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Audience chahutée au procès des manifestants anti-migrants de Calais

Cinq hommes devaient comparaître, lundi, après avoir été interpellés lors d'une manifestation interdite, samedi. Seuls quatre ont été jugés. Le général Piquemal a vu son procès reporté pour raisons de santé.

Article rédigé par Louis San
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
D'anciens militaires sont rassemblés pour soutenir le général Christian Piquemal, devant le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), le 8 février 2016. (PHILIPPE HUGUEN / AFP)

Un vent puissant souffle sur Boulogne-sur-Mer, lundi 8 février, alors que le département du Pas-de-Calais est en vigilance orange. Il n'est pas encore midi et les rafales gonflent trois drapeaux français qui flottent devant l'entrée du tribunal de grande instance de la ville. 

Ils sont portés par des personnes venues soutenir Christian Piquemal, général quatre étoiles, qui a commandé la Légion étrangère entre 1994 et 1999. Avec quatre autres hommes, il doit être jugé en comparution immédiate après avoir été interpellé, samedi à Calais, lors d'une manifestation anti-migrants qui était interdite. 

"Ça va les patriotes ?" Des partisans du général Piquemal ne cessent d'arriver devant le tribunal, répondant à l'appel lancé sur une page Facebook de soutien à l'ancien militaire, qui enregistre quelque 35 000 likes. Comme prévu, ceux qui le pouvaient sont venus avec leur béret et leurs décorations militaires épinglées sur la poitrine.

"J'aurais fait ça pour n'importe quel général"

L'un d'eux, un militaire à la retraite, confie être un "gauchiste", encarté au PS. Il affirme ne pas avoir spécialement les mêmes idées que le général Piquemal. Mais il condamne la façon dont il a été interpellé, "comme un délinquant". "J'aurais fait la même chose pour n'importe quel général", assure-t-il.

Rapidement, une cinquantaine de personnes est rassemblée devant le tribunal, alors qu'une demi-douzaine de cars de CRS sont postés en face et aux abords du palais de justice. D'anciens militaires, donc, et des civils qui jugent "arbitraire" l'arrestation du général.

L'un des avocats de Christian Piquemal – il en compte trois – tient un point presse vers 12h40 et annonce que son client ne sera pas finalement pas jugé ce jour-là en raison de son état de santé. Il s'échauffe devant les micros et accuse les plus hautes instances de l'Etat d'être à l'origine de l'arrestation du général, pointant directement le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, et le nouveau garde des Sceaux, Jean-Jacques Urvoas. "Dictature socialiste !" crie un soutien du militaire. L'avocat lui ordonne violemment de se taire.

"La Marseillaise" pour conclure le point presse

Un second point presse s'improvise quelques minutes plus tard avec un autre défenseur de Christian Piquemal. Hervé Krych, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer, précise que leur client a été hospitalisé en raison d'une petite déshydratation et des températures froides qui régnaient en cellule. A l'issue de cette nouvelle intervention, et après avoir encore haussé le ton contre certains partisans voulant commenter la situation avec verve, Denis Tailly, le troisième avocat, les invite à chanter La Marseillaise. Ils s'exécutent aussitôt puis s'adressent, à leur tour, à la presse.

Salle comble et CRS dissipés

Si le procès du général Piquemal est reporté au mois de mai, les quatre autres personnes jugées pour port illégal d'armes doivent bien comparaître dans l'après-midi. Quelques personnes venues pour le général partent. Mais lorsque l'audience s'ouvre, vers 14h10, la salle est pleine. Il y a du monde debout, au fond, et le long des radiateurs, sur le côté. 

La présidente rappelle que l'audience est publique mais qu'il faut rester silencieux. La consigne est respectée. Mais l'affluence est telle que les portes de la salle d'audience doivent rester ouvertes. Le brouhaha du hall gêne les échanges, qui se font micros éteints. La présidente demande alors de faire le silence aux abords de la salle. Un policier précise qu'il s'agit des CRS en train de discuter. Rires dans le public. Les portes sont refermées.

"Bande de sauvages !"

L'examen des dossiers se poursuit. Un incident éclate quand le procureur requiert trois d'emprisonnement ferme pour Cédric, 34 ans. Sur ce père de cinq enfants, qui vit du RSA, les forces de l'ordre ont trouvé un Taser. Un homme proteste. Cet ancien militaire, qui portait le béret et le drapeau français devant le tribunal, est immédiatement évacué. Dans la foulée, un autre spectateur demande à prendre la parole. Il se fait sortir aussitôt. Le tribunal se fait huer. "Bande de sauvages !" hurle quelqu'un. La présidente menace de suspendre l'audience.

Lorsque les magistrats reviennent après avoir délibéré, la présidente refait une mise au point : on ne commente pas les décisions. L'un des prévenus, qui portait un poing américain, écope d'une peine de deux mois de prison avec sursis. Cédric de deux mois de prison ferme. Personne ne se manifeste, même lorsque trois mois de prison ferme, avec aménagement, sont prononcés contre Arnaud, qui transportait deux bombes lacrymogènes dans son sac à dos, samedi. Déjà condamné à 25 ans de réclusion pour meurtre, il était sorti de prison en 2008. Le quatrième prévenu sera jugé plus tard, à cause d'un problème de procédure.

Alors que la salle se vide, un homme hurle : "C'est une honte !" Dehors, Arnaud réagit face aux caméras : "Une personne qui a deux bombes lacrymogènes, on lui met des mois dans sa gueule ! Pour vous, si c'est normal, arrivez à dormir avec ça !"

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