: Enquête La mise en place de la dématérialisation des titres de séjour fait "basculer des personnes dans l'irrégularité"
Selon l'enquête menée par France Bleu Paris, des centaines d'étrangers en situation légale auraient basculé dans l'irrégularité depuis la mise en place de la dématérialisation des titres de séjour.
La mise en place de la dématérialisation des titres de séjour et, plus récemment, de leur renouvellement, fait "basculer dans l'irrégularité" des centaines d'étrangers en situation légale. Voilà ce que dénoncent des organisations (associations et syndicats) dans une enquête de France Bleu Paris publiée lundi 4 novembre. Avec cette procédure, ces personnes perdent leurs droits, leur emploi et deviennent "expulsables". Cette situation, dénoncée devant les tribunaux administratifs, pose également des questions de sécurité juridique pour les usagers.
Trois millions de titres de séjour dématérialisés
Cette dématérialisation concerne trois millions de titres de séjour délivrés en France. Près d’un étranger sur deux dépose sa demande en Ile-de-France. Dès la mise en place de cette dématérialisation en 2016 par les préfectures, la Cimade Ile-de-France a constaté qu'il était devenu "presque impossible d'obtenir un rendez-vous". Les files d'attente physiques sont devenues numériques. Depuis l'été 2018, la Cimade s'est rendue compte que ce problème se posait désormais pour les demandes de renouvellement et devenait "structurel". "Des personnes qui sont dans une situation régulière n'arrivent pas à renouveler leur carte à temps et donc, basculent dans l'irrégularité".
"Impossible d'obtenir un rendez-vous", dénonce le syndicat des avocats de France
Dans la plupart des préfectures de la région Ile-de-France, les demandes de renouvellement se font désormais obligatoirement par internet. Pour les préfectures de l'Essonne et du Val-de-Marne, cette nouvelle organisation doit permettre "d’augmenter progressivement le nombre de créneaux de rendez-vous disponibles". Selon la Cimade et de nombreux avocats contactés par France Bleu Paris, ce constat est erroné. "Il n'y a pas eu de rendez-vous supplémentaires", affirme Yohann Delhomme, chargé de projet sur les questions de droit au séjour pour la Cimade Ile-de-France. "Au contraire, les files d'attentes sont devenues numériques". Selon lui, c'est "une barrière supplémentaire dans le parcours du combattant" qui a été installée. Laurence Roques, avocate au barreau de Créteil, présidente du syndicat des avocats de France (SAF), estime lundi matin sur France Bleu Paris que, dans le Val-de-Marne, "il est désormais impossible d'avoir un rendez-vous".
France Bleu Paris a recueilli plusieurs témoignages qui illustrent les diverses conséquences de ces dysfonctionnements sur le plan humain et professionnel. Ces étrangers en situation régulière risquent de perdre leurs droits et leur travail à cause de ces files d'attente.
"Manque de moyens", se défend le ministère de l'Intérieur
Selon toutes les sources contactées par France Bleu Paris, l'argument principal du ministère de l'Intérieur est "le manque de moyens". La préfecture de l'Essonne explique de son côté avoir "régulièrement renforcé les effectifs des services concernés". Pour la Cimade, "ce gouvernement cantonne des personnes en situation irrégulière, de manière structurelle, illégale et sans l'assumer". De son côté, la CGT, par la voix de son secrétaire général de l'Essonne, explique que "dématérialisation et manque de personnel conduisent à renvoyer à l’illégalité. Cette situation va bien à notre gouvernement, puisque cela fait baisser les chiffres de l’immigration légale". La préfecture de l’Essonne, sollicitée par France Bleu Paris, estime qu’il "est totalement inexact d’attribuer ces difficultés à la volonté de faire tomber dans l’illégalité les demandeurs. Nous n’avons pas connaissance de personnes qui auraient été éloignées du territoire alors qu’elles remplissaient les conditions pour y demeurer".
Cette situation est désormais dénoncée devant les tribunaux. Pour le seul tribunal administratif de Montreuil, près de 200 requêtes ont été déposées depuis le début de l'année. Selon les informations de France Bleu Paris, ces requêtes sont également déposées devant les tribunaux administratifs de Versailles, Melun et Cergy-Pontoise.
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