Arnaud Montebourg, le ministre des clashs
Le président de la Commission européenne, Mittal, PSA... Le ministre du Redressement productif n'hésite pas à attaquer de front adversaires politiques et entreprises en disgrâce.
Guerre des mots, coups de pression… Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, est un partisan de la méthode forte : il n'hésite pas à provoquer ses ennemis avec un certain franc-parler... Quitte à déclencher de nombreuses polémiques. Francetv info revient sur les différentes attaques frontales lancées par le ministre depuis qu'il est en poste à Bercy.
Barroso, le "carburant du Front national"
Chantre du "made in France", Arnaud Montebourg a été piqué au vif par les propos du président de la Commission européenne sur les défenseurs de l'exception culturelle française. Interrogé par l'International Herald Tribune le 16 juin au sujet de l'exclusion du secteur audiovisuel de l'accord de libre-échange avec les Etats-Unis, José Manuel Barroso est sévère avec la position française. "Certains se disent de gauche mais en réalité, ils sont culturellement extrêmement réactionnaires. Cela s'inscrit dans le cadre d'une vision antimondialisation que je considère complètement réactionnaire", lance-t-il.
Alors que le président de la République joue l'incrédule et refuse de croire que José Manuel Barroso "ait pu tenir des propos sur la France qui seraient ainsi formulés", le ministre du Redressement productif n'y va pas par quatre chemins et accuse le président de la Commission d'être "le carburant du Front national". "Je crois que la principale cause de la montée du Front national est liée à la façon dont l'UE exerce aujourd'hui une pression considérable sur des gouvernements démocratiquement élus. Vous avez le président de la Commission européenne qui dit 'tous ceux qui sont antimondialisation, c'est des réactionnaires'", estime-t-il, le 23 juin, sur France Inter.
L'escalade verbale se poursuit le lendemain : Barroso persiste. "Il serait bon que certains responsables politiques comprennent que ce n'est pas en attaquant l'Europe et en essayant de faire de la Commission européenne le bouc émissaire de leurs difficultés qu'ils arriveront très loin", raille-t-il, visant Arnaud Montebourg, qui maintient ses déclarations.
"Nous ne voulons plus de Mittal en France"
Entre Arnaud Montebourg et Lakshmi Mittal, ce n'est pas le grand amour non plus. Au cœur de la bataille du ministre contre le géant mondial de l'acier : le site de Florange, propriété d'ArcelorMittal. Alors que le candidat Hollande s'était engagé à sauver les hauts-fourneaux du site sidérurgique de Moselle, le ministre du Redressement productif se retrouve bien en peine face à un Lakshmi Mittal intransigeant. Devant l'échec des négociations, Montebourg s'en prend violemment à l'industriel. "Nous ne voulons plus de Mittal en France parce qu'ils n'ont pas respecté la France", lance le ministre le 26 novembre, dans une interview aux Echos. "Les mensonges de Mittal depuis 2006 sont accablants", poursuit-il, soulignant que l'entreprise "n'a jamais tenu ses engagements" vis-à-vis de l'Etat français. Il ajoute : "Le problème des hauts-fourneaux de Florange, ce n'est pas la défaillance des hauts-fourneaux de Florange, c'est la défaillance de Mittal."
Après la publication de l'interview du ministre, la famille Mittal se dit "extrêmement choqué[e]" par les propos d'Arnaud Montebourg, et le PDG d'ArcelorMittal sera reçu à l'Elysée le lendemain. En décembre, Lakshmi Mittal adresse une lettre aux salariés de Florange, l'occasion de régler ses comptes avec Arnaud Montebourg. "Choqué" et "triste", il écrit : "Jamais je n'aurais attendu de tels propos, aussi irrationnels, d'un ministre !" L'aciériste enfonce le clou au sujet de la nationalisation des hauts-fourneaux, solution un temps évoquée par le ministre : "Le monde entier a été surpris. Si aujourd'hui, un pays comme la France, la cinquième économie du monde, parle de nationalisation, mais quel bond en arrière ! (...) Ce genre de menaces sont de nature à faire qu'un investisseur y réfléchira peut-être deux fois avant d'investir en France." Des propos acerbes qui n'empêchent pas Arnaud Montebourg de revenir à la charge en février, jugeant les méthodes de Mittal "abusives". "Je rappelle que la famille Mittal est l'auteure d'une OPA agressive sur l'acier européen détenu par Arcelor. Ils ne nous ont jamais demandé l'autorisation !", lance-t-il sur Europe 1.
