Négocier ce qui peut encore l'être. Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif de Corse, et Jean-Guy Talamoni, président de l'assemblée de Corse, sont reçus par Edouard Philippe, dans la soirée du lundi 12 mars, à Matignon. Le Premier ministre doit présenter au tandem exécutif corse la forme que doit prendre la promesse d'Emmanuel Macron d'inscrire la Corse dans son projet de révision constitutionnelle.Comme le souligne Libération, les dirigeants nationalistes se rendent à Paris avec "des revendications bémolisées". De fait, Emmanuel Macron a douché leurs espoirs, dans un discours prononcé le 7 février à Bastia. Le chef de l'Etat a dit oui à la mention de la Corse dans la Constitution, mais non au statut de résident permettant d'acheter un bien immobilier sur l'île, non à co-officialité de la langue, etc. C'est donc avec des "ambitions à la baisse face aux limites tracées" par le président le République que les élus nationalistes se présentent à Matignon. Voici ce qu'ils leur restent à négocier.Quel article de la Constitution ?C'est une question qui a son importance : où la Corse sera-t-elle mentionnée dans la Constitution ? L'article 74, qui évoque le cas des collectivités d'outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie et leur octroie plus d'autonomie, avait la préférence des élus nationalistes au pouvoir en Corse. Mais Emmanuel Macron a écarté une telle possibilité, lors de son discours à Bastia.L'autre possibilité, moins ambitieuse, c'est d'ajouter un nouvel alinéa à l'article 72 qui fixe les compétences des collectivités territoriales ou encore un nouvel article distinct. "Penser que la mère des batailles est de négocier de nouvelles évolutions institutionnelles, avant d'avoir exercé les responsabilités qu'on a [déjà], je ne saurais vous y encourager", avait lancé Emmanuel Macron début février.Quel transfert de compétences ?Avec la mention de la Corse dans la Constitution, seront définies des adaptations législatives et réglementaires possibles sur l'île. Ce que l'on appelle des "habilitations". Jeudi 8 mars, l'Assemblée de Corse a voté une résolution (adoptée à 48 voix sur 63) qui demande des habilitations "permanentes" sur des volets comme "la protection du patrimoine foncier, les particularités linguistiques et culturelles de l'île, le développement économique et social, l'emploi, la santé, l'éducation"...Inscription de la #Corse dans la #Constitution : vote à une majorité élargie (@Pe_A_Corsica, Andà per dumane, P. Ghionga = 48 voix sur 63) d'un article demandant autonomie et pouvoir d'habilitation permanent. Une avancée majeure dans le cadre des négociations en cours avec Paris pic.twitter.com/gLYLm03zMG— Gilles Simeoni (@Gilles_Simeoni) 8 mars 2018Toutefois, selon une source gouvernementale citée par l'AFP, l'exécutif penche vers des habilitations "pérennes" et non permanentes. Celles-ci resteraient limitées dans le temps (5 à 10 ans). "L'exécutif nous parle d'habilitations 'larges et pérennes', nous aurions préféré entendre 'générales et permanentes'", regrette déjà Jean-Guy Talamoni, cité par Libération.Quant aux domaines de compétences visés, ils font toujours l'objet de débats au sein du gouvernement. Ce mouvement concernant la Corse se ferait en parallèle du volet de la réforme constitutionnelle qui va étendre le droit d'expérimentation des collectivités territoriales.Quelle place pour le peuple corse ?La résolution votée jeudi par les élus corses fait mention de l'"autonomie" de l'île, un "statut particulier" qui "tient compte des intérêts propres de la Corse au sein de la République, eu égard à son insularité dans l'environnement méditerranéen, à son relief et à son identité linguistique et culturelle". Nulle mention donc de la reconnaissance du peuple corse, "un douloureux sacrifice pour les nationalistes, aussitôt compensé par le vote d’une résolution symbolique réaffirmant son existence", précise Libé. Une concession sur une revendication historique faite pour obtenir un consensus à l'Assemblée corse où les élus La République en marche ainsi qu'un élu de droite ont ajouté leurs voix à celles des nationalistes majoritaires. Un "sacrifice sur l'autel du consensus" ou encore le "souci de pouvoir tracer un chemin entre l'idéal et la concorde", résume Corse-Matin, "pour ne pas offrir un alibi sur le plateau de la représentation nationale ou placer inutilement le gouvernement au pied du mur." Et de conclure : "Le peuple corse existe, qu'il soit ou non constitutionnalisé."