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Témoignage "Sortez nos enfants de ces camps de la mort lente" : un grand-père demande à la France de rapatrier sa petite-fille, orpheline de jihadistes

Sa petite fille orpheline est enfermée depuis trois ans dans le camp de Roj, au nord-est de la Syrie. Son grand-père, agriculteur, vient d'adresser une lettre à la nouvelle ministre des Affaires étrangères Catherine Colonna, pour demander son rapatriement.

Article rédigé par franceinfo - Gaële Joly
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Sarah, orpheline de jihadistes français, depuis mars 2019, aujourd'hui retenue en Syrie, sur une photo de famille confiée par son grand-père. (DOCUMENT FRANCEINFO)

Sarah n'avait que 10 ans quand ses parents ont quitté la région de Roanne (Loire) pour l'emmener en Syrie, à l'automne 2013. Six ans plus tard, son père, puis sa mère et ses six frères sont tués sous ses yeux à Baghouz, lors de la chute de l'Etat Islamique. Gravement blessée à la tête et au visage par un éclat d'obus, Sarah doit se débrouiller seule dans le camp de Al-Hol, puis de Roj, au nord-est de la Syrie. Détenue par les Kurdes, elle y est aujourd'hui toujours enfermée et livrée à elle-même. Mais depuis quelques mois, Sarah est majeure, elle vient d'avoir 18 ans, elle est donc considérée comme un cas non-prioritaire par les autorités françaises.

Pourtant, son grand-père, Jean-Marc, un agriculteur, se bat depuis plusieurs années pour la faire rentrer. Il écrit aujourd'hui à la nouvelle ministre des Affaires étrangères, Catherine Colonna. "Serez-vous la ministre qui rendra un peu de crédibilité à la 'patrie des droits de l’homme', droits si souvent mis en avant par nos gouvernants dans les relations internationales mais vides de sens car bafoués par ces derniers ?", s'interroge-t-il. 

Jean-Marc dénonce "le mépris" avec lequel sa démarche a été accueillie par Jean-Yves Le Drian, l'ex-ministre des Affaires étrangères, "tout comme celle de ces dizaines de familles françaises dans la même situation". Il conteste la politique de la France, qui maintient une politique décriée de retour au compte-goutte, avec seulement une trentaine d'enfants français rapatriés. Jean-Marc poursuit : "Les arguments de votre prédécesseur contre ces rapatriements sont maintenant reconnus infondés. Faut-il finir par penser que c’est par une volonté délibérée que le pouvoir, pour quelque obscure motivation stratégique, entretient une réserve de forces pour Daech dans ces camps syriens ?

"Nos enfants n’ont pas choisi ce bannissement"

Toutes les précédentes demandes de rapatriement de Sarah ont été faites alors qu'elle était encore mineure, comme dans ce courrier adressé au Quai d'Orsay, daté du 8 novembre 2019 et que franceinfo a pu consulter. Son grand-père écrivait : "Sarah est Française, née en France, mineure et orpheline. Elle souhaite de tout son cœur retrouver une vie normale mais le gouvernement fait barrière (...) Vous avez le pouvoir, monsieur Le Drian, de sauver ces enfants si une once d'humanité existe en vous !"

Dans la lettre qu'il adresse aujourd'hui à Catherine Colonna, le grand-père de Sarah insiste : "Nous voudrions encore croire que nous vivons dans un État qui se préoccupe de ses citoyens plus que de vendre des armes à des régimes qui n’ont que faire des droits de l’homme, des enfants, des femmes. (...) Madame la ministre, sortez nos enfants de ces camps de la mort lente ; ils n’ont pas choisi ce bannissement ; les parents survivants ont droit à être jugés, entendus par notre justice et non hypocritement lynchés, afin de comprendre comment, pourquoi, de jeunes français de tous milieux sociaux ont pu être happés par cette idéologie, ceci pour prévenir ces radicalisations toujours à l'œuvre dans la cité (au sens latin du terme)." Et il conclut : "Madame la ministre, ramenez-les nous ! Vivants !" 

D'après les dernières nouvelles, Sarah garde espoir. "Il ne faut pas que je pense à ce que j'ai vécu, il faut que je tourne la page et la vie continue", dit-elle, résiliante.

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