La réforme visant à introduire des jurés populaires en correctionnelle a été présentée mercredi en conseil des ministres
Le texte, qui vise aussi à réformer la justice des mineurs et les assises, a pour but de "rapprocher le peuple" de la justice. Il s'agit de faire entrer des jurés dans les tribunaux correctionnels pour des procès liés à des délits aux personnes, et d'associer des citoyens aux décisions de libérations conditionnelles.
"Le but recherché, il y a une telle demande de justice dans ce pays, c'est de faire en sorte que les citoyens français soient associés (...) à l'oeuvre de justice", a déclaré le garde des Sceaux, Michel Mercier, à la presse à l'issue du Conseil. "C'est d'abord pour mieux associer les Français à l'oeuvre de justice, ce n'est pas du tout pour avoir des sanctions plus sévères, les juges aujourd'hui jugent sévèrement, ils ne sont pas laxistes, ils appliquent la loi telle qu'elle est", a-t-il ajouté.
Le texte, préparé en vue d'une "mise en oeuvre progressive" dès 2012, selon le ministre de la Justice Michel Mercier, suscite la critique des magistrats ainsi que des réserves à gauche et à l'UMP.
Actuellement, les jurés populaires (composés de citoyens) ne siègent que dans les cours d'assises, qui jugent les crimes, alors que les délits sont jugés en correctionnelle par des magistrats professionnels.
Le texte prévoit que pour les atteintes aux personnes les plus graves (violences aggravées, agressions sexuelles, vols avec violence), des citoyens tirés au sort sur les listes électorales siègeront au côté des magistrats. La mesure concernerait environ 40.000 délits par an (première instance et appel). Des citoyens tirés au sort participeront aussi aux décisions de libérations conditionnelles, pour les peines de prison égales ou supérieures à 5 ans.
Actuellement, 2600 décisions sont rendues annuellement par des cours d'assises avec jurés. Ces jurés populaires en correctionnelle participeraient à l'équivalent d'une semaine d'audience par an. Le tribunal devrait être composé de trois magistrats et deux jurés.
Pour la mise en oeuvre de cette réforme, le garde des Sceaux a promis la création de 155 postes de magistrats et 100 de greffiers. Mais les syndicats de magistrats restent très critiques envers ce projet jugé "illisible", "pas financé" et qui va "instaurer des différences de traitement entre justiciables". "Comme le gouvernement a abandonné la réforme de l'instruction, il fallait vendre quelque chose à l'opinion publique avant la présidentielle de 2012", dénonce l'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire dans la profession).
Pour le PS, le projet d'introduction de jurés populaires en correctionnelle est une "mauvaise idée" qui crée une "nouvelle usine à gaz". "Ce qui va se passer, c'est l'engorgement des tribunaux", a déclaré le président du groupe socialiste à l'Assemblée, Jean-Marc Ayrault. "Il y a 600.000 procès en correctionnelle par an. Déjà pour les assises, c'est difficile avec 6000 procès. ême si on se limite à 40.000 procès par an en correctionnelle, le risque c'est que la justice soit très lente", a ajouté le député-maire de Nantes. "On fait semblant de répondre à l'aspiration populaire mais on est en réalité en train de se moquer d'elle", a-t-il encore fait valoir.
Autres mesures
La réforme prévoit par ailleurs la création d'une "cour d'assises simplifiée", visant à réduire la "correctionnalisation". Cette pratique, largement utilisée aujourd'hui, consiste à requalifier un crime en délit (par exemple un viol en agression sexuelle) pour le faire juger plus rapidement. Cette cour "simplifiée", qui comporterait probablement deux jurés au lieu de neuf, jugerait certains crimes.
A la grande satisfaction des avocats, le ministre de la Justice Michel Mercier a confirmé que le texte proposera une motivation des verdicts d'assises.
Le projet de loi comprend aussi des mesures visant à réformer la justice des mineurs, avec la création d'un tribunal correctionnel qui jugera les récidivistes de 16 à 18 ans. Ce tribunal comprendrait trois magistrats dont un juge des enfants, auxquels s'ajouteraient deux jurés dans les cas d'atteintes aux personnes les plus graves. Il appliquerait par ailleurs "une procédure adaptée aux mineurs". Six organisations syndicales et professionnelles ont demandé son "abandon", accusant le gouvernement de "déconstruire, pan par pan, la spécificité de la justice des mineurs".
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