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La mission parlementaire sur le voile intégral prône une loi d'interdiction du port de la burqa dans les lieux publics

Nicolas Sarkozy et François Fillon se sont prononcés pour une résolution et des textes législatifs et réglementaires sur l'interdiction de la burqa, mais ils ont renvoyé le débat sur le périmètre de la loi après les élections régionales de mars.L'idée est d'éviter de stigmatiser la religion musulmane.
Article rédigé par France2.fr
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Une Marocaine salafiste s'est vu refuser la nationalité française en raison d'une pratique radicale de la religion (F2)

Nicolas Sarkozy et François Fillon se sont prononcés pour une résolution et des textes législatifs et réglementaires sur l'interdiction de la burqa, mais ils ont renvoyé le débat sur le périmètre de la loi après les élections régionales de mars.

L'idée est d'éviter de stigmatiser la religion musulmane.


"Il faut une loi comprise et partagée par le culte musulman"
La burqa est considérée par les islamologues comme une émanation minoritaire.

Le chef de file des députés UMP, Jean-François Copé, a court-circuité ses pairs et l'exécutif en annonçant en décembre une proposition de loi en vue de l'interdiction de la burqa.
Le Premier ministre a mis en garde mercredi les parlementaires contre toute "précipitation".

Dans une interview au Figaro, le président de la mission parlementaire, le député communiste du Rhône André Gérin, explique que la mission préconise une interdiction "absolue" du voile intégral dans les lieux ouverts au public.
"Le problème de l'espace public, c'est-à-dire la rue, est très délicat. Cela dépasse complètement la question du voile intégral en temps que tel", observe-t-il toutefois.

"Il faut qu'elle soit conforme à la Constitution et qu'elle soit comprise et partagée, même s'ils ne sont pas d'accord, avec les responsables du culte musulman", a ajouté M. Gérin sur RTL.
"Pour être efficace, cette loi doit aller dans le sens de la libération des femmes contraintes. Car se couvrir le visage, ce n'est pas un vêtement, c'est un linceul, ce qui signifie la négation de l'identité, de la personnalité".

"Le problème est plus grave que je ne pensais"
L'élu communiste affirme avoir découvert une réalité qu'il ne soupçonnait pas : "En six mois, j'ai découvert que le problème est encore plus grave que je ne pensais. Dans certaines entreprises du CAC 40 se constituent des syndicats religieux ou communautaristes qui remettent en cause la mixité au travail, ou la tenue vestimentaire des femmes. Dans certains établissements scolaires, 50 % des jeunes filles mineures sont exonérées de gymnastique ou de piscine, et des gamins contestent les cours d'histoire ou de sciences naturelles.Une chose est sûre : dans les lieux ouverts au public, ce sera comme une lame de couteau. L'interdiction du voile intégral sera absolue".

La résolution de la mission parlementaire affirme notamment que le port du voile intégral est contraire aux valeurs de la République et demande que cette pratique soit prohibée sur le territoire de la République.

La gauche inquiète des conséquences d'une telle loi
Au nombre des recommandations figure celle de créer une mission d'information parlementaire sur l'islamophobie, a-t-on appris de source parlementaire.
Le Parti socialiste s'est dit hostile à une loi "de circonstance" et la secrétaire nationale du Parti communiste, Marie-George Buffet, redoute qu'on jette l'opprobre sur l'islam.
Le Mrap (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples) s'inquiète jeudi dans un communiqué d'"une loi fondée sur un phénomène marginal et dont les effets peuvent être dévastateurs".

750 euros d'amende
Jean-François Copé a déclaré jeudi sur France Inter que la loi, une fois promulguée, ne serait pas applicable les six premiers mois, le temps de l'expliquer. "Ce qui est important, c'est d'avoir" une loi dont "on comprend l'objectif, il ne s'agit pas de sanctionner", a-t-il dit.
Sa proposition de loi prévoit une amende de quatrième catégorie - 750 euros - pour les contrevenantes, ce que le constitutionnaliste Guy Carcassonne juge "disproportionné".

Après la période de six mois, "une contravention" pourrait être dressée par un policier "sans esclandre", a dit le président du groupe UMP. "On doit inviter la personne à l'enlever (la burqa) et veiller à ce qu'il y ait une amende, l'objectif est que ce soit dissuasif", a-t-il dit.
"L'idée serait de faire un article 1 qui dirait 'nul ne peut sur la voie publique, et dans les lieux ouverts au public, porter une tenue ou un accessoire qui aurait pour effet de dissimuler le visage'", a expliqué Jean-François Copé.
Des exceptions seraient prévues, comme "les conditions particulières de grand froid ou le carnaval".

Les autorités musulmanes et chrétiennes très réservées
Reçus à l'Elysée par Nicolas Sarkozy pour les voeux aux forces religieuses, Dalil Boubakeur, recteur de l'institut musulman de la mosquée de Paris et le cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris, se sont montrés tous les deux très réservés.

Le premier estime qu'une loi "donnerait une nouvelle impulsion à ce que l'on veut éliminer". Le second s'est pour sa part déclaré "réticent à l'idée que la République s'occupe de la manière dont on s'habille (...) Ou alors il faudrait aussi qu'elle s'occupe de la manière dont on se déshabille, ce qui n'est pas le cas actuellement".
"Est-ce qu'il faut donner le choix entre le voile intégral ou la publicité des femmes nues sur les 4x4 ? Je trouve qu'il faut être cohérent", a-t-il indiqué.

Que nous ayons un jugement de valeur sur le port du voile intégral, c'est notre droit et il est normal qu'on puisse l'exprimer. Est-ce que ça doit se terminer par des règlements de police et des patrouilles dans les rues, ça me paraît un peu d'un autre ordre", a dit le prélat.

L'imam de Drancy favorable à une loi contre le voile intégral Hassen Chalghoumi, s'est déclaré favorable à une loi interdisant la burqa, mais en l'assortissant d'un travail pédagogique, dans un entretien au Parisien vendredi.

"Je suis pour l'interdiction par la loi de la burqa, qui n'a pas sa place en France", a-t-il affirmé.
"Mais elle doit être assortie d'un travail pédagogique comme ce qui s'est fait pour le voile à l'école en 2004", a souligné M. Chalghoumi, premier imam à prendre publiquement position contre la burqa, selon le quotidien.

Selon l'imam de Drancy Seine-Saint-Denis), le voile intégral n'est pas une prescription religieuse mais "une prison pour les femmes, un outil de domination sexiste et d'embrigadement islamiste".
"Cette tradition très minoritaire renvoie à une idéologie qui saborde la religion musulmane", a-t-il ajouté.

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