Patrick Dewaere, la servante de Proust, une leçon de psycho-généalogie, Bukowski, un conte jeune public, les joutes verbales Danton-Robespierre… autant de spectacles que nous avons aimés dans le Off d’Avignon qui se termine samedi 30 juillet. Surexpositions (Patrick Dewaere)L’histoire : sans être un biopic, cette évocation de Patrick Dewaere décédé en 1982, est des plus surprenantes. Sa mère, des proches du Café de la gare, des réalisateurs tombés sous son charme et touchés par son talent, se rappellent de sa jeunesse anar dans Les valseuses, de son machisme vacillant dans La Meilleure façon de marcher, ou de son côté tragique dans Série noire. Il brille, il brûle, il se brise et se transforme. La révélation de l’acteur au début des années 70 donne aussi un coup de projecteur sur toute une époque.Pourquoi on a aimé : Ce Dewaere arrive en tête de nos pièces favorites de ce Off 2022 (1 5000 pièces sont à l'affiche cette année !). Alors que le public s’installe, les quatre comédiens s’affairent à leur table de maquillage. La mère de Dewaere se lance dans un éloge de son fils, de sa jeunesse, avant que s’enchaînent les reconstitutions de scènes phares de ses films majeurs. En commençant par Les Valseuses (1974) de Bertrand Blier, film polémique sur la liberté sexuel où Dewaere côtoie Gérard Depardieu et Miou Miou. Puis viendra l'éprouvant Série noir (1979) d’Alain Corneau, dans lequel l’acteur n'a pas obtenu la reconnaissance qu'il espérait. Il se suicidera trois ans plus tard. L'homme se dévoile à travers ses films et ses rôles. Dans un décor splendide, les quatre comédiens incarnent avec fougue et justesse Dewaere, Miou Miou, Depardieu, Christine Pascal, Patrick Bouchitey, Romain Bouteille, Coluche… Un spectacle enthousiasmant.Surexpositions (Patrick Dewaere)" de Marion Aubert, mise en scène Julien Rocha, avec Margaux Desailly, Johanna Nizard, Fabrice Gaillard, Cédric Veschambre, La Factory - Théâtre de Loulle (19 Place Crillon), 21h40, jusqu’au 30 juillet, relâche 25 juillet. La Servante de ProustL’histoire : A 82 ans Céleste Albaret nous confie ses souvenirs des huit dernière années de la vie de Marcel Proust, qu’elle assista alors qu’il achevait A la recherche du temps perdu, l’œuvre de sa vie. Admirative, elle évoque ses manies, sa maladie, son travail littéraire… Mais son admiration ne déforme-t-elle pas la réalité pour participer à l'édification du mythe d’un des plus grands écrivains du XXe siècle ?Pourquoi on a aimé : adapté de l’ouvrage Monsieur Proust, recueil des souvenirs de Céleste Albaret rassemblés par Georges Belmont, la pièce nous fait entrer dans l’intimité de l’écrivain. Annick Le Goff, qui interprète cette petite Lozérienne projetée dans la vie parisienne du plus célèbre dandy de son temps, émeut par l’enthousiasme qu’elle partage avec le public à sa seule évocation. C'est Clémence Boisnard qui interprète Céleste dans ses jeunes années. Les murs de la cuisine où se déroule l’action se transforment progressivement en de grandes pages des romans de La Recherche. Une belle mise en scène qui montre l’emprise d'un génie littéraire et romanesque sur une jeune femme que rien ne préparait à une telle rencontre. Emouvant."La Servante de Proust", adapté de Monsieur Proust, souvenirs de Céleste Albaret recueillis par Georges Belmont, mise en scène d’Arnaud Bertrand, avec Annick Le Goff et Clémence Boisnard. Théâtre du Chêne noir (8 Rue Sainte-Catherine). Jusqu'au 30 juillet à 17h35, relâche le 25 juillet.Les Racines de la libertéL’histoire : la dernière joute verbale entre Danton et Robespierre en pleine Terreur (1793-94), quelques mois avant d’être décapités. Entre amitié et différends politiques, réconciliation et menaces, deux visions de la Révolution s’affrontent. Pourquoi on a aimé : Nathalie Mann et Hugues Leforestier collaborent sur scène depuis longtemps, et se produisent régulièrement dans le Off. Ces Racines de la liberté ont la particularité de voir Robespierre interprété par l’actrice qui donne la réplique à son partenaire, également auteur de la pièce. On se souvient qu’Andrzej Wajda avait traité le même sujet dans son Danton en 1983 avec Gérard Depardieu, adapté également d’une pièce de théâtre. C’est un bonheur de voir les deux comédiens échanger avec verve un texte qui résonne aujourd’hui avec la prolifération des "démocraties totalitaires" dont Robespierre pourrait être le précurseur et Danton le chef de file d’un populisme frondeur. L’ascète Robespierre et l’épicurien Danton s’affrontent dans une langue choisie et froide