Cet article date de plus de quatorze ans.

Après une réunion présidée par Nicolas Sarkozy à l'Elysée mercredi, 300 camps illégaux vont être démantelés

Brice Hortefeux a annoncé que la moitié des camps illicites seront démantelés d'ici 3 mois et la reconduite quasi immédiate des Roms vers Roumanie et Bulgarie en cas de délits.Cette réunion, qui fait suite aux violences de Saint-Aignan, portait sur les "problèmes que posent les comportements de certains parmi les gens du voyage et les Roms".
Article rédigé par France2.fr avec AFP
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 11min
Roms évacués par des CRS du campement du Hanul à Saint-Denis (93) (AFP - PAUL SZAJNER)

Brice Hortefeux a annoncé que la moitié des camps illicites seront démantelés d'ici 3 mois et la reconduite quasi immédiate des Roms vers Roumanie et Bulgarie en cas de délits.

Cette réunion, qui fait suite aux violences de Saint-Aignan, portait sur les "problèmes que posent les comportements de certains parmi les gens du voyage et les Roms".

Brice Hortefeux a affirmé jeudi que les Roms actuellement en situation irrégulière seront reconduits chez eux et n'auront pas la possibilité de revenir en France, notamment grâce à la réactivation d'un fichier d'empreintes digitales.

Le ministre de l'Intérieur a fait savoir qu'Eric Besson, ministre de l'Immigration, et Pierre Lellouche, secrétaire d'Etat chargé des Affaires européennes, allaient se rendre prochainement à Bucarest.

Dans un communiqué, le chef de l'Etat précise qu'une réforme législative sera entreprise "afin de rendre plus efficace le dispositif d'évacuation des campements illégaux".

Le ministre de l'Intérieur a également déclaré un échange de policiers entre la France et la Roumanie et la présence de 10 inspecteurs du fisc pour "contrôler" les situations dans certains camps.

Selon le porte-parole du gouvernement, l'intention du chef de l'Etat n'est "pas de stigmatiser une communauté". Pour autant, les réactions négatives se sont multipliées.

Le PS a dénoncé une "stigmatisation scandaleuse", une "méthode assez classique et indigne" du président de la République. Les collectivités ne respectent pas la loi" et "le président de la République comme d'habitude joue de la rodomontade, du coup de menton", a déclaré mercredi Benoît Hamon sur France 2.

Pour le milieu associatif, cette réunion "stigmatise" une communauté dans une approche "ethnique de la délinquance".

En 2009, plus de 10.000 Roms ont été expulsés de France. Plus de 400.000 gens du voyage sont recensés en France, selon un rapport de 1990 ; 95% d'entre eux sont français et un tiers nomades. Les Roms, qui sont des Tziganes de nationalité roumaine, bulgare et d'Europe centrale, forment une minorité.

Les violences de Saint-Aignan (Loir-et-Cher)
Lors de son intervention, mercredi 21 juillet, en conseil des ministres, au cours de laquelle il annonçait la réunion du 28 juillet, le chef de l'Etat avait dénoncé les "événements d'une extrême gravité" qui s'étaient déroulés le 18 juillet dernier à Saint-Aignan (Loir-et-Cher).

Une cinquantaine de personnes armées de haches et de barres de fer ont vandalisé plusieurs bâtiments, dont celui de la gendarmerie, et scié des arbres dans le centre du village. Ils disaient vouloir protester contre la mort d'un des leurs, tué deux jours plus tôt par balle après avoir, selon les autorités, forcé un barrage de gendarmerie au volant d'une voiture.



Critiques dans l'opposition
"Plutôt que de prendre la mesure des questions que pose l'intégration des gens du voyage, français (une majorité) ou étrangers, la droite continue de se fourvoyer dans un discours démagogique, agressif et stigmatisant", a déploré dans un communiqué Pouria Amirshahi, secrétaire national PS aux droits de l'Homme. "L'existence-même de la réunion du 28 juillet sur les Roms était indigne d'un gouvernement qui se réclame de la République, les annonces faites par Brice Hortefeux sont dans la continuité", poursuit-il, soulignant que le ministre "confirme la dérive sécuritaire et xénophobe du gouvernement".

Dans Le Parisien Dimanche, l'ancien Premier ministre socialiste Laurent Fabius fustige également un "traitement ethnique de la violence". "On attend que le chef de l'Etat rassemble. Or M. Sarkozy pratique une stratégie de tension (...) entre une communauté et une autre", juge le député PS.

"Avec Nicolas Sarkozy, la démagogie ne prend jamais de vacances", accuse de son côté le Parti de gauche dans un communiqué. "Nicolas Sarkozy instille une vision ethnicisante de la République et s'en sert pour faire d'une population déjà fragile et précarisée des boucs émissaires", ajoute le parti de Jean-Luc Mélenchon.

Les violences de Saint-Aignan sont "inacceptables", note pour sa part le député européen Modem Jean-Luc Bennahmias pour qui il faut être "ferme et juste". Cependant, ajoute-t-il dans un communiqué, il incombe aux politiques de faire respecter la loi et d'obliger les communes à aménager des aires d'installation.

Le député-maire vert de Bègles (Gironde) Noël Mamère s'est dit indigné par cette nouvelle décision du président de la République, qui pour mieux faire oublier l'affaire d'Etat dans laquelle il est empêtré (allusion au dossier Woerth/Bettencourt, ndlr), invente une nouvelle diversion et une nouvelle catégorie de boucs émissaires".

