"L'état d'urgence, c'est l'état de droit à condition qu'il ne dure pas" selon l'avocat Patrice Spinosi
L'avocat de la Ligue des Droits de l'Homme Patrice Spinosi, a estimé, samedi sur franceinfo, qu'un prolongement de l'état d'urgence pouvait mener à des dérives. Le matin, le Conseil des ministres a voté cette mesure, jugée "absolument indispensable" par le chef du gouvernement Bernard Cazeneuve. Mais pour Patrice Spinosi, cet état ne doit être que temporaire.
Le Conseil des ministres a adopté, samedi 10 décembre, le prolongement de l'état d'urgence jusqu'au 15 juillet, après les élections présidentielle et législatives. Le Premier ministre, Bernard Cazeneuve, considère ce prolongement comme absolument indispensable et non contraire à l'état de droit. Sur franceinfo, l'avocat de la Ligue des Droits de l'Homme, Patrice Spinosi estime, lui, que "l'état d'urgence, c'est l'état de droit à condition qu'il ne dure pas".
fraceninfo : Bernard Cazeneuve a-t-il raison de dire que l'état d'urgence s'inscrit dans l'état de droit ?
Patrice Spinosi : L'état d'urgence s'inscrit bien dans l'état de droit mais en réalité c'est une dénaturation de l'état de droit. C'est-à-dire que l'état d'urgence par nature doit être temporaire, c'est son rôle. Donc l'état d'urgence, c'est l'état de droit à condition qu'il ne dure pas. Précisément là on est face à un état qui dure de plus en plus longtemps, et c'est ça qui est très dangereux pour l'équilibre des pouvoirs en France, puisqu'on donne de plus en plus de pouvoirs à l'exécutif, donc au gouvernement, sans avoir le contrôle suffisant du judiciaire.
L'état d'urgence doit être temporaire
Selon le Premier ministre, 17 projets d'attentats ont été déjoués depuis le début de l'année 2016. Ce chiffre plaide t-il en faveur du prolongement de l'état d'urgence ?
L'argument de Bernard Cazeneuve est un peu biaisé dans le sens où il ne dit absolument pas que c'est grâce à l'état d'urgence que ces attentats ont été évités, et en réalité ce n'est pas le cas. D'ailleurs, si l'on regarde plus précisément ces résultats, on voit bien que c'est la justice anti-terroriste, celle qui travaille sous le contrôle des juges judiciaires, qui permet d'éviter l'ensemble de ces attentats.
Il n'est pas du tout acquis que l'état d'urgence soit encore utile, les quelques études fournies au Parlement démontraient même le contraire. Ce renouvellement est essentiellement politique. A partir du moment où on a vendu aux Français que l'état d'urgence était une nécessité pour combattre le terrorisme, aucun gouvernement ne peut se permettre d'y mettre fin car ce serait prendre un risque politique considérable.
Le prolongement de cet état d'exception présente t-il des risques ?
Aujourd'hui on peut faire confiance au gouvernement mais, au-delà de ça, il peut y avoir un très grand nombre de dérives, on en a connu. Le cadre que l'on est en train de fixer pourrait être utilisé par un autre gouvernement à des fins qui seraient beaucoup plus dangereuses.
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