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Le guide des "médicaments inutiles" ne fait pas recette chez les médecins

Depuis sa publication début septembre, l'ouvrage des professeurs Debré et Even ne fait pas l'unanimité chez les professionnels de santé.

Article rédigé par Julie Rasplus
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le Guide des 4 000 médicaments utiles, inutiles ou dangereux, coécrit par les professeurs Debré et Even, est sorti le 13 septembre 2012.  (JAMES BREY / VETTA / GETTY IMAGES)

SANTE – Les critiques pleuvent, quelques semaines après la publication du Guide des 4 000 médicaments utiles, inutiles ou dangereux, coécrit par l'urologue Bernard Debré et le pneumologue Philippe Even. Dans cet ouvrage, les deux médecins estiment que la moitié des médicaments mis sur le marché et remboursés par la Sécurité sociale sont inutiles. Mais depuis la parution du guide, la polémique enfle.

1Une étude vilipendée par le monde médical

Lundi 8 octobre, la Fédération française d'allergologie a porté plainte contre Bernard Debré et Philippe Even auprès du Conseil national de l'ordre des médecins. Ils dénoncent les "propos diffamatoires" des auteurs, qui estiment que la désensibilisation aux allergies n'est qu'un commerce. Pour le président de la Fédération, le discours ne passe pas. S'appuyant sur la désensibilisation faite pour les cas d'asthme, il répond dans Le Figaro que "toutes les méta-analyses mettent en évidence un effet thérapeutique favorable, même si tous les patients n'en tirent pas bénéfice".  

Mais les allergologues ne sont pas les seuls à critiquer l'ouvrage. Selon un autre article du quotidien, "toutes les disciplines, ou presque" dénoncent ce guide, à l'instar des diabétologues et des cardiologues. Ces derniers ont réagi à la position des auteurs sur les statines, médicaments utilisés pour réguler les excès de cholestérol mais jugés inutiles "chez 90% de ceux à qui on les donne". Le Figaro est formel : "Impossible de trouver un seul cardiologue qui les suit sur ce terrain-là."

Dans une tribune adressée aux auteurs du guide, l'Union nationale des omnipraticiens français (Unof) accuse : "Vous laissez penser que, chaque jour, dans nos cabinets, nous ne mesurons pas le bénéfice-risque de traitements dont nous connaissons la toxicité mais aussi le bénéfice pour nos patients."

2Une étude floue et imprécise

"Que nous consommions trop de médicaments dans notre pays, c'est tout à fait vrai", a réagi sur Europe 1 l'ancienne ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, quelques jours après la publication du guide. Mais concernant les 10 à 15 millions d'économies envisagées par les auteurs si on déremboursait certains médicaments qu'ils jugent inefficaces, elle n'y va pas par quatre chemins : "Ce chiffre me paraît calculé très à la louche ; il mériterait d'être affiné." 

Beaucoup dénoncent en fait l'approximation de l'étude et le manque de preuves formelles pour étayer les propos des professeurs Debré et Even. C'est le cas de Jean-François Bergmann, vice-président de la commission d'autorisation de mise sur le marché à l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) et chef de service de médecine interne à l'hôpital parisien Lariboisière.

Selon lui, l'étude "mélange le vrai et le faux". "On ne peut pas balayer des milliers de médicaments depuis son salon sans (tenir compte) des cas individuels des patients", estime le spécialiste.

3Une étude jugée dangereuse pour les patients

Malgré ces critiques, le guide fait un carton en librairie. Plus de 175 000 exemplaires se sont écoulés en l'espace de deux semaines, d'après des chiffres publiés le 1er octobre. Un succès qui ne va pas rassurer les praticiens, déjà inquiets par les possibles conséquences de cet ouvrage sur le comportement des Français. Pour Dominique Maraninchi, directeur général de l'ANSM, le livre risque"de faire peur à certains malades qui prennent des médicaments qui leur sont utiles"

"Par votre pamphlet antimédicament, vous venez de créer, par de dangereux raccourcis scientifiques, le trouble dans l'esprit des patients les plus fragiles (…) que nous devons à nouveau convaincre de l'utilité de leur traitement", accuse encore l'Unof, citée par Le Figaro.

Et pour le professeur Michel Marre, président de la Société francophone du diabète et chef de service à l'hôpital parisien Bichat, l'ouvrage pourrait même "provoquer des morts" en détournant les gens de certains traitements nécessaires à leur santé. 

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