L'intégration des œuvres d'art dans l'ISF inquiète
Un amendement déposé par un député PS prévoit d'assujettir les œuvres à l'impôt sur la fortune. Au grand dam du monde de l'art, qui a le soutien du gouvernement.
POLITIQUE – Adopté en commission des finances de l'Assemblée nationale dans la nuit du mercredi 10 au jeudi 11 octobre, un amendement prévoit d'intégrer les œuvres d'art supérieurs à 50 000 euros dans le calcul de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF).
L'idée ne plaît pas vraiment au gouvernement, qui a fait part de son opposition à cette mesure. La ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, estime qu'elle mettrait à mal "l'exception culturelle française", dans une entretien accordé au site des Echos, jeudi 11 octobre. Une position partagée le même jour par le ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, interrogé par Le Monde.
Ce que prévoit l’amendement
Les œuvres échappent pour le moment à l'ISF et peuvent représenter un placement intéressant pour certains collectionneurs. L'amendement propose désormais de les inclure dans le calcul de l'impôt, à condition qu'elles valent plus de 50 000 euros.
A l’origine, l’idée était d’inclure les œuvres d’art de plus de 5000 euros dans le calcul de l’ISF, pour "donner un signe", explique le député socialiste Christian Eckert, rapporteur général du Budget à l’origine de la proposition. Une telle mesure aurait alors rapporté 100 millions d’euros à l’Etat. En ramenant le seuil à 50 000 euros, le nouvel amendement devrait rapporter moins d'argent.
Les œuvres d'art ont toujours été exclues du calcul de l'ISF, créé par la gauche en 1982. Mais l'idée d'une taxe trotte depuis longtemps dans la tête de certains parlementaires. En juin 2011, le député UMP Marc Le Fur avait déjà déposé un amendement en ce sens, finalement rejeté.
Les inquiétudes des opposants à l'amendement
Le découragement des mécènes privés. L'artiste Pierre Soulages, 92 ans, a condamné l'amendement, lors d'un vernissage d'une expostion à Lyon (Rhône). "Il faut que les œuvres d'art ne soient pas comprises dans l'ISF", au risque de privilégier un "art officiel". Les mécènes privés seraient, selon lui, découragés d'aider les artistes.
La difficulté pour estimer les œuvres. Une telle mesure imposerait donc aux collectionneurs de connaître l'évaluation de leurs œuvres. "Comment les particuliers pourraient-ils connaître la valeur exacte de leur patrimoine artistique, de leurs meubles, tableaux ou bijoux de famille ? Un fauteuil design est-il une œuvre d'art ou un meuble servant à s'asseoir ? Ce flou ne peut que déboucher sur des procédures fiscales inquisitoriales", assure Jean-Pierre Osenat, président du Syndicat national des maisons de ventes volontaires (Symev).
L'affaiblissement de la France sur le marché de l'art. L'amendement pourrait également "tuer dans l'œuf le renouveau de Paris comme place du marché de l'art", estime Jennifer Flay, directrice de la Fiac (Foire internationale de l'art contemporain). Elle rappelle que la France apparaît "comme un endroit où une nouvelle génération de collectionneurs privés veulent partager publiquement leur collection".
La fuite des œuvres à l'étranger. Enfin, certains redoutent une fuite des oeuvres à l'étranger, à l'image de l'ancien ministre de la Culture, Jack Lang. "[Cette mesure] provoquerait une hémorragie des œuvres d'art et l'exil des collectionneurs vers d'autres pays plus accueillants (...). L'exception culturelle que nous avions avec François Mitterrand, instaurée en 1981, serait entaillée."
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