La plupart des 123 Kurdes arrivés vendredi sur une plage corse ont été remis en liberté lundi
Le ministre de l'Immigration Eric Besson, qui avait décidé leur transfèrement en centres de détention, a été désavoué par les différents juges (de Rennes, Marseille Lyon et Toulouse notamment) qui ont remis dimanche et lundi ces personnes en liberté pour non respect des procédures légales.
La décision des juges a été qualifié de "désaveu cinglant" de M. Besson par Jean-Claude Aparicio de la Ligue des droits de l'homme des Bouches-du-Rhône.
M. Besson a qualifié de "grotesques" les critiques des associations qui ont jugé illégal le transfèrement en centre de rétention administrative (CRA) des clandestins découverts en Corse.
Le ministre de l'Immigration, qui a finalement annoncé lundi une annulation des arrêtés de reconduite à la frontière des 123 migrants arrivés vendredi en Corse, a indiqué toutefois qu'il prévoit un renforcement de la législation pour faire face à une arrivée "massive" et "inopinée" de clandestins.
Lundi soir, le président Nicolas Sarkozy a défendu la gestion de ce dossier par Eric Besson et assuré que les migrants auxquels ne serait pas accordé le droit d'asile seraient "raccompagnés chez eux". "Parce que si nous ne faisons pas ça, alors les esclavagistes du monde entier et les réseaux criminels du monde entier tireront la conclusion qu'on peut faire débarquer n'importe comment des pauvres gens sur les plages de France. Le message est très clair".
123 personnes affirmant être des Kurdes originaires de Syrie ont été découvertes vendredi sur une plage proche de Bonifacio, dans des conditions toujours pas éclaircies.
Les arguments des juges qui ont remis les migrants en liberté
31 d'entre eux, placés dans les centres de rétention de différentes villes, ont été remis en liberté dimanche par les juges de Rennes, Nîmes et Marseille, puis plus d'une dizaine d'autres à Toulouse et Lyon lundi.
Les juges de la liberté et des détentions ont estimé que la privation de liberté de ces migrants s'était faite hors de tout cadre juridique légal "puisqu'ils n'étaient pas placés en garde à vue".
Le juge de Nîmes a pointé l'absence de pièces de procédure justifiant une reconduite à la frontière, celui de Marseille le fait que les migrants ne s'étaient pas vu notifier leurs droits immédiatement après leur placement en rétention. Il appartient désormais aux tribunaux administratifs de statuer définitivement sur la légalité des arrêtés de reconduite à la frontière pris par le préfet de Corse du Sud.
Aucun des parquets dans les villes concernées n'a fait appel de la décision des juges dans le délai légal de quatre heures.
Au moins 61 demandes d'asile
Le ministère de l'Immigration a précisé qu'"au moins 61 des 81 adultes" du groupe de 123 Kurdes avaient déposé une demande d'asile. Les arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière seront abrogés dès que les 81 adultes auront déposé leurs demandes en préfecture, a-t-on expliqué au ministère.
Réaction des associations
Les décisions des Juges de la liberté et des détentions ont été accueillies avec satisfaction par les associations d'aide aux réfugiés. Celles-ci avaient toutes dénoncé la procédure appliquée par les autorités françaises et notamment le placement immédiat des Kurdes en centre de rétention. Des décisions susceptibles de limiter leur possibilité de déposer un dossier de demande d'asile dans les cinq jours.
Pour la Cimade, "les improvisations" du ministre de l'Immigration, Eric Besson, ont été "désavouées par les juges". Les juges ont constaté "les nombreuses atteintes à la liberté individuelle, aux droits de l'enfant et au droit d'asile commises par le préfet de Corse sur instruction du ministre de l'Immigration", a écrit la Cimade dans un communiqué.
Amnesty International France avait appelé au respect de la "protection des droits" des migrants de Corse. "La protection des droits doit l'emporter sur les mesures sécuritaires", affirme l'organisation, rappelant que "le droit d'asile, droit de valeur constitutionnelle, prime sur toute considération de contrôle migratoire". De son côté, le Haut commissariat aux réfugiés (HCR) avait appelé samedi "les autorités françaises à s'assurer que toutes les personnes sollicitant la protection de la France puissent accéder à une procédure d'asile".
Quel périple ?
Les autorités françaises ont tenté de reconstituer le périple des migrants arrivés en Corse. "Ils seraient partis de Syrie pour aller en camion jusqu'en Tunisie. De là, ils auraient pris un cargo qui les aurait déposés en Corse", a dit à la presse le procureur de la République d'Ajaccio.
"C'est en Tunisie qu'ils auraient eu des contacts avec des passeurs. D'après les déclarations, ils auraient payé entre 2500 euros et 10.000 euros le passage", a-t-il indiqué.
Une information judiciaire a été ouverte en France pour "aide à l'entrée d'étrangers en bande organisée" et Paris a transmis une demande d'entraide pénale à l'Italie. La France n'avait pas connu un tel débarquement sur ses côtes depuis 2001, quand quelque 900 Kurdes s'étaient échoués sur une plage du Var à bord d'un vraquier.
Pas trace du bateau qui les aurait transportés
Dans le même temps, l'enquête du parquet d'Ajaccio s'est poursuivie dimanche avec des vérifications sur un navire ukrainien à Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône), selon le procureur de la République. Des vérifications déjà effectuées depuis vendredi en Sardaigne sur un cargo russe "n'ont pas apporté d'élément probant" et l'enquête n'a encore "pas beaucoup évolué", a-t-il ajouté.
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