Crise de l'eau en Guadeloupe : un journaliste spécialisé réclame "un plan Marshall pour redresser la situation"

Des dizaines de milliers d'habitants sont privées d'eau sur l'île, en raison d'actes de malveillances. Le journaliste Thierry Gadault, spécialiste de la question, a évoqué cette crise sur franceinfo.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Une source d'eau naturelle utilisée par les habitants des communes de Capesterre et de Trois-Rivières, en Guadeloupe, le 26 juillet 2018. (CEDRICK ISHAM CALVADOS / AFP)

Près de 130 000 usagers sont privés d'eau en Guadeloupe à cause d'actes de malveillances. Mais la crise semble durer depuis plus longtemps, d'après Thierry Gadault, journaliste indépendant, auteur de deux livres sur la gestion de l'eau en France, Plongée en eau trouble, (ed. Michalon, 2018) et Guadeloupe, l'île sans eau (ed. Massot, 2022). "La crise de l'eau a commencé à la fin des années 1990 en raison d'un manque d'entretien des réseaux d'eau", explique-t-il sur franceinfo, samedi 23 mars.

franceinfo : L'archipel souffre de plusieurs décennies de mauvaise gestion de l'eau ?

Thierry Gadault : La crise de l'eau a commencé à la fin des années 90 en raison d'un manque d'entretien des réseaux d'eau et de la principale infrastructure qui relie les deux parties de l'île. Cela fait 10-15 ans qu'entre un quart et un tiers de la population rencontrent des problèmes non seulement d'approvisionnement en eau mais aussi de la qualité de l'eau potable. Certaines canalisations laissent s'échapper plus de 80% de l'eau qui y circule. Le réseau de transport d'eau potable fuit de partout, et le réseau de distribution est dans un matériau de très mauvaise qualité qui ne pouvait pas tenir aux conditions d'exploitation locales, qui entraîne des milliers de fuites. Il faut un plan Marshall de l'eau pour redresser la situation.

Pourquoi ces problèmes ?

Sur le réseau de transports, cela devait être de la fonte, et des tuyaux amiante et ciment, mais il fallait les changer dès la fin des années 1990 et ça n'a pas été fait. Ce réseau de transport fuit partout. Et puis sur la partie finale du réseau, de distribution, on a utilisé comme en France métropolitaine, un matériau plastique, le PEHD. Sauf qu'au lieu de durer 20 ans comme à Paris, il ne dure que cinq ans. Et donc ce matériau qui a été posé en masse à la fin des années 1990-début 2000 fuit de partout, et il est souvent remplacé par le même matériau. Donc les fuites continuent.

Et pourquoi il n'y a pas les moyens ?

Le plus grand opérateur d'eau est en quasi-faillite parce que les principaux syndicats des eaux ont été très mal gérés dans les années 1990 et 2000. Et la régie unique qui les a remplacés n'a pas d'argent.

"Entre 30 et 40% des factures d'eau ne sont pas payées. Sachant que les factures d'eau ne sont pas adressées à 30 ou 40% des abonnés, parce que soit les compteurs sont défaillants, soit il n'y en a pas."

le journaliste Thierry Gadault

à franceinfo

Donc les revenus du syndicat sont très insuffisants, et sont grevés par les coûts salariaux. Ils ont 100 à 150 salariés en trop par rapport à des syndicats de même nature et de même taille.

Les réparations semblent inutiles au regard de ce que vous décrivez.

Il y a des réparations d'urgence qu'il faut faire, mais effectivement il y a un plan sur trois ou quatre ans de 500 ou 700 millions d'euros. Mais il faut reconstruire tous les réseaux d'eau et tous les réseaux d'assainissement, parce que derrière la crise de l'eau il y a aussi une crise aiguë d'assainissement. On est plutôt entre 2,5 et 3 milliards qu'il faudrait investir sur cinq ans, par exemple, pour remettre de l'eau pour tous les Guadeloupéens.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.