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Delphine Batho a-t-elle été victime de lobbys économiques ?

Après son éviction du gouvernement, certains élus pointent la perméabilité entre l'Etat et le secteur de l'énergie lié notamment au gaz de schiste et au nucléaire.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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L'ancienne ministre de l'Ecologie Delphine Batho a organisé une conférence de presse à l'Assemblée nationale le jeudi 4 juillet 2013. (BENOIT TESSIER / REUTERS)

Elle accuse "certaines forces économiques", liées notamment au gaz de schiste et au nucléaire, d'avoir "voulu [sa] tête". C'est ce qu'a déclaré Delphine Batho jeudi 4 juillet après son éviction du ministère de l'Ecologie et de l'énergie, à la suite des critiques sur le budget de son ministère qu'elle avait qualifié de mauvais.

"Depuis des semaines, les attaques des cadres dirigeants de grands groupes comme Total, EDF, GDF Suez ou Areva s'étaient multipliées en coulisses", rapporte Europe 1. En cause : l'attitude "hostile" voire "méprisante" de l'ex-ministre face à des groupes très favorables à l'exploitation du gaz de chiste. S'ils s'en défendent, les patrons de ces grands groupes énergétiques semblent avoir ciblé Delphine Batho. La radio résume le constat : "Un complot [contre l'ancienne ministre], non. Des pressions, oui."

Les lobbys : "Un harcèlement au quotidien"

"Les énergéticiens sont très offensifs. Delphine Batho a cité le président du directoire du groupe Vallourec [leader mondial des tubes sans soudure], Philippe Crouzet, mais elle aurait pu citer Gérard Mestrallet, PDG de GDF Suez, ou Henri Proglio, président d’EDF. Avec Crouzet, elle choisit un proche de François Hollande [Philippe Crouzet est l’époux de Sylvie Hubac, directrice de cabinet du président de la République], souligne Yannick Jadot, eurodéputé Europe Ecologie-Les Verts (EELV), interrogé samedi par Le Parisien (article payant).

Et l'élu écologiste décrit comment ces grands groupes pèsent sur les décisions de l'Etat. "Entre l’Etat et les entreprises, il existe une perméabilité extrêmement malsaine. Tout ce petit monde se connaît très bien, explique Yannick Jadot. Ils ont fait les mêmes écoles, viennent des mêmes corps comme celui des Mines, très impliqué dans le secteur énergétique, ou des Ponts et Chaussées. Ils s’échangent leurs postes. Quelqu’un qui est un jour du côté de l’administration va se retrouver le lendemain du côté de l’opérateur privé, EDF, GDF Suez ou Total." Le député européen estime que si la réforme bancaire a été "si délicate" , "c’est que les conseillers de Bercy savent qu’ils iront un jour ou l’autre pantoufler dans les banques".

L'élu EELV raconte aussi comment les lobbyistes agissent coulisses, décrivant "un rouleau compresseur très violent". "Un harcèlement au quotidien qui prend la forme de réunions incessantes en face-à-face. Certains industriels sont assez puissants pour avoir des rendez-vous avec les cabinets ministériels (...) A l’Assemblée ou au Parlement européen, ils traînent dans les couloirs. On les reçoit en permanence", explique Yannick Jadot. "Si je voulais, je passerais mes soirées dans des dîners organisés par les entreprises. Ils proposent aussi des voyages où les députés peuvent venir avec leur famille. On se sent redevable", regrette le député européen.

Evoquer l'action de lobbys ? "Déplacé", pour le patron de Total

Pour autant, le PDG du géant pétrolier français Total Christophe de Margerie a estimé samedi qu'imputer le limogeage de Delphine Batho du gouvernement à l'action de lobbies économiques était déplacé. "Je ne dirais pas que le départ de Mme Batho est une péripétie, car ça ne l'est pas, en particulier pas pour elle, mais c'est une spécificité française de trouver derrière tout ça des choses extraordinaires comme un problème d'antiécologie, d'antiféminisme... Ramenons tout cela à un problème de gouvernement, de ministres et de budget", a-t-il déclaré.

Et le patron de Total ajoute : "Quant à des lobbys qui seraient intervenus, en tout cas moi pas, parler de lobby pour faire partir un ministre ça me paraît vraiment probablement déplacé et surtout inexistant". Interrogé sur ses relations avec l'ex-ministre, il a répondu : "Moi j'ai eu de bons rapports avec Mme Batho, on a eu de vrais échanges, et (...) bien évidemment c'est au gouvernement de décider quelle direction et quelle stratégie il veut donner au pays". Christophe de Margerie a par ailleurs nié que les industriels s'opposent à la transition énergétique prônée par Delphine Batho, qui vise à rendre la France moins dépendante du nucléaire et des énergies fossiles, et énergétiquement plus sobre. "Il n'y a pas de frein, il y a une volonté de dialogue, j'aimerais qu'on écoute tout le monde et pas seulement les écologistes. Je ne défends pas les énergies fossiles contre les énergies renouvelables, ce serait ridicule, mais il faut prendre toute la réalité en main : en France, on a du nucléaire mais aussi du gaz et du pétrole (dans le bouquet énergétique) et il ne faut pas antagoniser les choses avec les bons et les méchants", a-t-il ajouté.

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