Le porte-parole du gouvernement (et ministre de l'Education nationale), Luc Chatel a contesté ces critiques, affirmant que Nicolas Sarkozy "ne cherche pas à stigmatiser une communauté mais il cherche à répondre à une problématique".

"Odieuse stigmatisation", selon les associations
Les critiques des associations de gens du voyage rejoignent celles d'une partie de la classe politique et d'organisations des droits de l'homme. Depuis que Nicolas Sarkozy a déclaré la "guerre à la criminalité", lors du conseil des ministres du 21 juillet, la Ligue des droits de l'homme, Amnesty International et la Ligue contre le racisme et l'antisémitisme (LICRA) ont dénoncé les annonces "stigmatisantes" du chef de l'Etat.

Selon des associations de gens du voyage, le président "érige les gens du voyage en boucs émissaires des difficultés rencontrées en matière de sécurité par le gouvernement".

Des représentants de l'Union française des associations tziganes - regroupant gens du voyage et Roms - ont demandé, lors d'une conférence de presse à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), à être reçus à l'Elysée et "par les ministres concernés". Ce point de presse a été organisé à quelques heures de la réunion à l'Elysée mercredi.

Dans un communiqué commun, l'Association nationale des gens du voyage catholiques (ANGVC), l'Union française des associations tsiganes (UFAT), l'Association sociale nationale internationale tsiganes (ASNIT) et la FNASAT-Gens du voyage, dénoncent une posture présidentielle "ethnique et répressive". "La situation des gens du voyage appelle des réponses publiques concertées et volontaristes, plutôt que des annonces dont on discerne mal qui elles concernent et les effets positifs qu'elles pourraient produire", ajoutent-elles. Pour ces associations, la réunion du mercredi 21 juillet renforce "l'inutile et dangereuse ethnicisation du débat, qui nous entraîne bien loin de l'idéal républicain".

Elles dénoncent par ailleurs l'amalgame présidentiel entre "les gens du voyage et les roms". Elles pointent aussi les carences de nombreuses municipalités, qui refusent d'appliquer la loi. Celle-ci impose aux communes la réalisation d'aires d'accueil et de stationnement pour les gens du voyage. Mais à peine 50 % des places prévues sur toute la France seraient effectivement ouvertes.

L'Union des étudiants juifs de France (UEJF) "rappelle que la majorité des Roms sont français: ces conclusions instaurent une loi d'exception et bafouent le principe d'égalité républicaine". D'autre part, l'organisation juive est "choquée par l'annonce de l'envoi prochain de dix inspecteurs du fisc afin de 'contrôler la situation des occupants' dans certains camps des Roms et gens du voyage, au prétexte que 'beaucoup de nos compatriotes sont à juste titre surpris en observant la cylindrée de certains véhicules qui traînent les caravanes'". Pour l'UEJF, "ces conclusions font planer le soupçon à l'encontre d'une communauté et mettent en péril le vivre-ensemble en France".

L'UEJF, SOS Racisme et la Fédération nationale des associations
solidaires d'action avec les Tsiganes et les gens du voyage
(FNASAT) organiseront une réunion début septembre sur ces décisions qui "donnent du crédit aux préjugés les plus primaires et éculés", a précisé à l'AFP Arielle Schwab, la présidente
de l'UEJF.

Réaction de gitans de Saint-Aignan (Loire-et-Cher)
"Nous, Sarko ne peut pas nous expulser, on est Français, tous nos grands-parents sont Français", a dit avant de se rendre au tribunal de Blois Miguel Duquenet, le conducteur qui accompagnait Luigi, jeune gitan tué par balle par un gendarme dans le Loir-et-Cher (lire: ).

"Sarko met de l'huile sur le feu, on n'a jamais vu un président de la République qui déclare qu'il va faire la guerre aux gens du voyage, on ne veut pas la guerre, on veut que la justice fasse son travail", a commenté Daniel, un autre frère de Miguel, devant le palais de justice à Blois.

Les déclarations de Sarkozy le 21 juillet
Mercredi 21 juillet, quelques jours après des violences dans la vallée du Cher qui ont succédé à la mort, au soir du 16 juillet, d'un jeune de la communauté du voyage, tué par un gendarme après avoir forcé un contrôle, Nicolas Sarkozy a annoncé en conseil des ministres une réunion à l'Elysée le 28 juillet sur les "problèmes que posent les comportements de certains parmi les gens du voyage et les Roms". Elle "fera le point de la situation de tous les départements et décidera les expulsions de tous les campements en situation irrégulière".

"Des événements d'une extrême gravité viennent de se produire ces jours derniers dans l'Isère et le Loir-et-Cher marquant une escalade de la violence, en particulier envers les forces de l'ordre", a affirmé le chef de l'Etat dans une déclaration communiquée à la presse. "Ces événements ne sont pas acceptables", a-t-il poursuivi

"C'est pourquoi j'ai décidé de nommer préfet de l'Isère Eric Le Douaron, un policier de métier, préfet de la Meuse, qui a été durant six ans un très remarquable directeur de la sécurité publique à Paris, de la même façon que j'ai nommé voici quelques semaines préfet de Seine-Saint-Denis un autre grand policier en la personne de Christian Lambert."

Sur le même sujet :

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.