Migrants à Calais : "Il y a une multiplication des tentatives de passages à travers la Manche", affirme Didier Leschi
Le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a expliqué jeudi sur franceinfo que "les passeurs ont réussi à établir une sorte de camp de base" dans la région de Calais.
Alors qu'un migrant a été retrouvé mort à Wissant (Pas-de-Calais) dans une embarcation jeudi 4 novembre, "il y a une multiplication des tentatives de passages à travers la Manche", affirme sur franceinfo Didier Leschi, directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Offi). Selon Didier Leschi, il y aurait actuellement environ 900 migrants dans le Calaisis où "les passeurs ont réussi à établir une sorte de camp de base".
franceinfo : Confirmez-vous cet afflux de migrants aujourd'hui à Calais et autour ?
Didier Leschi : Il y a une multiplication des tentatives de passages à travers la Manche, dans une situation où le nombre de personnes qui se trouvent actuellement dans le Calaisis ou dans le Nord de la France est bien inférieur à la période où on avait près de 10 000 personnes installées dans la Lande de Calais, que les migrants appelaient la "jungle". Il y a plusieurs catégories de migrants, en particulier des personnes qui ont été déboutées de leur demande d'asile en Allemagne ou qui ne se sont pas vues renouveler leur titre de séjour. On fait souvent la confusion entre le nombre de personnes rentrées en Allemagne et le nombre de personnes qui ont effectivement obtenu un titre de séjour en Allemagne et ce n'est pas du tout la même chose. Ce sont aussi des personnes qui viennent d'arriver en Europe, souvent originaires de la Corne de l'Afrique.
Comment expliquez-vous cet afflux en cette période spécifiquement ?
La mer est plutôt favorable et malheureusement les passeurs ont réussi à établir une sorte de camp de base. C'est tout l'enjeu des discussions et de l'action des forces de l'ordre : éviter que ces camps de base permettent aux passeurs de mettre en place ce trafic mortel. C'est pour cela qu'il est nécessaire de faire des évacuations régulières, pour limiter l'action des passeurs. Il y a en permanence des opérations qui sont menées, de deux ordres : empêcher les personnes de partir en bateau et les opérations de sauvetage. Il y a des drames, mais ils pourraient être beaucoup plus importants si l'action des forces de l'ordre ne visait pas à récupérer les personnes en détresse à la mer. Dans tout le débat qu'on a aujourd'hui avec le collectif des associations qui soutient les deux grévistes de la faim, nous ne pouvons pas permettre que se multiplient ces campements, qui servent après aux passeurs pour faire passer des personnes. Il y a là un problème d'image et de dignité pour tout le monde.
Que se passe-t-il une fois les camps démantelés ?
Tout ce qui a été proposé dans le cadre de la médiation que j'ai menée, c'est que les personnes soient systématiquement hébergées. Les propositions d'hébergement ne sont pas dans Calais même, mais à l'extérieur, même s'il peut y avoir une phase d'une journée ou d'une nuit à Calais. C'est le sens de l'ouverture du sas, qui est contesté par la maire de Calais mais qui est nécessaire. Dans la période de froid qui s'annonce, il faut que chaque personne ait un hébergement. L'hébergement proposé par l'Etat n'est pas forcément dans Calais, parce qu'il n'y a pas de raison, aussi, que les Calaisiens soient les seuls à supporter la charge de l'accueil. Cela peut être une charge que de voir ces afflux de migrants.
Où se trouve ce sas ?
Il se situe dans Calais et a une capacité d'accueil de 300 personnes. Tous les matins, les personnes sont prises en charge par des cars pour aller dans d'autres hébergements pérennes. Les personnes peuvent accéder à l'hébergement, indépendamment du fait qu'ils aient ou non déposé leur demande d'asile. L'action de l'Etat à Calais est constante : c'est plus d'une centaine d'emplois associatifs financés par l'Etat, ce sont des repas distribués dès le matin, un système d'accès à des douches... Ce que l'Etat ne souhaite pas, c'est qu'il y ait, sur la lande ou ailleurs, de l'habitat informel proche de la mer qui permette aux passeurs de mettre en place ce terrible mécanisme qui fait que des personnes peuvent mourir en mer.
Comment trouver l'équilibre entre les élus qui ne souhaitent pas d'une nouvelle "jungle" et les associations qui dénoncent les conditions de vie des migrants ?
Il faut que certaines associations comprennent que la proposition d'hébergement, ce sont des meilleures conditions de vie. La radicalité qui consiste à dire que les personnes ont le droit de stationner comme elles l'entendent à Calais alimente une réaction négtive des élus, qui ont peur de la reconstitution de la lande, ce qu'on peut comprendre. Il y a une sorte de tenaille qu'il faut arriver à desserrer, d'un côté en disant qu'on propose des hébergements, et de l'autre en disant que non, on ne laissera pas se reconstituer la lande de Calais, qui était indigne pour tout le monde.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.