L'Assemblée nationale a adopté mardi par 325 voix contre 201 le projet de loi contre la récidive, examiné en urgence
Ce texte sanctionne notamment les condamnés pour crimes sexuels qui refusent de suivre un traitement.
Le texte, ressorti des cartons après un fait divers récent, le meurtre d'une joggeuse par un récidiviste en octobre en Seine-et-Marne, a été approuvé par 325 voix (UMP, NC) contre 201 (PS, Verts, PCF).
Côté opposition, le député PS Dominique Raimbourg a accusé le gouvernement d'"empiler les textes avant même d'avoir réussi à appliquer ceux qui ont déjà été votés". Il a de nouveau demandé "plus de moyens" pour les prisons.
Noël Mamère (Verts) a dénoncé un texte "sécuritaire, imbécile, populiste et démagogique" visant, à quelques mois des régionales, à "braconner sur les terres du Front national".
Michel Hunault (Nouveau Centre) a regretté que l'Assemblée ait refusé de remettre en cause l'automaticité des remises de peine pour les auteurs récidivistes de crimes "notamment à caractère sexuel". "Nous serons vigilants sur l'exécution des peines et la prise en compte de la dangerosité des criminels", a-t-il prévenu.
Le député UMP Eric Ciotti a indiqué que "le texte, qui n'a pour objectif que de mieux faire respecter les victimes, devrait appeler au consensus". Car selon lui, derrière le chiffre de 2%" de récidive, "se cachent 500 faits de récidive, 500 victimes qui ont subi parfois la contrainte de monstres qui ont été remis en liberté".
Après son adoption par l'Assemblée, le Sénat doit examiner le projet à son tour à la mi-décembre ou au début janvier.
Principales dispositions
- Abaissement des seuils à partir desquels une surveillance judiciaire ou une surveillance de sûreté pourront être ordonnées. Une personne condamnée à une peine inférieure ou égale à 7 ans de prison (10 actuellement) pourra être soumise à la surveillance judiciaire. Le seuil est abaissé de 15 à 10 ans pour la surveillance de sûreté. La surveillance judiciaire et la surveillance de sûreté sont portées de un à deux ans.
- Le placement en rétention de sûreté (maintien en centre fermé après la fin de la peine) suppose que l'intéressé ait été mis en mesure, pendant sa détention, de bénéficier d'une prise en charge médicale, sociale ou psychologique, adaptée au trouble de la personnalité dont il souffre.
- Sanction contre les condamnés pour crimes sexuels refusant de prendre des médicaments antihormonaux (ou castration chimique). Toute personne refusant de s'y soumettre ou l'interrompant peut être punie par un retour en prison. Le médecin traitant devra "rendre compte à un médecin coordinateur", lequel aura "l'obligation d'informer les juges de toute interruption de traitement".
- Les condamnés faisant l'objet d'une surveillance judiciaire, peuvent faire l'objet, en plus d'une expertise, d'un placement, pour une durée de deux à six semaines, dans un service spécialisé.
- Pour mieux faire respecter l'interdiction pour les ex-condamnés sexuels de "paraître autour du lieu où travaille ou réside la victime ou sa famille", la police pourra "interpeller" une personne violant cette interdiction et la "retenir pendant 24 heures" ou la placer sous mandat d'arrêt.
- Création d'un répertoire des données collectées dans le cadre des procédures judiciaires (RDCPJ), pour faciliter l'évaluation de la dangerosité d'une personne. Les données devront être effacées en cas de classement sans suite d'une affaire ou après relaxe ou acquittement.
- Communication à la police ou à la gendarmerie de l'identité et de l'adresse d'un ex-condamné soumis à suivi socio-judiciaire.
Désaccord entre majorité UMP et gouvernement lors de l'examen du texte
C'est au soir du 18 novembre que les députés ont achevé l'examen du projet de loi sur la récidive. La gauche a réclamé à ce moment plus de moyens pour la justice, plutôt qu'un "quatrième texte en quatre ans".
Malgré les réserves de la garde des Sceaux, la majorité a durci le texte, étendant la surveillance de sûreté, prévue jusque-là pour les ex-condamnés à plus de 15 ans de prison, aux personnes condamnées à plus de 10 ans de prison. "Cela me pose problème", a réagi Michèle Alliot-Marie en rappelant que la rétention de sûreté (enfermement dans des centres spécialisés à la sortie de prison) et la surveillance de sûreté avaient été conçues comme "des sanctions correspondant à des faits d'une gravité toute particulière". "On peut se demander comment le Conseil constitutionnel va réagir", a ajouté la ministre de la Justice en se demandant si la nouvelle disposition "était bien nécessaire".
"Allons jusqu'au bout de notre logique", a plaidé pour sa part le rapporteur du texte, Jean-Paul Garraud (UMP) en repoussant les craintes de "dérapage" exprimées par Elisabeth Guigou (PS). L'opposition critique le projet, préférant réclamer plus de moyens plutôt qu'un "quatrième texte en quatre ans". Devant "la misère" financière de la justice, "vous rendez inefficaces les mesures en les élargissant", a noté George Pau-Langevin (PS).
Le projet sur la récidive, qui avait été présenté en conseil des ministres en novembre 2008, a été ressorti des cartons après le viol et le meurtre d'une joggeuse début octobre en forêt de Fontainebleau par un délinquant sexuel récidiviste.
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