Le 15e rapport annuel de la Fondation Abbé Pierre, publié lundi, met l'accent sur l'aggravation de la crise du logement
Elle touche aujourd'hui 10 millions de personnes, dont près de 600.000 enfants. En cause, la crise économique.
Le logement, devenu un "creuset des inégalités" pour des millions de personnes en proie à ce "grave problème de société", "apparaît comme un facteur d'appauvrissement mais aussi comme une nouvelle source d'inégalité", écrit la Fondation.
Selon son rapport, intitulé Etat du mal-logement en France en 2009 et publié lundi, 10,1 millions de personnes sont confrontées à la crise du logement, dont 3,5 millions très mal logées - cabanes, familles nombreuses en chambre d'hôtel...-, voire sans abri, et 6,6 millions "fragilisées", en instance d'expulsion, vivant dans des copropriétés insalubres, en situation d'impayés, en situation de surpeuplement (3,5 millions), hébergés chez des tiers.
Les mesures préconisées par la Fondation
La Fondation Abbé Pierre propose de s'y attaquer via une batterie de mesures: parmi elles, "imposer sur tout le territoire et dans tout programme immobilier de plus de 10 logements un quota minimum de 30% de logements à loyer accessible", "encadrer" les loyers des logements qui changent de locataires et ont une fâcheuse tendance à augmenter, ou encore "mettre en place un chèque énergie pour les plus pauvres".
Aggravation de la pénurie de logements
"Deux mouvements nous inquiètent particulièrement: la crise du logement s'aggrave dans la durée, et la crise économique fragilise énormément de ménages", précise Christophe Robert, directeur des études de la Fondation. De fait, tous les indicateurs mesurant l'accès des Français à un logement ont viré au rouge l'an passé.
Qu'il s'agisse de la construction neuve ou du parc existant, l'offre immobilière s'est "contractée", aggravant la pénurie de logements: il en manquait 900.000 en fin d'année, soit 100.000 de plus qu'à fin 2008. Dans le parc existant, la crise économique a engendré une frilosité des ménages à déménager, réduisant d'autant l'offre, tant dans le parc privé (-500.000 logements par rapport à 2007) que social.
Parallèlement, le coût annuel moyen de la location ou de l'achat d'un logement ne cesse de progresser (+23% entre 2002 et 2007, à 9.700 euros) et les nouveaux acquéreurs doivent s'endetter sur des périodes toujours plus longues: 14 ans en moyenne en 2001, 18 en 2009.
Pour les locataires, la légère baisse globale des loyers enregistrée en 2009 "ne modifie pas la tendance à la hausse" dans le privé, souligne encore le rapport.
Près de 600.000 enfants concernés
Sur 10 millions de mal logés, la Fondation Abbé Pierre recense 591.595 enfants, dont 18.600 SDF, 2070 vivant dans des cabanes, 2500 dans des hôtels, 22.200 dans des campings, 33.300 chez des tiers, 16.000 dans des centres d'hébergement, 50.658 dans des logements "inconfortables ou de mauvaise qualité", 255.336 dans des logements "surpeuplés", 142.147 dans des meublés et 48.785 dans des logements occupés sans autorisation suite à expulsion.
Ces mauvaises conditions de logement a des conséquences parfois lourdes pour leur santé (saturnisme, affections respiratoires, mauvaise alimentation, mauvaise hygiène, troubles du sommeil), leur scolarité, leur intégration sociale.
Les responsables de la Fondation se demandent comment il est possible de bien grandir dans une caravane, dans un logement où la peinture au plomb provoque le saturnisme, où il n'y a pas un coin de table pour faire ses devoirs, où il faut dormir à sept dans un deux-pièces.
De nouveaux phénomènes de précarité
Avec l'approfondissement de la crise économique, des phénomènes apparus récemment s'amplifient: c'est le cas de la "précarité énergétique" de 3,4 millions de ménages, soit 13% d'entre eux, qui ne peuvent chauffer leur logement à un prix raisonnable, et d'une "zone grise" du mal-logement, constituée de personnes installées chez des tiers, dans des campings, des squats, des caves, des garages...
Miroir des inégalités, le logement en est aussi le "générateur": il "renforce le déterminisme social" car, logiquement, ce sont les plus modestes qui sont davantage concernés par cette crise.
Un tableau qui risque de se noircir encore en 2010, lorsqu'un million de chômeurs arriveront en fin de droits, prévient la Fondation Abbé Pierre. Face à cela, les responsables politiques sont apparus "plus soucieux en 2009 de traiter la crise immobilière qui s'est développée dans le sillage de la crise financière que d'apporter des réponses à la crise du logement", dénonce-t-elle.
Le secrétaire d'Etat au logement suggère le rachat de logement vacants par l'Etat en IdF
"Notre dispositif de prise en charge des personnes à la rue a aujourd'hui tous les symptômes d'un système à bout de souffle", a admis lundi Benoist Apparu.
Le secrétaire d'Etat au logement a plaidé pour "une refonte du système" reposant notamment sur la mise en place d'"un service public de l'hébergement". Afin de disposer d'un outil statistique solide, il a annoncé la mise en place d'une mission au Conseil national pour l'information et la statistique (CNIS).
Alors qu'environ 1,2 million de Français attendent un logement social, Benoist Apparu a également lancé l'idée d'un plan de rachat par l'Etat de logements vides, qui seraient gérés en partenariat avec les associations.
"En Ile-de-France, où les problèmes de foncier sont importants, nous ne pouvons pas négliger le levier de ces logements vides", a-t-il dit. "Je trouve scandaleux la rétention de logements vacants dans des villes où sévit la crise du logement ", a-t-il ajouté, rappelant qu'il s'était engagé à mettre à l'étude l'extension du champ de la taxe sur les logements vacants.
Pour autant, il a estimé que la réquisition de logements vacants était une mesure "inefficace" et "contreproductive".
Réactions politiques au rapport sur le Logement
Martine Aubry, première secrétaire du Parti socialiste a affirmé lundi que le France devait faire du logement "une priorité nationale". "On a besoin de 8 à 900.000 logements sociaux en France. On sait bien qu'on ne le fera pas comme cela", a-t-elle lancé devant la Fondation Abbé Pierre pour le logement des défavorisés. Elle a également jugé "pas normal" qu'un tiers du budget aille "vers la défiscalisation".
Les députés communistes, républicains et du Parti de Gauche, ont réclamé lundi la mise en oeuvre de "mesures urgentes" et fustigé "l'échec et la nocivité des choix du gouvernement". Parmi les mesures qu'ils préconisent: interdiction des expulsions pour les personnes en grande difficulté économique et sociale, doublement de la taxe annuelle sur les logements vacants et renforcement du droit de réquisition par les Préfets.
Le chef de file MoDem des régionales en Ile-de-France, Alain Dolium, s'est prononcé lundi pour la création d'une "Agence régionale de l'habitat" qui serait un "véritable gendarme du logement ". Elle aurait notamment pour mission d'arbitrer entre l'Etat et les municipalités pour faire respecter les obligations légales en matière de logement sociaux (loi SRU: 20%
de logements sociaux par commune, ndlr).
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