Révision constitutionnelle : les amendements les plus farfelus déposés par les députés
Droit de vote des étrangers, "race", langues régionales... Une trentaine d'amendements portent sur des sujets qui n'ont rien à voir avec l'état d'urgence ou la déchéance de nationalité.
Et si l'on profitait de la révision constitutionnelle sur l'état d'urgence et la déchéance de nationalité pour faire passer des mesures qui n'ont rien à voir ? Alors que la réforme est examinée à partir de vendredi 5 février à l'Assemblée nationale, les députés ont déposé des amendements avant la discussion parlementaire, comme pour un texte de loi classique. Sur ce texte qui ne comporte pourtant que deux articles, les députés ont produit 201 amendements.
Selon le décompte de francetv info, 11 d'entre eux visent à supprimer purement et simplement l'article sur l'état d'urgence, et 34 prévoient la suppression de l'article 2, qui concerne la déchéance de nationalité. Mais certains députés se sont aussi amusés à introduire des amendements – 28 au total – qui n'ont absolument rien à voir avec la "protection de la Nation", objet de cette réforme constitutionnelle. Un petit jeu particulièrement apprécié des frondeurs du PS, mais aussi de certains élus régionalistes. Tour d'horizon de ces propositions farfelues, provocatrices ou tout simplement hors-sujet.
Le retour du droit de vote des étrangers
Promesse de campagne de François Hollande, l'octroi du droit de vote aux étrangers extra-communautaires lors des élections locales a déjà beaucoup fait parler durant la première moitié du quinquennat. Cette réforme a fini par être enterrée par l'exécutif, avant même d'être présentée devant le Parlement. L'occasion rêvée, pour Benoît Hamon et Aurélie Filippetti, suivis par une trentaine de frondeurs et d'écologistes, de se rappeler au bon souvenir de la promesse non-tenue par le président en glissant un amendement sur la question.
La suppression du mot "race" dans la Constitution
Voilà une autre promesse de François Hollande qui n'a pas été tenue. En 2013, une proposition de loi supprimant le mot "race" dans la législation française a été votée à l'Assemblée nationale, mais le gouvernement ne l'a jamais inscrite à l'ordre du jour du Sénat. Et aucun projet ne prévoit, à l'heure actuelle, la suppression de ce mot apparaissant dans l'article 1er de la Constitution, qui consacre "l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion".
Cette fois, ce sont la députée des Hautes-Alpes Karine Berger, et la rapporteure générale du budget, Valérie Rabault, qui sont à la manœuvre, accompagnées d'une poignée d'élus PS. Trois autres amendements en ce sens ont été déposés par d'autres députés.
Haro sur l'article 49-3
L'article 49-3 de la Constitution offre la possibilité au gouvernement de contourner l'hostilité des députés lorsqu'il est mis en difficulté sur un texte. Il permet l'adoption d'un texte de loi sans vote, sauf si l'Assemblée adopte une motion de censure dans la foulée. La méthode, employée à trois reprises en 2015 par l'exécutif pour faire adopter la loi Macron, est visiblement restée en travers de la gorge du frondeur Laurent Baumel. Le député PS d'Indre-et-Loire propose donc, tout simplement, de supprimer cette disposition qui s'apparente, selon lui, à une "véritable négation du débat démocratique".
L'évocation des "racines chrétiennes" de la France
Une partie de la droite n'est pas en reste. Quatorze députés Les Républicains, emmenés par Jean-Frédéric Poisson, signent un amendement prévoyant de mentionner les "racines chrétiennes" de la France dans l'article 1er de la Constitution. La députée LR des Bouches-du-Rhône, Valérie Boyer, présente un amendement identique.
Des revendications régionalistes
Les régionalistes de tous bords s'en sont donné à cœur-joie. Un groupe de 24 socialistes a déposé un amendement permettant d'autoriser la ratification de la charte des langues régionales. Sans doute peine perdue, après le rejet par le Sénat d'un texte similaire en octobre. L'amendement n'ayant aucun rapport avec la révision constitutionnelle proposée, le gouvernement devrait émettre un avis défavorable… Peut-être à contrecœur, pour le nouveau ministre de la Justice, Jean-Jacques Urvoas, qui est l'un des plus fervents défenseurs de la reconnaissance des langues régionales.
De son côté, l'ancien président du conseil exécutif de Corse, Paul Giacobbi, soutenu par une bonne partie du groupe radical, propose que l'île de Beauté soit reconnue nommément dans la Constitution. Un amendement en tous points identique a été déposé par le socialiste François Pupponi, député… du Val-d'Oise.
Enfin, le député socialiste de La Réunion, Jean-Jacques Vlody, plaide pour la suppression de l'article 73 de la Constitution. Un article qui prévoit que la loi s'applique "de plein droit" dans les départements et les régions d’outre-mer.
Le lobbying des avocats
Deux amendements parfaitement identiques proposent d'inscrire dans la Constitution le droit pour toute personne de "bénéficier d’un avocat libre et indépendant". L'un est signé des députés LR Pierre Morel-A-L'Huissier et Bernard Gérard, l'autre de Pascal Cherki, l'une des principales figures des frondeurs du PS. S'ils ne sont pas du même bord politique, les trois hommes ont un point commun : ils sont – ô surprise – avocats.
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