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Le manque d'eau gonfle-t-il le prix des biscuits secs ?

La France, premier exportateur de céréales en Europe, est frappée par un printemps historiquement sec.

Article rédigé par Louis San
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Le prix des biscuits a augmenté bien plus vite que l'inflation, qui a été de 6,8%, entre 2002 et 2011. (ERIKO KOGA / DIGITAL VISION / GETTY IMAGES)

Pains, brioches, biscottes, biscuits secs… Autant de produits dont le prix risque d'augmenter avec la sécheresse qui menace la France. En effet, notre pays, premier exportateur de céréales de l'Union européenne, est frappé par un printemps historiquement sec, pour la cinquième année consécutive. Doit-on s'inquiéter pour la tartine du matin ou les petits gâteaux à l'heure du thé ?

• Les prix augmentent

Le prix des matières premières explose. Près de 80% des nappes phréatiques affichent un niveau inférieur à la normale. La Fédération des syndicats d'exploitants agricoles a réactivé mercredi 28 mars sa cellule sécheresse. "Cette menace de manque de pluie est un facteur de hausse des prix des matières premières", estime Benoît Labouille, directeur général d'Offre & Demande Agricole, conseil en gestion du risque des prix. Il indique que "les cultures sont fragilisées. D'autant qu'il y a eu une perte de 5% de superficies cultivées à cause du froid intense de février. C'est déjà beaucoup", remarque-t-il.

Cette augmentation arriverait alors que les prix ont déjà atteint des records les années précédentes. L'indice de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), qui mesure les évolutions de prix d'un panier de céréales, oléagineux, produits laitiers, viande et sucre, est au plus haut depuis sa création, en 1990. Rien qu'en 2011, l'indice a grimpé de 43%, dépassant le pic atteint au moment des émeutes de la faim de 2008

Le prix des produits agroalimentaires augmente aussi, mais moins vite. Concrètement, l'UFC-Que choisir a constaté qu'entre 2002 et 2012, le paquet de Pim's framboise a augmenté de 16% en moyenne, la baguette de 250 grammes de 27%, passant de 0,67 euro à 0,85 euro. Le paquet de blé gourmet Ebly, lui, a pris près de 20% alors que le prix du kilo de farine Francine a crû de 7%.

Le prix des biscuits et autres produits dérivés des céréales a augmenté bien plus vite que l'inflation, qui a été de 6,8% entre 2002 et 2011, selon l'institut Nielsen. Il n'a toutefois pas doublé, alors que les prix du blé ont "augmenté de 91 % entre le début et la fin de l'année 2010 ", selon un rapport de la Banque centrale européenne. 

• D'où vient cette hausse ?

Pour expliquer cette augmentation des prix, l'agroalimentaire et la distribution s'accusent mutuellement. Difficile de joindre les uns et les autres sur un sujet aussi sensible qui les divise chaque année lors de leurs négociations annuelles. Mais on peut rappeler ces éléments.

Les producteurs ne s'enrichiraient pas. L'économiste Philippe Chalmin, président de l'Observatoire de la formation des prix et des marges, rappelait en 2011 que les prix agricoles "sur moyenne et longue période rémunèrent rarement les facteurs de production". Il précisait que les producteurs n'arrivaient pas à couvrir leurs frais, même avec les aides de l'Union européenne.

Les industriels en profiteraient pour augmenter leurs marges. "Un certain nombre d'industriels ont tenté de faire passer des hausses de prix sous couvert d'augmentation des matières premières." C'est ce qu'a déclaré Jacques Creyssel, délégué général de la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution, en mars 2011. Michel-Edouard Leclerc, patron des supermarchés du même nom, affirmait au même moment que "les farines sont très impactées. Il va y avoir des hausses de 15 à 28% selon les marques, la taille des entreprises". De son côté, l'UFC-Que choisir écrit dans son numéro de janvier que "l'envolée des cours des matières premières ces deux dernières années a indiscutablement renchéri les coûts de fabrication".

Les distributeurs feraient la même chose Si le prix des Pim's framboise a augmenté entre 2002 et 2012, celui du paquet de Petit Ecolier a baissé de 9% sur les dix dernières années, a constaté l'UFC-Que choisir. La hausse des prix des produits ne viendrait pas seulement des industriels mais des distributeurs. C'est en tout cas ce qu'affirme Philippe Chalmin, dans son rapport remis à Nicolas Sarkozy en juin 2011. Selon lui, la distribution profite de l'augmentation des prix de production pour accroître ses marges, tandis qu'elle les laisse stagner lorsqu'ils sont en baisse.

De nombreuses études disponibles sur le site de l'Observatoire de la formation des prix et des marges allaient déjà dans ce sens. Mais le problème serait plus général. Une recherche de 2005 indique que "les prix des produits agricoles représentent une part de plus en plus faible de l'ensemble des coûts de production des produits alimentaires". Elle pointe "les coûts de transformation, de marketing et de distribution [qui] prennent une importance croissante dans certains secteurs".

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