Les heures sup' au cœur du débat budgétaire
La commission des Finances de l'Assemblée a proposé lundi de ne taxer les heures sup' qu'à partir du 1er juillet 2012, au lieu du 1er janvier. Le rapporteur général du Budget, Christian Eckert, a modifié son amendement juste avant le début de l'examen du projet de loi de Finances rectificative.
Rétropédalage. La commission des Finances de l'Assemblée nationale a proposé lundi 16 juillet, lors d'une ultime réunion, de ne taxer les heures supplémentaires qu'à partir du 1er juillet 2012 au lieu du 1er janvier, juste avant l'examen en séance du projet de loi de finances rectificative.
Proposée par le rapporteur général du Budget à l'Assemblée nationale, Christian Eckert, la rétroactivité de la fiscalisation des heures supplémentaires avait provoqué la levée de bouclier de certains élus. FTVi revient sur cette mesure phare du quinquennat de Nicolas Sarkozy, sur le point d'être enterrée.
• La défiscalisation, qu'est-ce que c'est ?
C'est une mesure emblématique du gouvernement Sarkozy, traduction fiscale de son slogan de campagne "Travailler plus, pour gagner plus".
Elle a été adoptée en octobre 2007, dans le cadre de la loi "Travail, emploi, pouvoir d'achat", ou loi Tepa. L'idée est que les salariés soient exonérés d'impôts sur le revenu gagné en tant heures supplémentaires effectuées et paient moins de cotisations salariales. Quant aux chefs d'entreprises, ils sonts exonérés de cotisations patronales sur ces heures.
• Quel bilan ?
Près de 9,5 millions de salariés ont bénéficié de cette mesure. Le gain annuel moyen par personne concernée s'élève à environ 450 euros, selon le rapport parlementaire Gorges (UMP)/Mallot (PS) rendu en juin 2011. Cette réforme fiscale a donc rempli l'un de ses objectifs : les salariés ont "gagné plus".
En revanche, les français n'ont pas forcément "travaillé plus" : selon le même document, le nombre d'heures supplémentaires a diminué entre 2007 et 2010, précisant que cette diminution reste "déterminée par les variations de l’activité économique". Pour la gauche et les syndicats, il s'agit même d'"une arme massive de destruction d'emplois", parce qu'elle incite à faire travailler les salariés en place plutôt qu'à chercher de nouveaux bras.
Ses détracteurs dénoncent également une mesure "injuste" car elle bénéficie plus fortement à ceux qui payent des impôts, c'est-à-dire ceux qui gagnent le plus. Enfin, la défiscalisation des heures supplémentaires est coûteuse : 5 milliards par an de recettes en moins, selon le gouvernement.
• Quelles conséquences à son abrogation ?
Les salariés pourront continuer à effectuer des heures supplémentaires (dans la limite légale de 220 heures par an), qui seront toujours majorées : 25% de la 36e à la 43e heure, 50% au-delà. Mais ils seront désormais imposables sur ce revenu. L'UMP dénonce un coup porté au pouvoir d'achat, à l'instar de son secrétaire général, Jean-François Copé, qui s'est "indigné du nouveau coup porté, en catimini et dans la plus grande déloyauté, au pouvoir d'achat des classes moyennes par la majorité de gauche" dans un communiqué publié vendredi 13 juillet.
Le gouvernement se défend en rappelant que la réforme ne touchera que les entreprises de plus de 20 salariés. C'est d'ailleurs les petites entreprises qui déclarent le plus d'heures supplémentaires : six fois plus que les sociétés de plus de 500 personnes (24 heures par trimestre et par salarié à temps complet). En outre, la fin de la défiscalisation des heures supplémentaires rapportera 3 milliards d'euros à l'Etat dès 2013.
• A partir de quand la mesure pourrait être effective ?
Les heures supplémentaires devraient être soumises à l'impôt à partir de cet été. Au départ, selon l'amendement déposé par Christian Eckert, elles devaient l'être à compter du 1er janvier… 2012, c'est-à-dire rétroactivement. Proposition qui a provoqué un tollé chez de nombreux élus. L'ancien Premier ministre UMP Alain Juppé a notamment estimé lundi 16 juillet sur France Inter que le nouvel exécutif commettait un "contresens" économique et social, "qui va amputer le pouvoir d'achat des salariés".
Le gouvernement a donc changé de position. Lundi 16 juillet, Matignon a annoncé la date du 1er août, "pour tenir compte de ce que disent un certain nombre de personnes sur le thème : je n'aurais pas fait d'heures supplémentaires si j'avais su qu'elles n'étaient pas défiscalisées." Quelques heures avant, la commission des Finances de l'Assemblée nationale avait, elle, proposé de repousser au 1er juillet 2011.
D'autres mesures sont aussi examinées lundi 16 juillet à l'Assemblée nationale, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative : l'abrogation de la TVA sociale, l'instauration d'une contribution exceptionnelle en 2012 pour les ménages assujettis à l'impôt sur la fortune (2,3 milliards d'euros) ou encore la diminution de 30% du salaire du président de la République et du Premier ministre.
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