Avec son couvre-feu, Hortefeux ne fait pas recette
L'idée de Brice Hortefeux d'un couvre-feu pour les "mineurs délinquants" de moins de 13 ans ne fait pas l'unanimitéL'idée de Brice Hortefeux d'un couvre-feu pour les "mineurs délinquants" de moins de 13 ans ne fait pas l'unanimité
Le Parti socialiste est hostile à une mesure que sa première secrétaire juge inapplicable et les syndicats de police sont sceptiques.
Le ministre de l'Intérieur a fait cette proposition mardi, au regard des chiffres sur l'augmentation de la délinquance des jeunes. Selon lui, "la part des mineurs a augmenté de près de 5% en un an, pour atteindre 18%"
Elle est par ailleurs de plus en plus violente, avec l'apparition d'armes blanches et d'armes létales", "de plus en plus jeune et elle se féminise", a encore souligné Brice Hortefeux. Dans ces conditions, "je suis de plus en plus partisan d'une mesure qui aurait le mérite de la simplicité, de la lisibilité et de l'efficacité: qu'un jeune de moins de 13 ans qui aurait déjà commis un acte de délinquance ait une interdiction de sortie nocturne s'il n'est pas accompagné d'un adulte", a-t-il dit.
"C'est donc bien l'idée d'un couvre-feu ciblé sur des mineurs délinquants que je lance ce soir", a poursuivi Brice Hortefeux, spécifiant: il ne s'agit "pas d'une décision, c'est une réflexion".
Les garçons ne seraient donc pas les seuls visés par cette mesure, si elle était mise en pratique. "Les filles sont de plus en plus impliquées dans les violences, leur part a augmenté de 10% en un an dans les crimes et délits commis par des mineurs", a observé M. Hortefeux.
Ce sont particulièrement les membres des "bandes violentes" qui ont retenu son attention. Selon les statistiques policières "48% des personnes identifiées comme membres d'une bande violente sont des mineur(e)s. "Ces mineurs délinquants sont de plus en plus jeunes: sur les 2.500 personnes formellement identifiées" à ce jour "comme faisant partie d'une bande violente, 11% ont moins de 13 ans" a souligné M. Hortefeux.
Si ce "couvre-feu" entrait en application, il s'agirait d'une mesure
administrative, puisqu'il s'agirait de "permettre au préfet de décider de l'interdiction de sortie (du) mineur une fois la nuit tombée", a envisagé le ministre de l'Intérieur.
Réactions immédiates
Martine Aubry, première secrétaire du PS, a estimé mercredi que le gouvernement se "moquait du monde" en proposant l'idée d'un couvre-feu pour les délinquants de moins de 13 ans alors que les effectifs de la police sont en baisse.
"Ce ne sera jamais que le 23e texte sorti par le gouvernement sur la sécurité (depuis 2002), nous faisant croire à chaque fois qu'il y avait un problème qu'il suffisait de faire voter une loi pour que ça change", a déclaré Mme Aubry sur RTL. "Ce que je crois, c'est que la sécurité est un problème global, c'est un problème de prévention", "un problème de sanctions" et "un problème de moyens notamment en hommes pour régler les problèmes". Selon elle, "le gouvernement vient d'annoncer plusieurs milliers de policiers en moins et plusieurs milliers de gendarmes, vous pensez vraiment qu'il va y avoir des policiers pour aller contrôler la nuit si un jeune qui est dans la rue a moins de 13 ans ou plus de 13 ans, s'il a été condamné et s'il peut sortir ? "On ferait mieux de remettre de la police de proximité qui puisse accompagner les gens, rencontrer les familles, les convoquer (...) ce que je fais dans ma ville en faisant en sorte que toute incivilité donne lieu à une réaction et à une sanction proportionnée", a-t-elle conclu.
"Trop, c'est trop", a déclaré Djamila Sonzogni, porte-parole des Verts. "Est-ce que le gouvernement a des sondages secrets sur les résultats des régionales qui lui font tellement peur qu'il dégaine à tout va et dans tous les sens ?", a-t-elle demandé, trouvant "la ficelle trop grosse". Entre le "débat tronqué" sur l'identité nationale, le "débat à côté de la plaque sur la castration chimique", l'inefficacité du CV anonyme, le "couvre-feu" pour les délinquants mineurs, c'est un "gouvernement irresponsable et aux abois" qui gère le pays, a affirmé Djamila Sonzogni.
Les syndicats de police ont demandé mercredi "comment et avec quels moyens" pourrait être appliqué le couvre-feu pour les délinquants de moins de 13 ans. "C'est inapplicable", a déclaré Nicolas Comte, secrétaire général de l'Union SGP-FO/Unité police (1er syndicat de gardiens de la paix) "car le gouvernement s'est engagé dans une diminution des effectifs" de police. "C'est une idée séduisante mais comment va-t-on faire pour l'appliquer?" et "avec quels moyens?", dit Jean-Claude Delage, secrétaire général d'Alliance (deuxième syndicat de gardiens), en évoquant une "réduction d'effectifs" et une "surcharge de missions" de police. "C'est une mesure de bon père de famille qui va rassurer la population" mais "il faut nous donner les moyens, notamment juridiques, de pouvoir l'appliquer", a surenchéri Patrice Ribeiro, secrétaire général-adjoint de Synergie (deuxième syndicat d'officiers de police).
La présidente du Syndicat de la magistrature (SM, classé à gauche) Emmanuelle Perreux a affirmé qu'il s'agissait "d'une mesure totalement inapplicable qui s'inscrit une fois de plus dans une politique répressive". Pour Emmanuelle Perreux, il s'agit "d'une politique tout à fait démagogique qui désigne ces enfants comme des boucs émissaires". Hélène Franco, qui a été juge des enfants pendant sept ans au tribunal de Bobigny, a qualifié la proposition de M. Hortefeux d'"incantatoire et de démagogique". La magistrate "ne voit pas comment elle pourrait être mise en place". "Comment reconnaître les enfants délinquants dans la rue?", demande-t-elle.
Frédéric Lefebvre, porte-parole de l'UMP, a qualifié de "non assistance à enfant en danger" la réaction de Martine Aubry à la proposition de Brice Hortefeux. "C'est non assistance à enfant en danger", a-t-il dit. "Chacun sait que des jeunes mineurs sont de plus en plus impliqués dans la délinquance et dans les phénomènes de bandes. Décider qu'un mineur de 12 ou 13 ans, déjà mis en cause dans une affaire de délinquance, soit protégé contre la mauvaise influence des voyous et interdit de sortir le soir, ce n'est que l'application de la simple logique", estime M. Lefebvre.
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