Procès de l'attentat de Magnanville : la cour projette une vidéo de revendication glaçante, qui laisse des questions en suspens
Le visage de Larossi Abballa s'affiche en gros plan sur les écrans de la cour d'assises spéciale. "Bismillah" ("Au nom d'Allah", en arabe) est le premier mot que le terroriste prononce dans sa vidéo de revendication, postée sur les réseaux sociaux le soir de l'attentat et diffusée à l'audience lundi 2 octobre. Celui qui vient d'assassiner un couple de policiers en présence de leur fils, à leur domicile de Magnanville (Yvelines) le 13 juin 2016, au nom du groupe Etat islamique, débite son texte et des versets du Coran avec un ton ferme et calme, ponctué de quelques reniflements.
La voix de Larossi Abballa, finalement abattu par le Raid, résonne dans la salle où l'un de ses amis, Mohamed Lamine Aberouz, est jugé depuis une semaine, notamment pour "complicité d'assassinat en relation avec une entreprise terroriste". L'accusé, assis dans le box, face aux écrans, clame son innocence. Tout l'enjeu du procès est de savoir s'il a été impliqué dans l'attentat, et à quel point, car son ADN a été retrouvé sur le repose-poignet droit de l'ordinateur des deux victimes. Or, sur cette vidéo de revendication, qui dure une douzaine de minutes, seul le visage de Larossi Abballa apparaît.
Une image furtive de l'otage de 3 ans
Sur les images qui défilent, on distingue en arrière-plan le plafond blanc en pente du pavillon de Jean-Baptiste Salvaing et Jessica Schneider, le couple de policiers tués, et à gauche du terroriste le Velux de la mezzanine de la maison. Le plan ne varie qu'une fois, lorsque Larossi Abballa filme l'enfant de ses deux victimes, qu'il a pris en otage après les avoir tués. Appuyé sur le bas d'un canapé, le petit garçon, qui avait 3 ans à l'époque, est recroquevillé sur le sol, son visage à peine visible. A la vue de cette scène, les membres des familles du couple assassiné s'effondrent en larmes sur les bancs des parties civiles.
L'image, furtive, est accompagnée d'un commentaire de Larossi Abballa : "Je vous appelle à privilégier les policiers, car je viens de tuer un policier et son épouse. Derrière moi, le petit, je ne sais pas ce que je vais en faire encore." Quelques minutes auparavant, il venait d'inciter les "musulmans de France" à attaquer "les mécréants" et à faire "trembler la France", s'exprimant tantôt en français, tantôt en arabe. Dans la vidéo, il demande aussi à de potentiels jihadistes de s'en prendre nommément à des journalistes et "à cibler des rappeurs". "Tuez-les", scande-t-il à six reprises.
La cruauté de Larossi Abballa s'affiche aussi à travers ses sourires. Un rictus lui déforme la bouche lorsqu'il dit : "Actuellement la police est autour de moi, je leur réserve des surprises." Pourtant, son ton est beaucoup moins vindicatif à la fin de la vidéo. Alors qu'il parle du "martyre" qu'il souhaite obtenir, il glisse ensuite : "J'avoue, je n''ai pas envie de ça..." Et de conclure : "En tout cas, on est prêt, ils ne savent pas ce qu'on a sur nous." L'écran devient noir. La salle est figée. "Bien", reprend le président de la cour d'assises spéciale, soucieux de ne pas laisser le silence s'installer.
Des hypothèses sur l'emploi du pronom "on"
Le magistrat poursuit l'audition du témoin présent à la barre, le commissaire adjoint du Raid qui a coordonné les opérations le soir de l'attentat. S'il avait entendu la voix du terroriste le 13 juin 2016 lors des négociations menées avant l'assaut, ce commissaire n'avait jamais vu la vidéo de revendication et l'a visionnée pour la première fois lundi à l'audience. Il est interrogé sur la question qui reste en suspens à la fin de la vidéo : qui Larossi Abballa désigne-t-il par le pronom "on" ?
"Il y a le 'nous' pour les musulmans, et puis des 'on' et des 'nous' prononcés sur un registre opérationnel. Est-ce qu'on est d'accord sur cette double utilisation ?", lui demande l'avocate générale. "C'est tout à fait mon appréciation", acquiesce le commissaire, qui se garde toutefois de toute conclusion. Comme il l'a fait au cours de la matinée, il préfère formuler des questions :
"Qu'attendait-il ? Est-ce que quelque chose d'autre devait se produire ce soir-là ? Attendait-il une opération extérieure qui n'est jamais venue ?"
Le commissaire qui a coordonné l'assautdevant la cour d'assises spéciale
Autant d'hypothèses que le procès n'a pas permis d'infirmer ou d'affirmer pour l'instant.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.