Lutte contre le jihadisme : ce que proposent les sénateurs
Le sujet est au cœur des discussions au Sénat, dont une commission présidée par deux sénateurs UDI et UMP vient de rendre ses conclusions.
440 pages, 110 propositions. Une commission de sénateurs a rendu public, jeudi 8 avril, son rapport (PDF) pour lutter contre le jihadisme. Au menu, prévention de la radicalisation, renforcement des effectifs du renseignement et de la coopération européenne, lutte contre le financement des réseaux terroristes. Francetv info vous résume les principales mesures mises en avant par la commission présidée par les sénateurs Nathalie Goulet (UDI) et André Reichardt (UMP).
Prévenir et détecter la radicalisation
Le phénomène de la radicalisation est au cœur du rapport. Celui-ci suggère de lutter en amont et d'intégrer aux programmes scolaires un "enseignement laïc du fait religieux" et "une formation à la réception critique des contenus diffusés sur internet".
Il veut aussi renforcer les outils existants, comme le Centre national d'assistance et de prévention de la radicalisation (CNAPR). Son numéro vert, le 0 800 00 56 96, censé apporter de l'aide aux proches des individus en cours de radicalisation, n'est pour l'instant ouvert qu'aux heures de bureau, cinq jours par semaine. L'objectif affiché : "parvenir à un service fonctionnant en permanence".
Les sénateurs suggèrent enfin de mieux former les "acteurs au contact direct du public (assistants sociaux, juges des enfants, officiers de police judiciaire ou encore personnels d’établissements scolaires)" afin de remédier à une "méconnaissance profonde de l'islam" qui complique le dialogue avec les personnes en voie de radicalisation. "Une grille d’indicateurs listant les différents comportements susceptibles de signaler l’engagement dans un processus de radicalisation", à l'image des indicateurs d'alerte listés par le ministère de l'Education nationale, pourrait être élaborée.
Contrer le discours jihadiste
La commission reconnaît la faiblesse de la "parole publique de l’État" dans la lutte contre le discours jihadiste : "Les individus radicalisés, sous l’effet notamment de la doctrine complotiste qui leur est inculquée par les recruteurs, deviennent peu à peu insensibles au discours des médias comme à celui des autorités." Pour lutter contre ce phénomène, les sénateurs suggèrent donc de confier le contre-discours aux "acteurs de la sphère civile, et notamment du milieu associatif".
Et pour décrédibiliser la propagande jihadiste, le rapport présente une solution particulière : "le contact direct avec d’anciens jihadistes repentis". "L’expression, de la part des jihadistes de retour, de leur déception face à la réalité qu’ils ont trouvée sur le terrain, ou encore de leurs regrets devant la souffrance qu’ils ont infligée à leurs proches, aurait en effet un poids certain chez les individus en voie de radicalisation", indique le texte.
Les sénateurs souhaitent également contrer le "jihad médiatique" en permettant de signaler un contenu litigieux sur internet "en un seul clic". Ils suggèrent aussi d'associer les opérateurs au processus en instaurant des sanctions graduées "allant du message privé de mise en garde à la fermeture définitive du compte".
Renforcer les services antiterroristes
La commission juge globalement insuffisants les moyens humains accordés aux services de renseignement. C'est pourquoi elle préconise de tripler les effectifs du renseignement pénitentiaire en créant "au moins 100 postes" et d'"augmenter les moyens humains et matériels du Service central du renseignement territorial (SCRT)" en recrutant des "personnels dotés de compétences techniques et linguistiques particulières".
Il s'agira ensuite de renforcer globalement les interactions entre différentes entités : services pénitentiaires, territoriaux, gendarmerie, acteurs de la sécurité privée...
Par ailleurs, le document cherche aussi à faciliter le travail de renseignement en donnant "un statut légal aux informations collectées" et en ouvrant "l’accès des fichiers de police et de justice (antécédents judiciaires) aux services de renseignement qui n’y ont pas actuellement accès, dans les conditions définies par la Commission nationale de l’informatique et des libertés."
Combattre le financement du terrorisme
Pour assécher les ressources du terrorisme international, la commission souhaite agir à la fois au niveau européen, en créant un "programme européen de surveillance du financement du terrorisme" et en uniformisant les "prérogatives des cellules de renseignement financier européennes", et au niveau national.
A l'échelle française, elle se propose de "doubler les effectifs de TRACFIN (l'organisme gouvernemental chargé de la lutte contre le blanchiment d'argent) affectés à la lutte contre le financement du terrorisme" et de leur donner "un pouvoir de réquisition d’informations auprès des opérateurs de voyage ou de séjour ainsi que des entreprises du secteur des transports".
Les sénateurs veulent aussi s'attaquer au "micro-financement" du terrorisme, en renforçant "les obligations de justification d’identité pour l’acquisition de cartes bancaires pré-payées" et en revoyant "le cadre juridique de la pratique du financement participatif".
Améliorer la coopération européenne
Côté judiciaire, les sénateurs soulignent les obstacles que rencontre l'agence européenne Eurojust, qui gère la coopération judiciaire "notamment en matière de terrorisme" : certains Etats ne participent à l'échange d'informations qu'a minima, et Eurojust n'a que difficilement accès à l'intégralité des fichiers d'Europol, l'agence intergouvernementale de police.
Ils recommandent donc de renouveler le contrat d'association entre Eurojust et Europol afin de "faciliter l’accès des magistrats aux éléments judiciaires issus des fichiers d’analyse criminelle d’Europol". Ils souhaitent aussi renforcer les coopérations bilatérales et généraliser l'usage de mandats de recherche concernant les personnes voulant quitter le territoire européen.
Concernant justement le territoire, le rapport suggère un meilleur contrôle aux frontières de l'Union européenne. Pour cela, les sénateurs préconisent notamment d'"instaurer des contrôles systématiques aux frontières de l’espace Schengen sur la base de critères appliqués uniformément dans tous les États membres" et de "créer un corps de garde-frontières européens".
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