Corse : pourquoi Gérald Darmanin reporte sa visite face au climat tendu entre Paris et Ajaccio

La Corse connaît depuis un an une multiplication d'incendies criminels visant principalement des résidences secondaires de Français résidant dans l'Hexagone. Un double coup de filet des services antiterroristes en quelques jours a conduit le ministre de l’Intérieur à reporter pour la deuxième fois un déplacement.
Article rédigé par Pierre de Cossette
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Un tag FLNC "Piu Che Mai" (Plus que jamais) peint sur un mur en Corse (illustration). (PASCAL POCHARD-CASABIANCA / AFP)

"Si c'est pour aller en Corse pour ne pas parler de l'avenir, ce n'est pas la peine", a tranché Gérald Darmanin, mardi 6 décembre sur franceinfo. Après échange avec les élus locaux, le ministre de l'Intérieur a en effet décidé dimanche de reporter à janvier 2023 son déplacement prévu cette semaine en Corse, en raison d'un climat jugé "pas favorable aux échanges", selon l'entourage du ministre.

>> Corse : une série d'incendies à Corte et Ajaccio, dans des établissements dont les propriétaires sont reliés à la mouvance autonomiste

Le spectre de la lutte armée en Corse revient hanter les autorités françaises depuis l'an dernier, brandi par le Front de libération nationale corse (FLNC), l’organisation clandestine. Sept ans après avoir abandonné la violence, le front de libération nationale de la Corse semble avoir en effet repris certaines habitudes : conférences de presse nocturne à l’ancienne, cagoules et fusils, et la revendication de 16 actions, contre des résidences secondaires ou des entreprises de BTP.

De quoi justifier les interpellations de ces derniers jours par les services antiterroristes avec pour cibles principales des militants de Corsica Libera, le parti qui dénonce la "politique répressive de l’appareil d’État français". Huit personnes ont ainsi été arrêtées dans les deux départements corses lundi 5 décembre parmi lesquelles Charles Pieri, ex-leader présumé indépendantiste âgé de 72 ans, et son petit-fils Ghjiseppu-Maria Verdi, selon les informations de franceinfo et France Bleu. Charles Pieri a déjà été condamné à plusieurs reprises, notamment pour association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste et "extorsion de fonds". Trois autres suspects avaient été arrêtés jeudi 1er décembre. Deux d'entre eux ont été remis en liberté dimanche dont Pierre Paoli, un des piliers du mouvement nationaliste Corsica Libera, soupçonné d'avoir été à la tête du FLNC.

Les négociations sur l'autonomie compromises

Un climat tendu s'installe donc entre Paris et l'île de beauté. Le mot "autonomie", prononcé après l’assassinat d’Ivan Colonna en prison, a désormais disparu du lexique de Gérald Darmanin. Le ministre de l’Intérieur avait pourtant proposé en mars aux élus corses de poursuivre les négociations sur le projet d'autonomie de l’île mais il vient, donc, pour la deuxième fois de différer un déplacement prévu sur l’île, au cours duquel le ministre devait séjourner trois jours sur place. Il ira au mois de janvier, a appris franceinfo auprès de l'entourage du ministre de l'Intérieur.

Invité du 8h30 franceinfo, Gérald Darmanin a précisé "ne pas avoir peur pour sa sécurité. Mais si c'est pour aller en Corse pour ne pas parler de l'avenir, ce n'est pas la peine. Il y a un certain nombre de choses qui s'y passe, notamment de lutte contre la criminalité organisée, ce dont je me félicite. J'avais promis aux Corses que nous lutterons fortement contre la criminalité organisée qui gangrène leur île. Et vu ce qu'il se passe en ce moment, il a été convenu avec tous les acteurs que ce n'était pas le climat serein pour parler de l'avenir de la Corse ou des jeunes Corses, de ses déchets, de son environnement, de ses mobilités... Je veux dire que les Corses en ont marre, je crois, de voir le débat confisqué par quelques-uns", a-t-il indiqué.

Le président de l’exécutif corse Gilles Simeoni se trouve de son côté qualifié de "patriote bobo" par le FLNC. Le restaurant de son fils a été la cible d’un incendie criminel dans la nuit de dimanche à lundi à Corte. La reprise du dialogue entre la place Beauvau et une délégation d'élus de l'île, amorcée cet été, a du plomb dans l'aile.

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