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Le ministre de l'Intérieur a été condamné vendredi à 750 euros d'amende pour injure raciale

Le tribunal de Paris a jugé "outrageants" les propos que Brice Hortefeux avait tenu en septembre 2009 devant des personnes d'origine arabe.Le ministre a décidé de faire appel. Selon l'AFP, cette condamnation est la première d'un ministre de la Ve République pour "injure raciale". Le PS et le MRAP, partie civile, ont demandé sa démission.
Article rédigé par France2.fr avec agences
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Brice Hortefeux, ministre de l'Intérieur (AFP / Thomas Coex)

Le tribunal de Paris a jugé "outrageants" les propos que Brice Hortefeux avait tenu en septembre 2009 devant des personnes d'origine arabe.

Le ministre a décidé de faire appel. Selon l'AFP, cette condamnation est la première d'un ministre de la Ve République pour "injure raciale". Le PS et le MRAP, partie civile, ont demandé sa démission.

On notera que Brice Hortefeux est défendu par des responsables socialistes comme Michel Charasse et Julien Dray (voir plus loin). Ce dernier expliquant notamment que le ministre est "un républicain" qui n'est pas raciste.

Réactions
"C'est une grande victoire pour la justice et contre le racisme", a commenté Me Pierre Mairat, l'avocat du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP) qui s'est vu octroyer 2000 euros de dommages et intérêts. De son côté, le Conseil représentatif des associations noires (CRAN) juge "inquiétant" que le ministre chargé au premier titre du problème de la lutte contre le racisme soit lui-même sanctionné. A ses yeux, "il appartient maintenant à Brice Hortefeux de répondre aux questions légitimes soulevées par sa phrase"

"Dans la République exemplaire de Nicolas Sarkozy, il ne devrait pas y avoir de place pour un ministre condamné pour injure raciale", a déclaré le porte-parole du PS, Benoît Hamon, lors d'un point de presse. "La dignité dans cette affaire, c'est d'abord de s'excuser et ensuite de partir", a-t-il ajouté.

Prenant le parti de son ministre, le chef du gouvernement, François Fillon, a "réaffirmé son soutien", "son amitié" et "sa confiance" à Brice Hortefeux. "Tous ceux qui connaissent Brice Hortefeux savent qu'il a montré, par son action, qu'il était respectueux des personnes et des lois", ajoute le communiqué de Matignon.

Le secrétaire général de l'UMP, Xavier Bertrand, a jugé "honteuses" et "déplacées" les demandes de démission. Le porte-parole de l'UMP, Dominique Paillé, l'a défendu en parlant de "désagréable surprise". "Je connaîs l'homme, il n'est absolument pas raciste", a-t-il dit en soulignant qu'il était présent lorsqu'ont été tenus les propos incriminés.

La secrétaire d'Etat aux sports, Rama Yade, a déclaré que son collègue ne lui a "jamais fait sentir le mondre racisme".

A noter que Brice Hortefeux est défendu par des représentants socialistes.

Pour l'ancien ministre PS et actuel membre du Conseil constitutionnel Michel Charasse, le ministre de l'Intérieur n'est pas raciste. Ces polémiques, "ce sont des risques du métier, surtout avec la manie d'indiscrétions des journalistes qui, lorsque vous êtes en train de discuter en privé dans un coin, trouvent le moyen de vous coller un micro sous le nez alors que vous dites 'Dupont est toujours aussi con, Durand m'a fait chier toute la semaine'. Et puis, pan ! Tout ça, c'est enregistré", a-t-il estimé. "Donc il faudrait aussi que les journalistes fassent aussi un petit peu attention. Parce que eux, dans leurs conversations privées, ils doivent bien en balancer des vertes et des pas mûres", a-t-il ajouté.

Quant au député PS Julien Dray, il a jugé que Brice Hortefeux est "un républicain" qui n'est pas raciste mais a eu "une phrase inacceptable".

Les faits
Les faits reprochés à Brice Hortefeux se sont déroulés le 5 septembre 2009, lors de l'université d'été de l'UMP à Seignosse (Landes). La séquence a été filmée par des caméras de Public Sénat, à l'insu du ministre, selon la justice, et diffusée par le site internet du Monde.

Brice Hortefeux y tenait des propos ambigus pendant qu'il posait avec un jeune militant, Amine, né de père algérien. Une militante lui expliquait qu'Amine mangeait du cochon et buvait de la bière. Le ministre avait rétorqué: "Ah, mais ça ne va pas du tout. Alors, il ne correspond pas du tout au prototype". Dans un second temps, il ajoutait : "Il en faut toujours un. Quand il y en a un, ça va. C'est quand il y en a beaucoup qu'il y a des problèmes".

Interrogé sur ces propos, Brice Hortefeux avait assuré n'avoir voulu faire "aucune référence à une origine ethnique, maghrébine, arabe, africaine et ainsi de suite". Il avait également donné des explications diverses, disant tantôt qu'il parlait du nombre de clichés pris avec lui dans la journée, tantôt laissant entendre qu'il parlait des Auvergnats. Il a été élu en Auvergne.

Le jugement
En dépit d'un jugement critique à l'égard du ministre, le tribunal correctionnel a relaxé Brice Hortefeux pour la première phrase. L'emploi du mot "prototype" visant une personne d'origine arabe, "déjà malheureux et incongru en lui-même, laisse entendre que tous les Arabes de France seraient semblables, nécessairement musulmans et qu'ils se conformeraient tous aux prescriptions de l'islam, seul le jeune Amine faisant exception".

Toutefois, nuance le tribunal, si ce propos, "de nature à favoriser les idées reçues", est "contestable", il "ne saurait être regardé comme outrageant".

En revanche, les magistrats ont considéré que la seconde sortie - "c'est quand il y en a beaucoup qu'il y a des problèmes" - était "incontestablement outrageante, sinon méprisante" pour des personnes "présentées (...) négativement, du seul fait de leur origine".

A l'audience, le 16 avril, le procureur avait reconnu que ces paroles étaient "outrageantes". Il n'avait cependant pas requis de condamnation, considérant que l'échange n'avait rien de public.

Le tribunal a reconnu qu'elles avaient été tenues "lors d'un échange informel de Brice Hortefeux et Jean-François Copé, au ton badin et décontracté, avec des militants". Mais alors que le parquet en déduisait la relaxe, le tribunal a maintenu l'injure, abandonnant le seul qualificatif de "public".

Brice Hortefeux ne pouvant "être pénalement comptable d'un propos non destiné à être entendu", le tribunal a requalifié le délit en simple contravention de 4e classe et condamné le ministre à l'amende maximale. Le jugement devra être publié dans un périodique.

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