Le sort de l'enquête ouverte en 2001 sur l'impact du nuage de Tchernobyl se jouait jeudi devant la cour d'appel de Paris
Les plaignants exigent qu'elle continue contre l'avis du parquet qui estime qu'aucune conséquence sur la santé n'a pu être prouvée.
Une vingtaine de personnes, la plupart des plaignants malades de la thyroïde, ont protesté jeudi à proximité du palais de justice de Paris contre une possible fin de l'enquête.
La chambre de l'instruction a commencé à examiner à huis clos le dossier et elle devrait mettre sa décision en délibéré. En attendant, la juge chargée de l'enquête, Marie-Odile Bertella-Geffroy, a été priée de suspendre ses investigations.
"Nous ne demandons pas d'indemnité mais la reconnaissance qu'il y a pu y avoir des victimes. A l'époque, on nous a dit qu'il ne se passait rien, c'était plus que de la désinformation, c'était du mensonge", a déclaré Muriel Pezot, atteinte d'un cancer de la thyroïde décelé en 1999.
En effet, à l'époque, les commentaires en France étaient plutôt rassurants. Exemple avec ce sujet datant du 30 avril 1986, quatre jours après le début de la catastrophe: "selon les informations actuelles, le dégagement radioactif sous forme de nuage ne touchera pas la France mas il redescend sur l'Autriche et la Yougoslavie".
"L'Etat a commis des erreurs, nous voulons qu'il les reconnaisse", a ajouté Catherine Souty, plaignante et membre de l'Association française des malades de la thyroïde (AFMT). Le 30 avril 1986, c'est d'ailleurs la principauté de Monaco qui a affirmé avoir détecté le nuage, comme le rappelle ce sujet télévisé du 12 mai 1986 qui compile les différents mensonges des différentes autorités françaises.
L'enquête menée depuis 2001
L'enquête s'est concentrée sur les informations communiquées en termes de radioactivité sur l'Hexagone au moment du passage du nuage au printemps 1986, en particulier sur une minimisation des risques encourus.
Le Pr Pierre Pellerin, l'ancien patron du Service central de protection contre les rayons ionisants (SCPRI), a été mis en examen en 2006 pour "tromperie aggravée".
A la tête de l'autorité de protection du nucléaire, il avait diffusé plusieurs communiqués rassurants, affirmant notamment que "l'élévation relative de la radioactivité" en France était "très largement inférieure aux limites réglementaires". Même discours tenu par son directeur adjoint: "on pourra certainement détecter dans quelques jours le passage des particules mais du point de vue de la santé publique, il n'y aucun risque", affirmait-il alors.
Les plaignants estiment qu'avec une telle communication, des aliments
interdits à la consommation dans des pays voisins ont pu être vendus en France. "Les taux de radioactivité des produits agricoles sont normaux en France", indiquait alors un porte parole de la qualité du ministère de l'Agriculture, le 5 mai 1986.
"Mon optimisme n'est pas très grand", dit l'avocat des parties civiles
En 2010, le Pr Pellerin a demandé un non-lieu, examiné ce jeudi, soutenu par le parquet général qui requiert également la fin de l'enquête.
Pour le parquet général, les analyses scientifiques au dossier s'accordent pour établir que la catastrophe nucléaire n'a pas eu de conséquence sanitaire mesurable en France, en particulier aucun lien n'a été fait avec des maladies de la thyroïde.
Les parties civiles regrettent que l'enquête ne puisse être menée à son terme, jugeant en outre qu'il manque peu d'éléments pour la clôturer. La juge attend en particulier les conclusions définitives d'une enquête sur 13 villages corses pour tenter d'établir un lien de causalité entre le passage du nuage et les maladies thyroïdiennes.
"Les investigations en matière de santé publique sont longues, complexes et ne peuvent être comparées à des affaires ordinaires avec des recherches hors normes, des parties civiles qui se comptent par centaines", a souligné Me Fau, avocat des plaignants qui avoue ne pas avoir un "optimisme" "très grand" quant à la suite du procès.
Les deux questions prioritaires de constitutionnalité déposées par les parties civiles ont par ailleurs été rejetées.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.