pour l'un, chaleureuse et empathique pour l'autre. Tous deux semblent dominés par un destin déjà scellé, dont ils sont les initiateurs et qui leur échappe. Convaincant et tragique."Les racines de la liberté", de Hugues Leforestier, avec Nathalie Mann et Hugues Leforestier, Espace Roseau Teinturiers (45 Rue des Teinturiers) jusqu’au 30 juillet, 13H30, relâche 26 juillet. L’Arbre d’Hippolène (jeune public) L’histoire : Hippolène est un petit être mi-fillette, mi-écureuil qui vit avec ses parents dans leur arbremaison. Quand elle apprend la mort de sa grand-mère, elle tombe pour la première fois de sa vie d’une branche et se retrouve dans le monde des racines. Son voyage la fera croiser des portes loufoques, un dragon, des miroirs facétieux, des insectes sympathiques… Elle ira jusque dans l’espace, pour revenir à l’arbremaison, forte de son expérience.Pourquoi on a aimé : adapté du célèbre auteur pour la jeunesse Claude Ponti, L’Arbre d’Hippolène reprend dans ses magnifiques décors la forme des livres pop-up qu’il affectionne. Ils reposent sur une ingénierie complexe qui évolue au fil de l’action, et leur imagerie changeante émerveille de bout en bout. Les costumes des créatures multiples croisées par la petite aventurière sont tout aussi spectaculaires. En Hippolène, Fanny Passelaigue transmet toute l'énergie et la gaieté de l’héroïne. Un voyage initiatique où la musique tient une bonne part, avec des choix judicieux et enchanteurs, parfois lyriques. Un beau spectacle hors les sentiers battus et fidèle à son auteur. A partir de 6 ans."L’Arbre d’Hippolène", de Claude Ponti, mise en scène Aymeric de Nadaillac, avec Fanny Passelaigue, Diane Vaz, Alex Dey, Aymeric de Nadaillac, à La Chapelle des Italiens (33 rue Paul Saïn), jusqu’au 30 juillet, 10h30, relâche le 26 juillet.La Grande musiqueL’histoire : sur quatre générations, d’un mariage au camp de Mauthausen en passant par Vienne et un studio de télévision, un fantôme hante une famille depuis 1944. Passé et présent alternent dans une enquête menée par une jeune femme meurtrie qui va trouver dans la psycho-généalogie la clé qui pourrait la délivrer de son mal.Pourquoi on a aimé : Stéphane Guérin raconte les secrets d’une famille. Cachez cette vérité que je ne saurais voir et vivez dans votre chair les maux issus des non-dits. Selon la psycho-généalogie, traits psychologiques ou maux physiques de chacun pourraient avoir des origines ancestrales. Dans La Grande musique, une paralytique remonte le temps pour soulager son handicape neurologique. Le texte de Stéphane Guérin, où s’entremêlent les époques, du XIXe siècle à nos jours, bénéficie de la belle mise en scène précise et rythmée de Salomé Villiers, récompensée aux Molière 2022 pour son adaptation de Le Montespan d’après Jean Teulé. Elle soigne autant le décor, que les costumes et les lumières. On se laisse emporter dans ce voyage temporel qui nous invite à faire notre propre introspection."La Grande Musique" de Stéphane Guérin, mise en scène Salomé Villiers, avec Hélène Degy, Pierre Hélie, Brice Hillairet, Étienne Launay, Bernard Malaka, Florence Muller, ou Raphaëline Goupilleau. Théâtre Buffon (18 rue Buffon), jusqu’au 30 juillet, relâche 24 juillet.Un air de Bukowski : Boire, baiser, écrireL’histoire : Charles Bukowski pas mort ! La preuve : il est là sur scène en voix et en verres . "Vous êtes venus voir une bête de foire" lance-t-il au public. Alcoolique revendiqué mais sans prosélytisme, il puise son inspiration dans la bière et le vin qui ont sa préférence. Mais c’est sa vision du monde, pas si imbibée que cela, qui domine. Poèmes, littérature, politique, philosophie (pas de bistrot) et projections nourrissent l’évocation ludique d’un auteur anticonformiste.Pourquoi on a aimé : Oldan trouve la silhouette, la dégaine, le ton et le levé de coude de Charles Bukowski. Derrière sa table, demi de bière et verre de vin à la main, il ne prêche pas pour sa paroisse mais celle des invisibles, des chiens perdus sans collier, et des femmes de petite vertue. Nonchalant, mais pas superficiel, Bukowski est loin du délire éthylique : sa pensée et son empathie envers une humanité laissée sur le bord de la route dominent. Amour de la littérature, discours lucide et sans appel, respect des autres, cette pièce réhabilite les damnés de la Terre par Bukowski avec une certaine noblesse... et une tendresse punk."Un air de Bukowski : boire, baiser, écrire", de et avec Oldan, au Sham’s Théâtre (5 Rue Saint-Jean le Vieux), jusqu’au 30 juillet, 23h15, relâche le 26 juillet.