au travers du BEA, mais nous n'y avons pas accès car la juge dit qu'elle ne les a pas", a déclaré Me Jakubowicz. "Il y a cependant un déséquilibre puisque Air France y a accès au travers de l'enquête du BEA", a-t-il ajouté.
L'association, qui a plusieurs fois dénoncé la partialité des informations du BEA et leur orientation vers la faute de pilotage, a fait le 13 juillet une demande formelle pour avoir accès à l'ensemble des données. Mais Sylvie Zimmermann a rejeté cette requête au motif "qu'on ne pouvait y avoir accès tant que les experts n'avaient pas rendu leur rapport définitif", a précisé l'avocat.
Troisième rapport d'étape
Les enquêteurs français de la catastrophe du vol Rio-Paris ont identifié une série de défaillances des pilotes. Le BEA a déclaré mardi qu'il envisageait de publier une recommandation concernant le fonctionnement des alarmes de décrochage.
Il réagissait à des informations de presse indiquant qu'une telle recommandation, qui se trouvait dans une version quasi-définitive du rapport rendu vendredi, n'avait pas été publiée
"Le directeur d'enquêtes du BEA a souhaité retirer cette recommandation du rapport d'étape car elle doit être complétée par les travaux réalisés par le groupe de travail 'facteur humain'", a déclaré à l'AFP une porte-parole du bureau d'enquêtes.
Dans un troisième rapport, rendu public vendredi dernier, les enquêteurs établissent un "scénario" du crash de l'Airbus d'Air France qui a fait 228 morts en 2009.
Dans le 3e document intermédiaire, les enquêteurs relèvent que les pilotes n'ont pas apporté les bonnes réponses aux deux principaux incidents survenus dans les dernières minutes du vol. Ces deux problèmes principaux ont été : la perte des indicateurs de vitesse, à laquelle ils n'étaient pas entraînés à faire face, et le décrochage de l'appareil.
Malgré ses remarques, le Bureau d'enquête et d'analyses (BEA) indique qu'il n'établira pas "le pourquoi" de l'accident ni une quelconque responsabilité. "Il y a encore beaucoup de points que l'on doit travailler", a déclaré jeudi une porte-parole du BEA.
Dans un article posté jeudi en début de soirée sur son site internet avant d'être retiré puis republié, Le Figaro affirmait déjà que le nouveau rapport "mettait en cause l'équipage" qui n'aurait notamment "pas compris que l'avion avait décroché", ce, malgré deux alarmes successives. Le décrochage a duré près de 3'30, et aucune annonce n'a été faite par l'équipage aux passagers, indique le BEA.
Aussitôt après la publication du rapport, Air France a mis en cause la fiabilité de l'alarme de décrochage. "Les multiples activations et arrêts de l'alarme de décrochage en contradiction avec l'état de l'avion ont fortement contribué à la difficulté pour l'équipage d'analyser la situation", a estimé la compagnie dans un communiqué.
Par ailleurs, tous les pilotes de la compagnie française seront formés d'ici septembre aux "manoeuvres d'urgence en cas de décrochage" d'un avion, a indiqué un pilote d'Air France.
Le rapport final sera "probablement" publié au premier semestre 2012, a annoncé le directeur du Bureau d'Enquêtes et d'Analyses (BEA), Jean-Paul Troadec.
Absence du commandant de bord et manque de formation
"Les difficultés du vol AF 447 ont été provoquées par un givrage des sondes Pitot et par la perte des informations anémométriques (de vitesse) dans le cockpit mais ce sont avant tout les erreurs successives de l'un des pilotes qui ont entraîné la chute de l'appareil vers l'océan", écrit le Figaro.fr.
En l'absence du commandant de bord, hors du cockpit à ce moment précis, le pilote en fonction, confronté à une perte des indications de vitesse, a cabré l'appareil qui a chuté brutalement, souligne le rapport.
Le rapport indique également que les copilotes n'avaient pas suivi de formation à la procédure à suivre en cas de perte des indications de vitesse provoquée en l'occurrence par le givrage des sondes de mesure Pitot, remplacées depuis.
"Ces éléments sont parcellaires et réducteurs", a dénoncé la porte-parole du BEA. "Ce n'est certainement pas en 'accusant' l'équipage tel que c'est formulé que ça signifie qu'on a l'enchaînement des causes et que vendredi, le BEA pourra dire: 'on a compris tout ce qu'il fallait pour que l'accident ne se reproduise pas'", a-t-elle ajouté.
"Grâce aux 1.300 paramètres de vol et aux deux heures d'enregistrement, on a pu déterminer les séquences du vol, on a commencé à faire une première analyse mais l'enquête est loin d'être terminée", a-t-elle souligné.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.