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Procès du jihadiste Tyler Vilus : il est "une synthèse des 5, 6 ou 7 ans que nous venons de vivre" en France et en Europe, estime le journaliste Matthieu Suc

Pour l'auteur de "Les espions de la terreur", le terroriste français, dont le procès s'ouvre jeudi 25 juin à Paris, incarne à lui seul toute une génération de djihadistes. Il connaissait des membres des commandos qui ont frappé Paris en 2015 et Bruxelles en 2016.

Article rédigé par franceinfo
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Un dessin de presse réalisé lors du premier jour du procès du jihadiste français Tyler Vilus, jeudi 25 juin, à Paris, devant la cour d'assises spéciale. (BENOIT PEYRUCQ / AFP)

Tyler Vilus "illustre tout ce qu'ont connu les jihadistes français sur ces dernières années. Il est un résumé, une synthèse des 5, 6 ou 7 ans que nous venons de vivre" en France et en Europe, a expliqué, jeudi 25 mars sur franceinfo, Matthieu Suc, journaliste à Mediapart et auteur de "Les espions de la terreur", alors que s'ouvre le procès du jihadiste français devant les assises spéciales de Paris pour des crimes commis en Syrie entre 2013 et 2015.

Tyler Vilus est le "premier jihadiste à être jugé revenant pour un meurtre commis en zone syro-irakienne", souligne Matthieu Suc. Et comme il l'a démontré au début de son procès, le jihadiste a présenté un visage "extrêmement charismatique, extrêmement intelligent". "Cela va à l'encontre des idées préconçues qu'on peut des fois voir et entendre" sur les jihadistes.

franceinfo : Tyler Vilus a un profil assez particulier ?

Matthieu Suc : Il incarne cette nouvelle génération de jihadistes. Il y a quelque chose d'un peu exceptionnel. C'est le premier jihadiste à être jugé "revenant" pour un meurtre commis en zone syro-irakienne et le premier jihadiste jugé pour la direction d'un groupe lié à l'Etat islamique. Cela montre que ce n'est pas n'importe quel jihadiste qui est en train d'être jugé. Enfin, Tyler Vilus a été longtemps suspecté d'être un des membres du commando qui devait venir nous frapper le 13-Novembre. Il a été arrêté en Turquie dans le courant de l'été 2015. C'est ce qui l'aurait empêché de participer à l'attentat. Cela n'a jamais pu être établi judiciairement. Mais il y a cette ombre portée. Et il y a le fait qu'il connaissait six membres des commandos qui vont frapper paris puis Bruxelles. Tout cela est sous-jacent à ce qui va se passer dans la semaine.

C'est un procès particulier ?

Ce n'est vraiment pas n'importe quel procès qui est en train de se passer, déjà pour les peines encourues. Il encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Et parce que derrière, il y a cette carrière de Tyler Vilus qui démarre en Tunisie. C'est un jeune homme qui n'a jamais fait parler de lui. Il part en Tunisie au moment des printemps arabes. Il se radicalise. Il participe à des exactions en Tunisie. Il est un des premiers à rejoindre la Syrie. 

Il connaît le début de l'État islamique. Il a fait partie de ces organes chargés de structurer et de contrôler le califat.

Matthieu Suc, journaliste

à franceinfo

Et après on le retrouve de près ou de loin dans ses projets d'opérations extérieures qu'avait l'Etat islamique pour venir frapper en Europe. Donc, vous voyez que sur 3 ou 4 ans, cet homme qui n'a que 30 ans illustre tout le jihad, tout ce qu'ont connu les jihadistes français sur ces dernières années. Il est un résumé, une synthèse des 5, 6 ou 7 ans que nous venons de vivre.

Tyler Vilus est également un homme qui parle à son procès, contrairement à d'autres jihadistes.

C'est pour ça aussi que ce procès est intéressant. La plupart des jihadistes se murent dans le silence ou alors adoptent des positions assez folkloriques. Lui, d'emblée, nous dit à l'audience, je ne suis jamais allé en Syrie pour faire de l'humanitaire, je suis venu pour combattre Bachar al-Assad. Alors il présente son jihad comme seulement un jihad orienté contre Bachar el-Assad. Il dit qu'il n'était pas tout à fait d'accord avec certaines orientations de l'Etat islamique. Là, c'est sa version, sa part de vérité. On peut douter de certains éléments. Il faut préciser que le président de la cour d'assises spéciale lui a donné la parole en disant, on ne vous interrompra pas, il n'y aura pas de questions, vous donnez votre version. Tyler Vilus a déroulé pendant plus d'une heure et quart. Au-delà des dossiers jihadistes, on n'a pas souvent l'habitude de voir un accusé qui s'exprime aussi longuement dans une pensée très claire, avec un langage très châtié. Là, on n'a pas eu les éléments le mettant en difficulté mais ça peut peut-être le desservir. 

L'accusation nous a toujours présenté un Tyler Vilus extrêmement charismatique, extrêmement intelligent. Et c'est pour cela qu'il montait au sein de l'Etat islamique. On a eu la démonstration, au moins oui, de cette intelligence-là.

Matthieu Suc, journaliste

à franceinfo

Son intelligence peut-elle être dangereuse ?

C'est en tout cas la thèse de l'accusation.Quoiqu'il en soit, en le voyant s'exprimer de la sorte pendant une heure et quart, on a aucun mal à comprendre que des hiérarques de l'État islamique aient été séduits par ce personnage et se soient dit, "il vaut mieux que l'on s'appuie sur des gens structurés, intelligents comme lui". Les gens qui ont commis des attentats, à chaque fois on nous les présente comme des barbares sous l'emprise de drogues. Non, les gens qui nous ont frappé, qui ont ensanglanté la France et l'Europe, dans le lot, bien sûr qu'il y a des gens pas forcément très évolués, mais il y a aussi des gens qui pensent, qui sont structurés et qui ont un projet politique et religieux qui peut nous heurter légitimement. Mais ils l'appliquent. Là, on a le cas de quelqu'un qui est très structuré, très intelligent. Cela va à l'encontre des idées préconçues que l'on peut, parfois,voir et entendre.

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