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La campagne à vélo, "un film de vacances" sur les Français qui ont voté (ou pas)

Les deux journalistes de "La campagne à vélo" ont parcouru plus de 4000 kilomètres à la rencontre des Français. Ils nous racontent ces trois derniers mois.

Article rédigé par Emma Defaud - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
  (LA CAMPAGNE À VÉLO)

Comme la campagne présidentielle, le tour de France de Raphaël Krafft et Alexis Monchovet s'est achevé dimanche 6 mai. Les deux journalistes ont parcouru le pays à vélo sur quelque 4058 kilomètres, pendant trois mois, pour aller à la rencontre des électeurs. Aucune réservation à l'hôtel ne les attendait. A chaque étape, Raphaël Krafft et Alexis Monchovet ont compté sur l'hospitalité des Français et passé leur soirée à parler politique avec eux. 

Leur feuilleton documentaire, "La campagne à vélo", a été publié sur Francetv info, France Bleu et Rue 89 : une série de portraits pris sur le vif, l'image d'une France sans fard à laquelle on donne rarement la parole. Depuis Marseille et avant leur retrour à Paris, les deux journalistes confient à FTVi leurs impressions sur ces trois mois de rencontres hautes en couleurs.

Vous avez rencontré des électeurs du FN, des royalistes, des écolos ou encore des Français exilés au Luxembourg et des rastas. Comment avez-vous réussi à rencontrer ces personnes si différentes ?

Alexis Monchovet : Tous les jours, on arrivait à 17-19 heures dans un endroit sans qu’on sache où on allait dormir. On est alors comme deux cow-boys. C’est un moment très fort, un sentiment intense : on sait qu’il va se passer quelque chose. “Ce n’est pas l’histoire qui fait la route, mais la route qui fait l’histoire”, m'avait confié Raphaël avant de monter ce projet, parce qu'il en avait déjà eu l'expérience, j'ai pu le toucher du doigt cette année.

Papa Rasta et Mama Rasta sur le perron de leur maison. (LA CAMPAGNE A VELO)

Raphaël Krafft : La France est très hospitalière. Le plus dur, ce n’est ni le vélo, ni de se remettre d’une soirée souvent bien arrosée avec nos hôtes. C’est de se mettre en situation de fragilité pour créer le contact. Il faut que les gens comprennent que nous sommes inoffensifs. Par exemple, on arrive crevés à Sedan à 22 heures et il ne faut pas aller à l’hôtel, parce qu’à l’hôtel, il ne se passera rien. Et finalement, on tombe sur un serveur ancien militant PS qui nous accueille chez lui.

Et vous, vous mettez vos opinions de côté ?

Raphaël Krafft : C'est l'intérêt du vélo. Quand tu arrives chez quelqu’un après 100 kilomètres à pédaler, tu es lavé de toute idée préconçue. On ressent ce qu’il y a de bon chez les gens. Bien sûr, nous avons des convictions propres, nous avons chacun voté pour un candidat. Mais nous avons eu beaucoup de plaisir à être avec les gens de droit ou de gauche dans un rapport apaisé. Même si, évidemment, il y a des choses qu’on ne peut pas laisser passer, qui appellent chez nous des réactions. Au final, on a rencontré une galerie de personnages affectueux, marrants, pertinents.

Photo de leur périple. (LA CAMPAGNE A VELO)

Alexis Monchovet : Pour moi qui filme, ce qui était difficile, c’était de capturer la magie dans un temps limité après une journée de vélo. Réussir à filmer la chaleur de la rencontre. A un moment, je devais m’extraire de la scène et allumer la caméra. Pour que ça ne soit pas une interview, mais plutôt un film de vacances, un film entre amis.

Sur le plan politique, qu’est-ce qui vous a marqués ?

Raphaël Krafft : Le regard sur la classe politique n’est pas bienveillant. Les Français ne sont pas dupes. Ils se sentent frustrés de ne pas avoir entendu parler des vrais enjeux pour le pays pendant la campagne. Moi qui ait déjà parcouru la France à vélo en 2002 et en 2007, j’ai l’impression que les gens que j’ai croisés ont pris conscience que le Président de la République ne peut exister que dans un monde interconnecté. On ne vote plus contre la mondialisation. Le “capitaine dans la tempête” est une expression qui a vraiment fait mouche. La crainte pour les générations futures est renforcée aussi.

Alexis Monchovet : J’ai été marqué par une séquence que je n’ai pas filmée lors d’une soirée en Haute-Marne, avec des électeurs qui avaient voté Laguiller ou Robert Hue. J’ai pris conscience que le choc du 21 avril 2002 était encore là : ils allaient tous voter Hollande au premier tour.

Et qu’est-ce qui vous a marqué au-delà du politique ?

Alexis Monchovet : Le fossé villes-campagne. Ce sont deux mondes différents. Les grandes villes deviennent toutes identiques, avec les mêmes enseignes, de véritables galeries marchandes où la consommation est omniprésente. Alors que la campagne ou les petites villes ne sont pas touchées par ce phénomène.

Photo d'Alexis lors de leur périple. (LA CAMPAGNE A VELO)


Quel contact gardez-vous de ces périples ?

Raphaël Krafft : A chaque fois, une amitié se crée. Parfois éphémère, parfois plus longue. J’envoie toujours des cartes postales au Nouvel An aux personnes que j’ai croisées en 2007. Le royaliste est devenu un ami, tout comme Jacky, de Saint-Dizier que je vois régulièrement. Avec Patrice, de Calais, on va se revoir aussi. Aujourd'hui, avec Alexis, nous sommes en train d’écrire des cartes postales pour les leur adresser.

Un documentaire de 52 minutes, qui raconte le road-movie des deux journalistes, sera diffusé mardi 8 mai à 23h40 sur France 2. Retrouvez également tous les épisodes de ce feuilleton sur francetv info.

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