Calais : des associations accusent les forces de l'ordre de détruire les duvets et les bâches des migrants
Alors que le plan grand-froid avait été déclenché, des responsables associatifs ont vu les gendarmes envoyer à la déchetterie du matériel prêté aux migrants.
Des duvets et des bâches à la déchetterie, malgré la neige et la pluie. Deux associations – l'Auberge des migrants et Caritas Secours-Catholique – ont dénoncé, lundi 11 décembre, les agissements de la gendarmerie qu'ils accusent, photos à l'appui, d'avoir détruit le matériel fourni par leurs soins aux migrants de Calais (Pas-de-Calais). "Ces gens sont à la rue et le peu qu'on leur donne, l'Etat estime que c'est déjà trop", résume pour franceinfo Loan Torondel, de l'Auberge des migrants.
Selon les responsables associatifs, ces agissements ont cours depuis le démantèlement de la "jungle", en octobre 2016. A chaque fois que les migrants se regroupent quelque part, les forces de l'ordre interviennent pour évacuer les lieux et n'hésitent pas à envoyer aux ordures le matériel prêté par les associations. Mais c'est la première fois qu'ils peuvent en apporter la preuve photographique. Présent route de Graveline, Vincent de Coninck, de Caritas, se souvient pour franceinfo de sa conversation avec un gendarme. "Je lui ai dit que j'étais inquiet, que nous avions des biens qui nous appartiennent [les duvets et bâches] dans le bois et que j'étais soucieux de l'argent de nos donateurs. Il m'assure que rien de ce qui nous appartient n'est jeté à la benne", explique le responsable associatif.
"C'est lamentable"
Mais, en revenant vers sa voiture, Vincent de Coninck voit passer le camion des services de nettoyage, avec une bâche de son association à l'arrière. "Je commence à le suivre, mais il s'en aperçoit et revient vers les gendarmes pour leur demander de me contrôler", raconte le photographe. Il parvient malgré tout à photographier l'arrière du camion, où l'on aperçoit au moins une bâche floquée "Secours catholique". "Je n'ai pas pu tout contrôler", précise-t-il, avant de souligner l'importance du matériel détruit : "Une bâche, ça permet de s'isoler de la pluie et du sol. Si vous vous allongez par terre à Calais avec votre duvet, l'humidité vous remonte dans les os."
#calais: gendarmes l'affirment: "pas de bâches/duvets ns appartenant".... Ns suivons camion municipal qui va en déchetterie et oh stupeur nos affaires vont à la benne! Puis gendarmes me bloquent et tentent d’empêcher les photos. #plangrandfroid Jusqu'où irez-vs @gerardcollomb? pic.twitter.com/S1rmGEgPYp
— De Coninck (@VDeConinckSCCF) 11 décembre 2017
Pour le chargé de mission de Caritas, cette affaire montre qu'"il y a bien une politique de destruction systématique, pour décourager et harceler les migrants. C'est de la maltraitance, clairement assumée par le gouvernement". Les associations soulignent que ces duvets et bâches ont été détruites alors que le plan grand-froid avait été déclenché. "C'est quand même lamentable. Il a fait un degré toute la journée, on est venu en aide à des gens qui ne sentaient plus leurs bras et leurs jambes", regrette Loan Torondel.
Leur politique ne peut pas s'appliquer en ignorant toutes les normes humanitaires.
Loan Torondelà franceinfo
Contactée par franceinfo, la préfecture rappelle qu'il reste des places d'hébergement dans les centres d'accueil et d'examen de situation (CAES) du département "pour tous les migrants de Calais qui souhaitent être mis à l’abri". Pour les autres, "durant les opérations d’évacuation d’occupations illicites, les migrants sont systématiquement invités à conserver leurs effets personnels s’ils le souhaitent, notamment duvets et couvertures, indique-t-on. Lors de ces opérations, sont uniquement ramassés par les services d’hygiène de la ville les objets laissés sur site ou que les migrants ne souhaitent pas garder avec eux."
Une version des faits contestée avec force par les associations. "C'est d'une hypocrisie sans nom, tempête Vincent de Coninck. Quand ils débarquent avec quatre camions de CRS, le premier réflexe des gars, c'est de s'enfuir" en abandonnant leurs affaires. "S'ils voulaient que ça se passe autrement, ils leur laisseraient au moins une heure pour partir", insiste-t-il, en proposant la présence d'un "observateur neutre" pour ce type d'opérations. De son côté, la préfecture invite les associations à saisir l'IGPN "s'il y a des manquements" : "Pour l'instant, on a aucune plainte".
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