Cet article date de plus de sept ans.

"Je peux me regarder dans la glace" : un an après la fin de la "jungle" de Calais, Simone héberge un migrant en Creuse

Un an après le démantèlement de la "jungle" de Calais, que sont devenus les 6 500 migrants qui ont été évacués en bus ? Rencontre avec Abbas et Simone, un Kurde irakien et une Française que la Creuse a réunis par hasard.

Article rédigé par Gaële Joly
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Simone, institutrice à la retraite installée dans la Creuse, a pris sous son aile quatre jeunes évacués de la "jungle" de Calais, dont Abbas (ci-contre), originaire de Kirkouk, au Kurdistan irakien.  (GAELE JOLY / RADIO FRANCE)

Il y a près d'un an, le 24 octobre 2016, le plus grand bidonville de France était démantelé. Au total, 6 500 personnes quittaient, en bus, la "jungle" de Calais. Direction les centres d'accueil et d'orientation (CAO) à travers toute la France. Un an après, le quotidien a parfois repris ses droits dans leur vie peu banale. Rencontre avec Simone, institutrice à la retraite installée à Crozant, un petit village de la Creuse. Elle a pris sous son aile quatre jeunes réfugiés kurdes irakiens venus de la "jungle" et tissé avec eux des liens quasi-familiaux.

Monter dans un bus à destination de l'inconnu

Tous les midis, au volant de sa Twingo blanche, Simone va chercher Abbas, bénévole quelques heures par jour au Secours populaire de Guéret. Originaire de Kirkouk, au Kurdistan irakien, le jeune garçon ne s'épanche pas mais on devine les quatre mois d'enfer qu'il a vécus dans la jungle de Calais, avant d'arriver un peu par hasard en Creuse, avec trois compagnons de galère. 

Le reportage de Gaële Joly à Crozant.

Quand il est monté dans le bus, il ne savait pas du tout où il allait. "Je n'ai eu aucune info", se souvient le jeune homme. Le première rencontre avec ces quatre jeunes, Simone s'en souvient avec émotion. "J'ai eu l'impression qu'ils étaient frigorifiés mais souriants quand même." Elle éclate de rire : "Ce n'est pas tous les jours qu'on rencontre quatre garçons comme ça !"

Une colocation riche pour tous les deux

Au début, Simone leur a donné quelques cours de français, avant d'accueillir Abbas chez elle, dans sa jolie petite maison en pierre, en bordure de village. "J'habite avec Simone maintenant. J'ai vraiment trouvé beaucoup d'humanité en Creuse parce que j'ai beaucoup d'amis. Simone, c'est comme ma grand-mère", explique Abbas dans un français hésitant. Cette colocation leur a redonné le sourire à tous les deux. Simone venait de perdre son mari.

J'avais besoin de donner. Ça a été très riche dès le départ.

Simone, habitante de Crozant qui héberge Abbas, un Kurde irakien

à franceinfo

Pourtant, il n'est pas toujours facile d'accueillir des migrants en Creuse, raconte Simone. "Tout le monde n'est pas d'accord avec moi mais je suis persuadée que ce que je fais, c'est bien." En accueillant Abbas et en aidant ses trois compatriotes, Simone est en accord avec ses convictions. "Le matin, quand je me lève, je peux me regarder dans la glace. Je suis en accord avec moi-même."

Derrière le quotidien, la peur de l'expulsion

Si l'un des quatre garçons a pu obtenir l'asile, les autres attendent toujours. Abbas vient d'essuyer son second refus. Son dernier recours a été déposé à la préfecture de la Creuse. Il aura la réponse d'ici un mois et il angoisse : "C'est la dernière possibilité. S'ils disent non, pour moi, ce sera très difficile parce que je vais devoir partir." Simone est tout aussi désemparée à l'idée qu'Abbas puisse être expulsé. "Il ne souhaite qu'une chose, c'est travailler. Peu importe le travail qu'on lui proposera." Elle ne doute pas de la détermination du jeune Kurde.

Il est prêt à rouler des brouettes s'il le faut. Il veut rester avec nous !

Simone, une Creusoise qui héberge Abbas, jeune Kurde irakien

à franceinfo

D'après Simone, les migrants peuvent représenter un souffle nouveau pour des territoires ruraux comme la Creuse. "Il a un diplôme d'économie en langue anglaise. Nous avons besoin de jeunes gens comme celui-ci dans notre Creuse qui se désertifie et où nous avons tous plus de 60 ans. Du sang neuf !", réclame-t-elle. En attendant, Abbas se raccroche au sourire de "Simone la battante", comme l'ont surnommée ses protégés.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.