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Autoentrepreneurs : un succès que le gouvernement veut encadrer

La ministre de l'Artisanat envisage de limiter dans le temps le statut d’autoentrepreneur pour certains secteurs. Une mesure qui scandalise les principaux intéressés.

Article rédigé par Michael Bloch
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Sylvia Pinel, ministre de l'Artisanat, du Commerce et du Tourisme, à l'Assemblée nationale, le 16 avril 2013. (MARTIN BUREAU / AFP)

Il y avait eu les "pigeons". Il y a maintenant les "poussins". Ce "mouvement de défense des autoentrepreneurs français" mène une bataille contre le gouvernement depuis plusieurs semaines. A ce jour, plus de 70 000 "poussins" ont signé une pétition afin d'empêcher l'exécutif de limiter dans le temps le statut d'autoentrepreneur pour certaines professions. La ministre de l'Artisanat, Sylvia Pinel, a annoncé mi-avril qu'elle envisageait une telle solution, et l'a confirmé dimanche 2 juin.

Créé en 2008, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, ce statut, qui vise à faciliter la création d’entreprise grâce à une fiscalité avantageuse, a rencontré un véritable succès (près de 900 000 personnes l’ont adopté), comme l’ont noté l’Inspection générale des finances (IGF) et l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) dans un rapport finalisé en mars (PDF). Ce qui n’empêche pas le gouvernement de vouloir légiférer sur la question. Francetv info explique pourquoi ce dispositif a autant marché et les raisons des réticences de l'exécutif.

Les raisons d’un succès

Des facilités pour entreprendre. Le statut d’autoentrepreneur permet de monter facilement sa petite entreprise sans payer de charges trop lourdes au début de l’activité. "J'ai 50 ans, ce statut m'a permis de créer mon activité. C'est grâce à lui que j'ai sauté le pas. Mon but est de dépasser rapidement le plafond de chiffre d'affaires afin de passer à un autre statut", raconte, par exemple, Florence Bouxom Aubert sur le site des "poussins". Dans leur rapport, l’IGF et l’Igas notent que l'objectif de ce statut, dont "la simplicité (…) visait à briser les freins sociaux, culturels ou administratifs à la création d’entreprise", a été rempli, même s'il a "davantage facilité l’exercice d’activités  accessoires (…) et à faible valeur ajoutée".

Un moyen de sortir du chômage. Ce dispositif a permis à certains de retrouver une activité, comme en témoigne Camille Basle sur le site des "poussins". "Depuis trois ans autoentrepreneur, je remercie M. Sarkozy d'avoir instauré ce statut qui permet aux personnes dans ma situation (proche de la retraite) de créer leur emploi que Pôle emploi ne leur aurait jamais trouvé." Une impression confirmée par l’IGF et l’Igas, selon lesquelles "le régime offre, à un nombre important de personnes, l’opportunité de sortir de l’inactivité, du sousemploi ou de l’économie informelle", dans un contexte de situation tendue sur le marché du travail.

Des rentrées fiscales conséquentes. Selon le rapport de l’IGF et de l’Igas, le dispositif "pourrait avoir généré environ 800 millions d'euros supplémentaires de ressources nettes pour les finances publiques sur les trois premières années de son existence.”

Pourquoi le gouvernement veut légiférer

Pour éviter la concurrence déloyale. Depuis plusieurs années, les artisans et les travailleurs du bâtiment se plaignent d’une concurrence déloyale des autoentrepreneurs. "C'est une question de bon sens. Le régime d'autoentrepreneur crée un déséquilibre entre une sorte d'entreprise et une autre au niveau des obligations fiscales, sociales et administratives", explique Patrick Liébus, président de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), cité par l’AFP. Le dossier est dans les mains de la ministre de l’Artisanat, Sylvia Pinel, qui veut corriger ce déséquilibre. Pour contrecarrer ce risque, la fédération des autoentrepreneurs veut que le dossier revienne à Fleur Pellerin, ministre des PME, comme le rapporte Libération.

Pour lutter contre les effets d’aubaine. La ministre de l’Artisanat souhaite que le régime des autoentrepreneurs soit une passerelle vers le régime général, afin que les autoentrepreneurs paient autant de taxes que les autres. Le régime sera préservé pour "ceux qui se lancent vraiment dans l'entreprenariat et ceux qui exercent une activité complémentaire pour avoir un revenu d'appoint (...). En revanche, lorsqu'il s'agit d'un tremplin pour créer une activité, le gouvernement souhaite (…) que les autoentrepreneurs, dans une durée limitée, basculent vers le régime général", avait affirmé en avril Sylvia Pinel à l’Assemblée nationale, comme le note L'Indépendant.

Les arbitrages finaux sur le projet de loi seront rendus courant juin, affirment Les Echos. Selon l’IGF et l’Igasil est "délicat et même inopportun de bouleverser ce régime qui est en train de parvenir à maturité et de s'inscrire dans le paysage économique de notre pays". Le gouvernement suivra-t-il leurs conclusions ?

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