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Fermetures de refuges : "Dans l'état dans lequel est la montagne, les gens n'ont rien à faire sur le Mont-Blanc", estime le maire de Saint-Gervais

"Faire l'ascension du Mont-Blanc, c'est une affaire d'alpinistes, ce n'est pas une affaire de marcheurs en baskets", s'emporte Jean-Marc Peillex contre les touristes, notamment des pays d'Europe de l'Est, venus faire l'ascension du Mont-Blanc sans connaître "les codes de la montagne".

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Le maire de Saint-Gervais en Haute-Savoie a fermé les refuges du Goûter et de Tête Rousse début août 2022. L'ascension du Mont-Blanc est jugé trop dangereuse en raison de la sécheresse, surtout pour les alpinistes amateurs. (PHILIPPE DESMAZES / AFP)

"Dans l'état dans lequel est la montagne, les gens n'ont rien à faire sur le Mont-Blanc", estime le maire de Saint-Gervais (Haute-Savoie), Jean-Marc Peillex, samedi 6 août sur franceinfo, après avoir fermé les refuges du Goûter et de Tête Rousse jusqu'à nouvel ordre. Les nombreuses chutes de pierres liées à la sécheresse représentent un danger de mort pour les alpinistes plus ou moins expérimentés qui s'aventurent sur les sommets.

franceinfo : Pourquoi avez-vous décidé de fermer ces deux refuges ?

Jean-Marc Peillex : C'est la troisième fois depuis que je suis maire que je prends une telle décision, en 2003, en 2015 et donc en 2022. Comme notre message de prévention n'est pas entendu par des dizaines d'alpinistes individuels et que le message des compagnies de guides n'est pas entendu non plus, l'étape suivante était de fermer les refuges pour bien montrer aux candidats alpinistes ou plutôt aux alpinistes urbains, ceux qui ne connaissent pas les codes de la montagne, qui viennent en particulier des pays d'Europe de l'Est, qu'ils doivent reporter leur ascension du Mont-Blanc et faire demi-tour. Avant, les refuges étaient ouverts donc ils se disaient "je passe quand même, si je meurs ce n'est pas trop grave et je vais quand même arriver au refuge".

Les candidats à l'ascension du Mont-Blanc ne sont-ils pas équipés pour le faire ?

Il y en a qui ne sont pas équipés. On a fait faire demi-tour à six Roumains qui étaient en short et en bob, pas de matériel d'alpinisme, pas de crampon, pas de piolet, pas de casque. Hier, c'était un alpiniste d'Europe de l'Est coiffé avec une coiffe de Davy Crockett, avec une queue de renard, il était à moitié nu avec des chaussures qui n'étaient même pas des baskets. Voilà ce qu'est la population qui brave les recommandations et les interdits. Ceux-là, il faut les pénaliser, sauf qu'on ne peut pas aujourd'hui, on n'a pas de texte qui nous permette de les pénaliser. J'ai lancé l'idée de leur faire payer une caution de 15 000 euros qui corresponde aux frais du suicide, en quelque sorte.

"Vous voulez vous suicider, je n'ai pas le droit de m'y opposer, le suicide est légal en France. En revanche 10 000 euros, c'est le coût de l'hélicoptère pour aller chercher votre corps et 5 000 euros pour l'enfouir dans le cimetière."

Jean-Marc Peillex, maire de Saint-Gervais

à franceinfo

Faire l'ascension du Mont-Blanc, c'est une affaire d'alpinistes, ce n'est pas une affaire de marcheurs en baskets. C'est sérieux. On peut y laisser sa vie. C'est quelque chose d'important. On monte à 4 800 mètres d'altitude. Il faut de la préparation, de l'acclimatation, il faut connaître le terrain, prendre un guide. On dit aux gens que dans l'état où ils sont et dans l'état dans lequel est la montagne, ils n'ont rien à faire sur le Mont-Blanc. Les gendarmes de haute-montagne contrôlent ces personnes qui se croient alpinistes et qui ne vont là-haut que pour faire une photo Instagram.

La sécheresse a aussi des conséquences sur la vie économique dans les montagnes, notamment dans l'agriculture : l'herbe vient à manquer pour les troupeaux. Les agriculteurs vont-ils aussi devoir s'adapter ?

Il faut qu'on arrête de vouloir croire que l'année prochaine tout ira mieux, que tout va se rétablir. Aujourd'hui, on est dans un cycle de modifications climatiques - le réchauffement mais aussi la diminution des précipitations et plein de choses qui interviennent – et c'est à nous de nous adapter et non pas de croire qu'on va pouvoir appuyer sur un bouton pour rétablir ce qui se passait avant. C'est valable pour l'agriculture, c'est valable pour l'eau, c'est valable pour la montagne. Il faut qu'on adapte nos comportements et qu'on arrête de croire qu'on est supérieurs à Dieu et à l'univers. Par exemple, nous allons proposer que, du 10 juillet au 20 août, on ne puisse plus aller au Mont-Blanc parce que ce n'est pas le moment. Les guides vous emmèneront ailleurs pour profiter de la montagne. Pour les troupeaux, il faut qu'ils s'adaptent comme ils se sont toujours adaptés au climat. La grande canicule de 2003, c'était il y a 19 ans, donc il ne faut pas agiter les chiffons rouges aujourd'hui en disant que ça change.

"On a peut-être la mémoire courte, mais on n'a surtout pas envie de s'adapter, c'est le gros problème que l'on a dans les civilisations occidentales."

Jean-Marc Peillex

à franceinfo

On pense toujours que l'année prochaine, on refera le Mont-Blanc comme on le faisait il y a 30 ans et que les pâturages seront verts comme il y a 20 ans, mais non, ils seront ce qu'ils sont, à nous de nous adapter et commençons par devenir intelligents.

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