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Amnistie, non-cumul, vote des étrangers… Valls agace la gauche

Le ministre de l'Intérieur ne partage pas la volonté de la majorité d'amnistier les syndicalistes condamnés pour des atteintes aux biens.

Article rédigé par Bastien Hugues
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, lors d'une conférence de presse à Nanterre (Hauts-de-Seine), le 11 janvier 2013. (WITT / SIPA)

Il est de gauche, mais il est plus populaire que Jean-François Copé ou Xavier Bertrand auprès des sympathisants de droite. Dix mois après sa nomination au ministère de l'Intérieur, la cote de Manuel Valls ne faiblit pas. Toutes tendances politiques confondues, l'ancien député-maire d'Evry (Essonne) est toujours la personnalité politique préférée des Français avec 52% d'opinions positives, selon le baromètre CSA-Les Echos publié vendredi 8 mars.

Pourtant, ses prises de position agacent souvent à gauche. Dernier exemple en date : son opposition à l'amnistie des syndicalistes condamnés pour violences durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Francetv info en profite pour revenir sur quelques-uns des moments où Manuel Valls a suscité la colère dans les rangs de la gauche.

4 mars : "scepticisme" sur l'amnistie sociale

Ce qu'il a dit. Alors qu'une loi d'amnistie votée par l'ensemble de la gauche au Sénat prévoit d'effacer les condamnations pour des atteintes aux biens commises lors de conflits sociaux entre le 1er janvier 2007 et le 1er février 2013, Manuel Valls fait part de son "scepticisme". "La colère, la violence, ne sont pas possibles dans une démocratie comme la nôtre", ajoute-t-il.

Les réactions qu'il a suscitées. Son collègue Benoît Hamon, ministre de l'Economie sociale et solidaire, et figure de l'aile gauche du PS, voit au contraire dans ce texte "un message de paix", tout en précisant qu'"il est important de dire pour l'avenir que les violences ne sont pas admissibles". Bien plus offensif, le député européen Jean-Luc Mélenchon (Front de gauche) accuse le ministre de l'Intérieur d'avoir adopté "la figure classique du grand réprimeur" et d'incarner "l'ultradroite du PS".

15 février : le non-cumul des mandats repoussé à 2017

Ce qu'il a dit. Alors que le PS s'était engagé à appliquer le non-cumul des mandats dès 2014, Manuel Valls affirme que mettre en place cette mesure si tôt "serait une faute", redoutant "une mini-dissolution". Le ministre précise donc qu'"il y aura une loi", mais "pour application fin 2016 ou début 2017".

Les réactions qu'il a suscitées. Aussitôt, Harlem Désir monte au créneau. Se fendant d'un communiqué, le patron du PS rappelle à Manuel Valls que le non-cumul des mandats est une "exigence de rénovation de la vie démocratique", et réaffirme que le PS souhaite une loi adoptée et appliquée "en 2014". "En politique, quand on promet des choses, il faut les tenir, embraye le président du Mouvement des jeunes socialistes (MJS), Thierry Marchal-Beck, dans une interview au Monde. Le ministre de l'Intérieur met toujours en avant l'honneur et le courage. Il doit savoir plus que d'autres qu'il faut tenir sa parole."

19 septembre 2012 : les récépissés lors des contrôles de police enterrés

Ce qu'il a dit. François Hollande avait promis de lutter contre les contrôles au faciès. Manuel Valls refuse que cela se fasse par des récépissés que les policiers remettraient lors des contrôles d'identité. "Ce n'est pas une nouvelle, j'ai toujours été sceptique sur le sujet", explique-t-il, en refusant de "compliquer de manière déraisonnable le travail" des forces de l'ordre "sur le terrain".

Les réactions qu'il a suscitées. Promoteur de cette proposition depuis des années, le MJS fait aussitôt savoir qu'il va "combattre le tissu de mensonges et contre-vérités propagés notamment par Manuel Valls" sur cette question. Et durant les semaines qui suivent, la ministre du Logement, Cécile Duflot, le maire de Paris, Bertrand Delanoë, et le ministre de la Ville, François Lamy, plaident pour une expérimentation du dispositif.

17 septembre 2012 : le droit de vote des étrangers rayé des priorités

Ce qu'il a dit. Alors que François Hollande s'est engagé à accorder le droit de vote aux étrangers non-communautaires aux élections locales, Manuel Valls fait part de ses doutes. "Est-ce que c'est aujourd'hui une revendication forte dans la société française ? Un élément puissant d'intégration ? Non", juge-t-il dans une interview au Monde.

Les réactions qu'il a suscitées. La position du ministre de l'Intérieur provoque la colère de sa collègue écologiste Cécile Duflot. "C'est une nécessité, c'est une promesse du président de la République, ce sera fait l'année prochaine", assure-t-elle le lendemain, martelant : "Le président de la République a dit que ce serait en 2013, ce sera en 2013, pour application en 2014", lors des prochaines municipales.

9 août 2012 : les camps de Roms démantelés

Ce qu'il a dit. En plein été, les démantèlements de camps de Roms se multiplient, rappelant la politique de ses prédécesseurs de droite. Manuel Valls se justifie en affirmant que ces camps "sont un défi au vivre-ensemble". La fermeté est donc à ses yeux "nécessaire", et "le laisser-faire ne résout rien".

Les réactions qu'il a suscitées. Là encore, Cécile Duflot monte au front : "Stigmatiser sur une base ethnique une population déjà discriminée et expulser, dans une absurde et coûteuse logique d'objectifs chiffrés - comme l'a fait le précédent gouvernement - est non seulement honteux, c'est aussi inefficace." La maire PS de Lille, Martine Aubry, y va aussi de sa critique, en faisant savoir qu'elle a été "désagréablement surprise de la manière dont s’est passé" le démantèlement d'un campement dans sa ville. Quant au Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon, il fait part de sa "consternation" face à cette "politique répressive" de Valls à l'égard des Roms.

27 juin 2012 : les sans-papiers régularisés au cas par cas

Ce qu'il a dit. "La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde, lance Manuel Valls dans une interview au Monde, en paraphrasant une célèbre déclaration de Michel Rocard. La gauche, ce n'est pas régulariser tous les sans-papiers et se retrouver dans une impasse."

Les réactions qu'il a suscitées. "Soit Nicolas Sarkozy, en partant, a laissé traîner un ministre et il y a un ministre sarkozyste qui, sans le savoir, s'est faufilé dans le gouvernement Ayrault. C'est peu probable. Soit – et c'est plus malencontreux – le gouvernement Ayrault, par la voix de M. Valls, vient de commettre sa première grande faute politique, sa première grande fracture morale avec le peuple de gauche", persifle à l'extrême gauche l'ancien candidat à la présidentielle de 2007 Olivier Besancenot. Jean-Luc Mélenchon dénonce également les propos du ministre : "Manuel Valls vient de valider une thèse absurde, anti-économique, ridicule du Front national, (...) le sujet d'après lequel il y aurait un rapport entre l'immigration et les difficultés sociales."

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