Titan et son PDG "ignorant"
Cette fois, c'est une lettre qui met le feu aux poudres. Celle de Maurice Taylor, PDG du fabricant américain de pneus Titan, qui a essayé en vain de racheter l'usine Goodyear à Amiens. La missive est directement adressée à Arnaud Montebourg en février. Dans ce courrier, le PDG raille les "soi-disant ouvriers" de l'usine d'Amiens-Nord. "Les ouvriers français sont beaucoup payés, mais ne travaillent que trois heures (...). J'ai fait part de cette remarque aux syndicats. Ils m'ont dit que ça marchait comme ça en France !", écrit Taylor. Et l'Américain ironise : "Qu'a le syndicat fou ? Il a le gouvernement français."
Face à ces écrits qu'il qualifie de "ridicules" et "désobligeants", le ministre du Redressement productif prend la plume et ne retient pas sa colère. "Vos propos, aussi extrémistes qu'insultants, témoignent d'une ignorance parfaite de ce qu'est notre pays, la France, de ses solides atouts, comme de son attractivité mondialement reconnue et de ses liens avec les Etats-Unis d'Amérique", assène-t-il.
Le PDG de Titan surenchérit dans une lettre adressée à Arnaud Montebourg : "L'extrémiste Monsieur le ministre, c'est votre gouvernement et son manque de connaissances sur la façon de bâtir une entreprise." Un peu plus tard, interrogé par Europe 1, Maurice Taylor s'en donne à cœur joie : "Mais pourquoi il m’embête avec ça votre ministre ? Il est stupide ou quoi ? On parle de l’usine Goodyear et il s’adresse à moi. Vous devriez poser vos questions à cet imbécile !"
Le directeur du Trésor doit "prendre l'air"
Fin septembre 2012, haro sur la direction du Trésor, une puissante administration de Bercy. "Nous sommes en train de changer la France et eux [les fonctionnaires du Trésor] nous ressortent les vieilles recettes éculées de Raymond Barre (...). Nous avons besoin qu’ils prennent l’air intellectuellement !", lance Arnaud Montebourg sans pincettes. Dans le viseur du ministre : Ramon Fernandez, directeur général du Trésor depuis 2009 et homme de confiance de Nicolas Sarkozy, rapporte L'Express.fr.
Une charge si forte qu'elle poussera Pierre Moscovici, ministre de l'Economie, à envoyer une missive élogieuse à tous les personnels de la direction du Trésor. A l'opposé de Montebourg, Moscovici souligne "la loyauté" et "la compétence des équipes du ministère, et de la Direction du Trésor en particulier" ainsi que "l'expertise et l'intégrité (...) connues et respectées" de ces fonctionnaires.
La famille Peugeot et ses "dissimulations"
Il appelle cela la "négociation franche". En juillet 2012, le tout nouveau ministre du Redressement productif doit faire face à l'annonce de la suppression de 8 000 postes chez PSA Peugeot Citroën. Il s'en prend alors clairement à la stratégie du groupe : "Nous avons un vrai problème sur la stratégie de Peugeot, l'alliance avec General Motors, le comportement de l'actionnaire." Les mots sont durs : Arnaud Montebourg compare PSA à un "malade imaginaire", parle de "dissimulations", dit ne pas avoir une "confiance extraordinaire" en la direction du groupe... Et le ministre souhaite mettre autour de la table "les actionnaires et la famille Peugeot, qui a un certain nombre de choses à nous dire."
Blessée, la famille Peugeot répond : "C'est tout le groupe qui vit mal ces attaques et qui se sent visé." "Il y a des mots que je n'ai pas aimés et qui ont été répétés : 'mensonge' et 'dissimulation', confie Thierry Peugeot. Nous sommes prêts à accepter la critique, mais il y a des limites."
Bonus : "Cet abruti mental, ce débile…"
Cette fois, la charge ne vient pas d'Arnaud Montebourg, mais du président de Mitsubishi France, très remonté. Lors d'une présentation de produits dans les Alpes-Maritimes, en octobre, Jean-Claude Debard insulte carrément le ministre. "Cet abruti mental, ce débile, augmente les malus écologiques, réduit la vitesse des conducteurs sur le périphérique de Paris et pourrit la vie des automobilistes, de toutes les origines sociales… Tous le subissent !", s'exclame-t-il.
Depuis, la marque s'est dite "profondément choquée" et le président de Mitsubishi France a présenté sa démission.
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