Crise en Guyane : "Nous ne sommes pas des espèces de petits îlots protégés de tout"
Le mouvement de contestation sociale qui bloque la Guyane depuis bientôt une semaine illustre la non consultation des Outre-mer, estime l'historienne et politologue réunionnaise Françoise Vergès.
"Les Outre-mer ne sont pas consultés. C'est comme si nos voix ne comptaient pas", a dénoncé, dimanche 26 mars sur franceinfo, l'hitorienne et politologue réunionnaise Françoise Vergès. Alors que la Guyane a entamé depuis une semaine un mouvement de contestation sociale, elle estime que l'abandon de la Guyane par la métropole est réel.
franceinfo : Bloquer et paralyser le territoire serait le seul moyen de se faire entendre par la métropole, disent les Guyanais. Partagez-vous ce constat ?
Françoise Vergès : Oui. Il y a toujours un peu une surprise face à ce qui se passe dans les Outre-mer. Au-delà des cyclones, ce sont des territoires qui vont très mal. Il y a les taux de chômage, d'illettrisme, de violence domestique, le manque de développement, d'investissement, l'absence de vision sur ce que seront ces territoires dans 20 ans. Donc je comprends tout à fait qu'ils ne se sentent pas entendus.
Vous dites que la métropole regarde toujours "avec surprise" ce qui vient des Outre-mer comme si finalement, à chaque mouvement social, l'Etat n'anticipait pas...
Tout à fait. Il y a une croyance dans la société française que toutes ces questions-là, post-coloniales, sont terminées. N'oublions pas que l'Etat français continue à avoir des États qui sont issus soit de l'empire esclavagiste, soit post-esclavagiste.
Feriez-vous un parallèle avec la politique menée dans les banlieues des grandes villes ?
Oui, je ferais un parallèle. C'est justement très important de s'intéresser à ce qu'il se passe dans les Outre-mer parce que parfois cela annonce des pratiques qui vont se dérouler dans les quartiers populaires de la métropole ou vice versa. Par exemple, il y a aussi des problèmes que l'ont voit apparaître dans nos territoires où l'on choisit des boucs-émissaires, un peu comme dans l'Hexagone. En Guyane, ce sont les Brésiliens, les Haïtiens... On n'échappe pas à des questions qui se posent ailleurs. Nous ne sommes pas des espèces de petits îlots protégés de tout.
Ce n'est donc pas seulement la distance géographique qui explique l'incompréhension entre la métropole et les territoires d'Outre-mer ?
Non. C'est la profonde conviction en France qu'on en a fini avec tout ça. Ça explique l'incroyable surprise, à chaque fois que l'Outre-mer fait entendre sa voix. La perception d'abandon qui dure depuis des décennies, de promesses non-tenues, c'est un fait, pas seulement un sentiment.
Les populations d'Outre-mer ne sont consultées sur aucune question nationale.
Françoise Vergèsà franceinfo
Sur la question du voile par exemple, La Réunion et Mayotte ont quand même une population musulmane extrêmement importante mais on ne nous a absolument pas consulté. Les Outre-mer ne sont pas consultés. C'est comme si nos voix ne comptaient pas.
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