: Vidéo Procès des attentats du 13-Novembre : la condamnation de Salah Abdeslam est "juste", réagit le procureur de la République antiterroriste
"Face à des actes qui dépassent tout", il faut "répondre par la justice, par le droit", et c'est "exactement ce que ce procès a démontré", a estimé Jean-François Ricard, procureur de la République antiterroriste, au lendemain du verdict au procès des attentats du 13-Novembre.
La condamnation de Salah Abdeslam à la perpétuité incompressible "est juste", a déclaré Jean-François Ricard, procureur de la République antiterroriste, jeudi 30 juin sur franceinfo, au lendemain du verdict au procès des attentats du 13-Novembre. "Il ne tue personne directement lui-même, mais il dépose trois bombes humaines", a-t-il rappelé.
franceinfo : Est-ce la victoire de l'État de droit ?
Jean-François Ricard : C'est certainement la victoire de l'État de droit. Face à des actes qui dépassent tout ce qu'on peut imaginer par leur violence, par leur extrémité, par leur caractère absolument insupportable, il faut répondre par la justice, par le droit. Et c'est exactement ce que ce procès a démontré.
L'avocate de Salah Abdeslam a dénoncé une peine lourde. Il reste un terroriste même s’il n’a tué personne ?
Tuer personne, qu'est-ce que ça veut dire ? Lorsque Salah Abdeslam dépose par exemple, au Stade de France, trois bombes humaines qui vont s'exploser alors qu'il sait parfaitement, puisque son implication dans ce groupe est avérée, ce qu'il va se passer dans quelques minutes, il ne tue personne directement lui-même, mais il dépose trois bombes humaines. Il tue par procuration à ce moment-là. Les faits sont parfaitement établis. La sanction est juste, pas lourde. Avant tout, elle est juste.
Vous avez discrètement assisté à ce procès. Qu'avez-vous appris ?
Ce procès était tout à fait exceptionnel. D'abord, par sa durée et par son ampleur. Et puis parce que tout a été fait pour qu'il puisse être réussi, alors que nous ne savions pas au départ comment les choses allaient se passer. Il n'y avait jamais eu dans notre histoire un procès de ce type. Jamais ! Il y a avait un nombre absolument considérable de parties civiles. Qui allait prendre la parole ? Nous ne le savions pas totalement au départ. Or, tout s'est parfaitement passé. Les parties civiles ont pu s'exprimer. Les avocats de la défense ont pu parfaitement défendre. Et puis surtout, nous avons pu comprendre au mieux, nous approcher de la vérité grâce à de multiples témoignages des enquêteurs, des agents des services de renseignement. Et nous avons pu mieux comprendre le déroulement des faits, leur préparation, et enfin, la réalité terrible de ce qu'a été cette nuit du 13 novembre 2015.
Le parquet que vous représentez a dix jours pour faire appel, tout comme les condamnés. Avez-vous pris votre décision ?
Pour l'instant, nous allons lire avec beaucoup d'attention la motivation retenue par la cour d'assises. Il est hors de question de s'emballer. Il s'agit d'une lecture attentive et détaillée à laquelle nous allons nous livrer. Nous verrons à l'issue de ce délai. Nous devons tenir compte de tout. Il ne s'agit certainement pas de revanche. Il ne s'agit certainement pas de décisions à l'emporte-pièce. Nous devons tenir compte absolument de tous les critères possibles avant de prendre une décision comme celle-là.
Des attentats de cette ampleur pourraient-ils se reproduire aujourd'hui en France ?
Il est extrêmement difficile d'avoir une vision totalement optimiste. Des actions projetées comme celle-ci ne sont plus vraiment à l'ordre du jour, mais certains éléments qui sont en notre possession nous permettent de penser que nous devons rester très vigilants. Nous ne pouvons pas écarter totalement des actions projetées. L'État islamique n'est pas du tout totalement défait comme certains l'ont annoncé. Un certain nombre de groupes continuent à exister dans le Nord-Ouest syrien. Ces gens-là peuvent exporter des activistes qui pourraient arriver soit à travers l'Europe centrale, soit en passant par le Maghreb jusqu'à chez nous pour perpétrer de nouvelles actions. Je ne dis pas que cela va se passer demain, mais je dis qu'il faut garder une vigilance absolument accrue.
La menace djihadiste reste la principale menace ?
Ça reste la menace numéro un. Elle n'est plus seule. Vous savez qu'un certain nombre de groupe d'ultradroite se sont manifestés au cours de ces dernières années et le parquet antiterroriste est particulièrement vigilant. Nous avons ouvert un peu moins d'une dizaine de dossiers. Deux d'entre eux ont déjà été jugés. Il s'agit d'un autre front sur lequel nous resterons aussi très vigilants. C'est un front qui vise de multiples cibles. Ça peut être des cibles institutionnelles, la communauté juive, comme nous avons pu l'observer, ou d'autres communautés. Ça peut viser des actions de masse. C'est une inquiétude que nous avons et que nous portons sur ces groupes.
Combien d'attentat ont été déjoués depuis cinq ans ?
On estime que depuis 2017, 39 actions ont été déjouées. Il y a encore peu de temps, nous avons réussi à éviter une action terroriste, notamment par des très jeunes, parfois mineurs ou juste majeurs, qui, avec des moyens rudimentaires, mais totalement acquis à l'idéologie jihadiste, pouvaient perpétrer des actions sur notre territoire. C'est souvent une action qui commence à être mûrie à partir des réseaux sociaux. C'est certainement un des vecteurs les plus importants et les services de renseignement sont très actifs et ont développé leurs compétences en la matière pour pouvoir prévenir ce genre d'actions.
Le risque terroriste a-t-il baissé en France depuis le 13 novembre 2015 ?
Oui. Le risque terroriste n'est pas celui que nous avions à cette période terrible de 2015. Le risque jihadiste est toujours lié à une terre de jihad dans notre histoire. C'était le cas du temps du GIA en Algérie, du temps de la Bosnie, de la première guerre d'Irak... À partir du moment où l'État islamique est affaibli, il y a une baisse de cette menace.
Le verdict du procès des attentats de 2013 fait-il peser une menace particulière sur la France ?
Nous sommes restés très attentifs et en lien avec les services à ce type de menaces. On ne peut absolument pas l'exclure, bien entendu, mais nous n'avons aucun élément qui nous permettrait de dire que quoi que ce soit se prépare à l'heure actuelle.
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