A Longjumeau, Sarkozy contraint au grand écart pour séduire frontistes et centristes
S'il veut l'emporter le 6 mai, Nicolas Sarkozy doit rallier sur son nom une large majorité d'électeurs de François Bayrou et de Marine Le Pen.
Une pincée de soutiens centristes dans une bonne dose de discours droitier. Bienvenue à Longjumeau, Essonne. Deux jours après le premier tour de la présidentielle, Nicolas Sarkozy s'est rendu, mardi 24 avril, dans la commune de Nathalie Kosciusko-Morizet pour un meeting précédé d'un porte-à-porte auprès de commerçants du centre-ville.
Tandis que l'heure est au ratissage des voix qui se sont portées sur le FN dimanche, le choix avait de quoi surprendre. Avant d'être désignée porte-parole de campagne, la maire de Longjumeau s'était imposée à l'UMP comme l'une des plus sévères détractrices du parti frontiste, en publiant Le Front antinational (éditions Du Moment, 2011), un ouvrage à charge contre Marine Le Pen, son parti et son programme. "Je n'aime pas cette idée qu'il y aurait des clientèles auxquelles il faudrait tenir des discours différents", a-t-elle dit mardi. Mais pour Nicolas Sarkozy, désormais, une seule question se pose : comment l'emporter le 6 mai ?
L'arithmétique est têtue. S'il veut gagner, le président sortant doit impérativement attirer à lui la majorité des électeurs de Marine Le Pen, mais aussi de François Bayrou au premier tour. Un véritable défi, tant ces deux électorats sont différents.
"Les socialistes n'ont plus le vote populaire et veulent le vote communautaire"
Mardi, à Longjumeau, Nicolas Sarkozy s'est donc adressé aux électeurs frontistes dans un discours très à droite, construit autour de trois thèmes : l'immigration, la valeur travail et la famille. "Je ne veux pas d'une Europe passoire", a-t-il lancé devant quelque 1 500 militants, insistant sur les "racines chrétiennes de l'Europe". Pendant 45 minutes, Nicolas Sarkozy a repris un par un les points de son programme susceptibles d'interpeller l'électorat FN : lutte contre les fraudes sociales, examen de français obligatoire pour les candidats à l'immigration, présence obligatoire de dix années sur le territoire pour bénéficier du RSA ou du minimum vieillesse…
Sans oublier de brocarder les socialistes, "qui n'ont plus le vote populaire et qui veulent le vote communautaire" en prévoyant d'accorder aux étrangers le droit de vote aux élections locales. Et de rappeler son opposition aux horaires réservés de piscine, aux menus spéciaux dans les cantines scolaires et à l'excision. Quand, enfin, Nicolas Sarkozy raille François Hollande, "qui n'a pas participé au vote de la loi sur la burqa", le public se lâche. "Il a peur !", "C'est un lâche !", crient des militants, dont les voix se mêlent aux huées.
Chez les militants, le discours fait mouche. "Il a raison de parler comme ça. Il y a certes des problèmes économiques, mais l'islam c'est un vrai problème ! Les journalistes feraient bien de lire le Coran pour se rendre compte que c'est très guerrier", lâche Hervé, des drapeaux français dans les bras. A quelques mètres, une quinquagénaire bondit en entendant une conversation portant sur les femmes voilées : "Il faut les foutre en l'air, ces gens-là… Qu'ils retournent en Turquie ou je ne sais pas où !"
Des centristes en renfort
L'autre défi pour Nicolas Sarkozy était de s'adresser à l'électorat de François Bayrou. Il a tenté de le faire en évoquant le sujet du jour, l'immigration, par le biais de son poids supposé sur les comptes publics, un thème cher aux bayrouistes : "Les électeurs de monsieur Bayrou nous ont dit : 'Les déficits, ça peut plus durer'. Est-ce que je peux demander aux Français de faire des efforts, de moins dépenser et en même temps accepter une immigration qui ne serait motivée que par l'attraction de prestations sociales parmi les plus généreuses d'Europe ?" La salle exulte. Et tant pis si, au mois de juin, NKM développait dans son livre une tout autre analyse : "Il faut être clair là-dessus : les immigrés sont des actifs, ils contribuent de manière nécessaire et profitable à l'économie de notre pays."
C'est surtout dans les premiers rangs de la salle que les symboles centristes ont été soignés. Aux côtés du ministre de la Justice, le centriste Michel Mercier, les ex-villepinistes Marie-Anne Montchamp et Georges Tron ont fait le déplacement. François Zocchetto, chef de file des sénateurs du groupe Union centriste, qui vient de se rallier à Nicolas Sarkozy après avoir soutenu François Bayrou au premier tour, a même le privilège de s'exprimer brièvement à la tribune, soupçonnant la gauche de ne pas vouloir réellement s'attaquer aux déficits.
Les résultats du premier tour ont condamné Nicolas Sarkozy à pratiquer un grand écart plus que périlleux. Mais de cela, le président sortant ne veut pas entendre parler. Il assure ne parler ni à la gauche, ni à la droite, ni au centre, mais aux "Français" qui, espère-t-il, feront mentir "tous les observateurs et tous les spécialistes", qualifiés de "girouettes qui changent encore plus vite que le vent". Un ton qui ne déplaira ni à Marine Le Pen, ni à François Bayrou.
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