Ce qu'il faut retenir du grand oral des candidats sur France 2
Nicolas Dupont-Aignan, Eva Joly, François Hollande, Marine Le Pen et Philippe Poutou ont fait face aux journalistes pour près de 17 minutes d'interview hier soir. FTVi en dit l'essentiel.
Après tergiversations et après tirage au sort pour l’ordre de passage, mercredi 11 avril, ce sont François Hollande, Marine Le Pen, Eva Joly, Nicolas Dupont-Aignan et Philippe Poutou qui se sont confrontés, les uns après les autres, aux trois mêmes journalistes durant 16 minutes et 30 secondes, CSA oblige. Enjeux et résumé pour chacun.
• Nicolas Dupont-Aignan
L’enjeu Etre "la voix gaulliste" pour l’élection. Crédité de 0,5 à 1% d’intentions de vote dans les sondages, l’ex-UMP, empêché de se présenter en 2007 faute de parrainages suffisants, veut incarner "une alternative patriotique" au PS et à l’UMP.
La phrase "On sauvera la France en produisant en France, en protégeant la France de l'extérieur et en sauvant l'école publique."
L’attitude Je-ne-suis-pas-un-petit-candidat. Nicolas Dupont-Aignan, cravate bleu roi, a tout fait pour s'affirmer comme un candidat "indépendant", une vraie alternative contre "des gens non élus qui se gavent de fric, banquiers, marchés financiers", "le petit milieu politicien de la politicaillerie" ou encore "l'arnaque de la mondialisation".
Le candidat de Debout la République s'est notamment servi de son expérience en tant que maire de Yerres (Essonne). Interrogé sur son programme économique, Nicolas Dupont-Aignan est venu avec son propre graphique représentant la dette par rapport au PIB et a défendu sa volonté de sortir de l'euro afin de redonner à l'Etat le pouvoir d'emprunter à la Banque de France. Et d'affirmer : "Je veux sortir de l'euro pour sortir du piège de la dette (...). L'euro est un handicap terrible (...), c'est une plaie pour l'économie."
La difficulté Interrogé sur sa position sur l'échiquier politique puis sur une éventuelle consigne de vote au second tour, Nicolas Dupont-Aignan a botté en touche : "Je ne voterai pas pour un charlatan, j'entame un combat politique contre les deux grands partis qui ont abandonné le pouvoir à des autorités non-élues (...). Les Français sont assez grands."
• Eva Joly
L'enjeu Redonner de la voix à l’écologie, complètement absente de la campagne. La candidate, créditée de 1,5% dans les sondages, vise encore officiellement les 5% de voix, meilleur score jamais obtenu par les écologistes à une présidentielle.
La phrase "Je suis coincée entre la gauche molle qui ne promet rien et la gauche folle qui promet tout, (...) je représente l'écologie qui essaie de voir le monde tel qu'il est et qui ne raconte pas de baratin, c'est difficile."
L’attitude L'ex-juge d'instruction, perçue comme dure et intraitable, a cherché à "rassurer". Et a rappelé : "Avec moi il n'y avait rien à négocier, j'ai appliqué la règle à tout le monde, mais j'ai exercé d'autres métiers, (...) j'ai une expérience dans les institutions internationales, j'ai vu comment les multinationales tuent les ressources, (...) tout ça ne doit pas faire peur." Eva Joly s'est appliquée à défendre le potentiel de créations d'emplois que sous-tendent ses propositions, que ce soit le développement des énergies renouvelables, les 32 heures dans certaines entreprises ou la prise en charge de la dépendance. Et de souligner son originalité : "Si vous voulez sortir du nucléaire, mettre la santé au centre... Votez pour moi !"
Eva Joly a également réitéré ses attaques quant aux affaires (Bettencourt, Karachi) concernant Nicolas Sarkozy : "C'est ce qu'on appelle une présomption concordante et précise (...), je me sens investie de dire ce qu'on ne dit pas dans ce pays parce que nous avons le culte du secret (...) et un très fort loyalisme envers le pouvoir en place."
La difficulté Interrogée sur une éventuelle nomination comme ministre dans un futur gouvernement socialiste, Eva Joly n'a pas souhaité répondre : "Le moment n'est pas venu de poser cette question, je ne suis pas là pour parler d'autres fonctions, mais je prendrai ma part dans ce chantier."
• François Hollande
L’enjeu Garder le dessus. Crédité de 28,3% d’intentions de vote au premier tour et de 55% au second dans le dernier sondage Ipsos, le candidat socialiste avait tout à perdre à se faire égratigner par de plus petits candidats.
La phrase "Le redressement est un préalable, la justice est une nécessité."
