: Vidéo En Colombie, la difficile cohabitation des otages capturés par les Farc
En 2002, le monde découvre l'existence des Farc, qui viennent de kidnapper Ingrid Betancourt, candidate à la présidentielle colombienne. Ces Forces armées révolutionnaires de Colombie, considérées par les Etats-Unis et l'Union européenne comme un groupe terroriste, mène à l'époque une violente guérilla contre le gouvernement du pays.
Cette organisation a de gros besoins pour armer et entretenir ses combattants et tire principalement ses ressources de la production et du trafic de drogue, mais pas uniquement. De nombreuses autres activités lui procurent des moyens non négligeables : exploitation de l'or et des pierres précieuses, extorsions, bénéfices tirés d'entreprises légales tenues par des prête-noms et surtout enlèvements contre des rançons.
Le documentaire Colombie : la paix confisquée – Parole d'otages, réalisé par Julie Peyrard et Christophe Astruc, est diffusé dimanche 14 avril à 21h05 sur France 5. Le film retrace une partie de l'histoire de ce groupe armé, grâce à des témoignages d'anciens guérilleros qui racontent de l'intérieur ce mouvement terroriste. Mais il se place également du côté des otages, comme la Franco-Colombienne Ingrid Betancourt, détenue plus de six ans et qui décrit ses conditions de captivité dans la jungle et la difficile cohabitation avec les autres prisonniers.
"On ne veut pas d'eux ici !"
Marc Gonsalves, qui témoigne dans le documentaire, est employé, à l'époque, par une société militaire privée américaine qui collecte des informations sur les stupéfiants. Basé à Bogota, il est chargé de surveiller la production et le transport de la cocaïne. La majeure partie de cette drogue, qui inonde le monde, est en grande partie contrôlée par les Farc en 2003. Lors d'une mission de reconnaissance avec ses collègues, il survole la jungle en avion, jusqu'au moment où l'appareil, victime d'une soudaine panne de moteur, s'écrase. Tous les passagers en sortent miraculeusement indemnes, mais ils sont aussitôt capturés par les Farc.
"Au bout d'un an de captivité, les Farc nous ont sortis de l'isolement et nous ont emmenés dans un grand camp (...) Cela ressemblait à un camp de concentration nazi. Il y avait des barbelés, des tours de surveillance, des gardes avec des mitraillettes et des gens à l'intérieur de la clôture."
Marc Gonsalves, ancien otage des FarcDans le documentaire "Colombie : la paix confisquée – Parole d'otages"
Les geôliers font pénétrer le groupe de captifs dans un enclos destiné uniquement aux civils. Une femme s'interpose alors à leur venue. "Une otage s'est approchée de la porte, raconte Marc Gonsalves, et elle a dit : 'Non, non, non, on ne veut pas d'eux ici, il n'y a pas de place !' C'était Ingrid Betancourt, la femme politique, candidate à la présidence colombienne." Dès lors, des tensions vont naître entre ce groupe d'Américains et la Franco-Colombienne.
"Quand on a faim, on a faim, se défend Ingrid Bétancourt dans le documentaire. On commence à se battre pour des choses totalement absurdes. Pourquoi est-ce qu'untel va avoir plus de nourriture que l'autre ? Alors qu'on a tous faim. Pourquoi est-ce qu'untel va réussir à ce que le garde lui prête sa machette et pourquoi pas les autres ?" Des antagonismes liés à des conditions de vie particulièrement difficiles et qui révèlent une facette de l'humain peu glorieuse.
"Un conflit peut jaillir de tout et n'importe quoi, relate John Franck Pinchao, ancien policier et otage des Farc de 1998 à 2007. Parce qu'un détenu a mis à sécher ses vêtements sous le seul rayon de soleil disponible (...) Cela devient vite un enfer. On pourrait s'attendre à ce qu'il y ait plus de fraternité et de solidarité entre les otages, mais il y avait parfois des disputes." Selon Ingrid Betancourt, les combattants provoquent volontairement ces conflits entre captifs : "Je pense que c'était un peu manipulé par les Farc pour nous mettre en rivalité".
L'image entachée de l'otage Betancourt
Mais l'attitude de l'ex-candidate à la présidentielle colombienne lors de sa captivité lui sera durement reprochée quelques mois après sa libération, le 2 juillet 2008. Elle est considérée à l'époque comme une véritable icône dans le monde entier. Mais très rapidement, la légende se fissure et l'image de cette "pietà" se ternit. Ingrid Betancourt est ensuite attaquée dans un livre publié par trois de ses anciens compagnons d'infortune, dont Marc Gonsalves. Elle y est notamment décrite comme "hautaine, égoïste" par les ex-otages américains. "On n'avait pas la même conception de la captivité, Ingrid et moi", confie-t-il.
En 2016, des accords de paix sont trouvés entre les Farc et le gouvernement colombien. Les membres de l'organisation déposent les armes. Un apaisement de façade, car d'autres groupes de guérilleros poursuivent leur lutte armée dans le pays. Ces dernières années, les tensions se sont amplifiées et, en 2023, plus de 200 personnes ont été kidnappées. Un chiffre qui a augmenté de 72% en un an, selon le ministère de la Défense colombien. Une situation explosive du fait de la polarisation politique et de l'extrême pauvreté.
Le documentaire Colombie : la paix confisquée – Parole d'otages, réalisé par Julie Peyrard et Christophe Astruc, est diffusé dimanche 14 avril à 21h05 sur France 5 et sur la plateforme france.tv
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