L’attitude Régulièrement accusé de mollesse par ses adversaires, François Hollande a cherché, comme tout au long de sa campagne, à se "présidentialiser", se montrer sérieux et volontaire, affirmant tout à la fois "je ne suis pas un candidat pochette-surprise" ou encore "le rôle d'un responsable public, c'est de dominer les marchés". Tout en réitérant la promesse de "ramener les comptes publics à l'équilibre en 2017", il a martelé que ses propositions de réformes, de la nouvelle étape de décentralisation à la réforme fiscale, étaient "d'ampleur", "de structure".
Il a déroulé ses premières décisions s'il était élu, des réformes "urgentes", dont la refonte de la fiscalité en juillet-août et les réformes institutionnelles à l'automne. Sans oublier d'attaquer à de nombreuses reprises Nicolas Sarkozy sans prononcer son nom : "Ce n'est pas moi qui suis sortant, ce n'est pas moi qui ai perdu le triple A, ce n'est pas moi qui présente un bilan avec une dette publique de 600 000 milliards d'euros augmentée..."
La difficulté S'affirmer face à Eva Joly et Jean-Luc Mélenchon sans plomber le report de voix au second tour. Interrogé sur l'accord électoral entre le PS et Europe Ecologie-Les Verts, François Hollande a expliqué que l'accord sur les circonscriptions pour les législatives serait respecté, mais qu'il ne ferait pas de place au programme écologiste dans ses décisions : "Le projet que j'ai présenté sera le programme d'action de gouvernement." Et discuter avec Jean-Luc Mélenchon ? "Moi je prépare le premier tour, (...) le second tour, ça ne dépendra de rien d'autre que de la volonté de gagner", a éludé le candidat du PS.
• Marine Le Pen
L’enjeu Réaffirmer sa campagne et arracher la troisième place dans onze jours. La position lui est férocement disputée par Jean-Luc Mélenchon, candidat du Front de gauche qui la talonne ou la dépasse depuis mi-mars selon les instituts de sondage.
La phrase "Les décideurs ne sont pas les payeurs."
L’attitude Scandalisée. Accueillant les questions des journalistes avec des soupirs d'agacement sonores et les interpellant sans cesse, avec un ton régulièrement outré, Marine Le Pen a dénoncé en vrac un système où "des Français vaches à lait (...) payent difficilement des impôts" pour "permettre à un certain nombre de voyous qui vivent du RSA de se payer des BMW ou des Porsche Cayenne". Elle s'est également prononcée pour la fermeture des frontières de la France : "Quand j'ai des frontières ouvertes, je ne sais pas qui rentre chez moi", expliquant que si elle avait été présidente il y a vingt-cinq ans, "Mohamed Merah [le tueur de Toulouse] n'aurait pas été français". Et de s'indigner : "Dès que vous parlez d'un problème on vous répond 'ah ! Stigmatisation, amalgame !'"
La difficulté Interrogée sur son programme économique et la sortie de l'euro qu'elle prône, Marine Le Pen, petites fiches en main, a répondu à côté de toutes les questions du journaliste, expliquant qu'"avant, le privé finançait le privé, le public finançait le public", puis s'emportant : "Sortez du cadre M. Lenglet [le journaliste], sortez du cadre, vous voulez nous obliger à un cadre contraint qui nous a été imposé par le système !"
• Philippe Poutou
L’enjeu Populariser la lutte. Crédité de moins de 1% dans les sondages, le successeur d'Olivier Besancenot ne fait pas de mystère, il ne cherche pas à être élu mais à faire connaître le combat anticapitaliste et essayer de raviver l’esprit de classe chez les ouvriers.
La phrase "Aucun pays au monde ne ressemble à la société que nous voulons construire. Eventuellement la Commune de Paris, qui se rapproche de ce que nous voulons. La population a organisé la vie pendant 70 jours mais ça s'est mal fini, elle s'est fait massacrer."
L’attitude A l'aise. Timide et embarrassé dans les médias à ses débuts, le candidat du Nouveau Parti anticapitaliste était détendu, parlant à toute vitesse et faisant des blagues. Contestant les chiffres du journaliste François Lenglet - "Tout est faux là, c'est pas l'estimation de Poutou, c'est pas la mienne celle-là" - ou reprenant le fil de sa pensée - "c'est juste un raisonnement que j'essaie, je redémarre au début" -, Philippe Poutou a défendu son programme, dont "l'autogestion ouvrière, l'expropriation comme méthode d'urgence (...), un Smic européen, l'égalité des droits partout". Il a justifié "des solutions radicales" pour "répondre à un système qui va vers la catastrophe et la souffrance sociale pour des millions de gens."
La difficulté La crédibilité. Interrogé sur le manque d'enthousiasme autour de sa candidature au sein même de son parti, Philippe Poutou a joué l'honnêteté : "J'ai pas rendez-vous avec le peuple moi !" Il a expliqué avoir l'habitude de "la lutte avec ses copains" et ne pas apprécier la solitude du candidat. "On envahit les bureaux de la direction en groupe, on séquestre en groupe", s'est emballé l'ouvrier de chez Ford, symbole du combat contre la fermeture de son usine de Blanquefort (Gironde).
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