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A Brest, Montpellier et Aubervilliers, trois mosquées visées par des perquisitions

Depuis la mise en place de l'état d'urgence, près de 1 300 perquisitions ont eu lieu en France. Parmi les lieux visés figurent plusieurs mosquées considérées par les autorités comme étant proches d'un "islam radical".

Article rédigé par Elise Lambert
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
La mosquée Sunna de Brest, photographiée le 20 novembre 2015, a fait l'objet d'une perquisition administrative vendredi 20 novembre 2015. (MAXPPP)

"Nous avons un ennemi, il faut le nommer, c'est l'islamisme radical et un des éléments de l'islamisme radical, c'est le salafisme", a martelé, mercredi 18 novembre, le Premier ministre, Manuel Valls, à l'Assemblée nationale. Depuis les attentats sanglants de Paris et la mise en place de l'état d'urgence, les perquisitions et assignations à résidence se multiplient. Parmi elles, plusieurs mosquées ou salles de prière réservées aux musulmans, ainsi que leurs imams et responsables.

L'état d'urgence autorise en effet les forces de l'ordre à perquisitionner de jour et de nuit, sans l'autorisation d'un juge mais avec l'accord d'un préfet, dès lors qu'il existe des "raisons sérieuses" de penser que "le comportement" d'une personne "constitue une menace". Quelques lieux réputés salafistes ont déjà été fermés, comme la mosquée Bilal à Vénissieux (Rhône). Mais des spécialistes du salafisme dénoncent un amalgame entre pratique ultra-orthodoxe de l'islam et radicalisation violente, ainsi qu'une "lecture très particulière de la radicalisation", à l'instar de Samir Amghar, sociologue, dans Le Monde. Le chercheur Alexandre Piettre affirme également au quotidien que "les autorités ratissent extrêmement large", au risque de "taper à côté".

La mosquée d'Aubervilliers et ses fidèles "choqués"

La mosquée de la Fraternité à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) a été le premier lieu de culte à être perquisitionné après les attentats de Paris. Dans la nuit du lundi 16 au mardi 17 novembre, des policiers investissent la salle de prière, boulevard Félix-Faure, rapporte France 24. Pendant près d'une heure et demie, les policiers fouillent les lieux. Le président de l'Association des musulmans d'Aubervilliers (AMA), qui gère l'édifice, est interpellé puis mis en garde à vue, raconte l'AFP.

Capture écran Google Maps de la mosquée d'Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) avec ses volets bleus, le 25 novembre 2015. (GOOGLE MAPS)

Sofienne Karroumi, adjoint à la mairie d'Aubervilliers, se rend sur place le lendemain. Sur Facebook, il s'indigne : "Je ne comprends pas cet acharnement contre un lieu sacré. Les musulmans n'ont rien à voir avec ce qui s'est passé vendredi soir et sont autant choqués que le reste de la France." Dans un communiqué, l'AMA précise qu'après le départ de la police, "la mosquée était détériorée, vitres brisées, portes cassées, meubles renversés, livres religieux jetés au sol…"

En avril 2012, puis en janvier 2013, cette mosquée s'était déjà retrouvée dans le viseur de la place Beauvau. Manuel Valls, alors ministre de l'Intérieur, reprochait à l'un des imams de tenir des propos homophobes, et avait menacé de l'expulser, rappelle Buzzfeed. L'association s'est à nouveau défendue dans un communiqué après la perquisition du 16 novembre, affirmant promouvoir le "dialogue interreligieux et participer à des initiatives publiques en faveur du vivre ensemble".

Capture écran du compte Facebook de Sofienne Karroumi, prise le 25 novembre 2015. (FACEBOOK)

Contacté par Buzzfeed le 17 novembre, le préfet de Bobigny a donné les raisons de la perquisition : "Les autorités soupçonnaient l'endroit d'être un lieu d'hébergement de passage. Les portes ont été forcées par mesure de sécurité, mais des consignes avaient été données pour que tout ceci se fasse avec modération compte-tenu du lieu."

A Brest, la mosquée Sunna et son imam "YouTube"

La mosquée Sunna de Brest, perquisitionnée vendredi 20 novembre, photographiée le 19 novembre 2015. (MAXPPP)

A 3h20 du matin, vendredi 20 novembre, une centaine de policiers, gendarmes et CRS font irruption dans la mosquée Sunna de Brest, dans le quartier de Pontanézen, dans le nord de la ville bretonne. Pendant trois heures, ils fouillent le lieu de culte afin de faire "des vérifications", et repartent à 6 heures, sans procéder à aucune interpellation.

Cette perquisition administrative s'est déroulée "dans un respect total du lieu du culte", a rapporté l'imam de la mosquée, Rachid Abou Houdeyfa, dans un communiqué sur son compte Facebook publié à la fin de l'opération. "Nous tenons à préciser que rien n'a été relevé ni récupéré comme éléments condamnables, je suis content qu[e ces vérifications] aient été faites parce qu'on n'a rien à se reprocher", assure l'homme, dont le domicile a lui aussi été perquisitionné.

Rachid Abou Houdeyfa, imam salafiste de la mosquée de Brest (Finistère), le 29 septembre 2015. (MAXPPP)

Si la mosquée Sunna est dans la ligne de mire du gouvernement, c'est à cause d'une vidéo publiée il y a plus d'un an, où l'on voit  Rachid Abou Houdeyfa expliquer à des enfants que ceux qui écoutent de la musique seront "transformés en singe et en porc". A la suite de cette vidéo, la préfecture de Brest aurait estimé que "ces propos, avérés et publics, permettent de considérer l'imam comme fondamentaliste", rapporte Le Monde.

Depuis les attentats de Paris et de Saint-Denis, cette vidéo est ressortie et a beaucoup circulé, au point de créer un lien officieux entre l'imam et les attentats. Une pétition sur Change.org, réclame même la fermeture de l'édifice ainsi que l'expulsion de l'imam. Quelques heures après les attaques, Rachid Abou Houdeyfa avait assuré qu'elles n'avaient "rien à voir avec l'islam" et dénoncé "les actes barbares de ces égarés qui ne représentent pas l'islam".

A Pontanézen, certains fidèles accusent l'imam d'être un danger pour les jeunes, rapporte Rue89. D'autres, comme ce fidèle interrogé par Libération, estiment qu'on se trompe de cible : "Rachid, ce n’est pas Daech, il ne faut pas tout confondre." Le sociologue Raphaël Liogier confirme au quotidien que "pas un seul jihadiste aujourd’hui n’est passé par le salafisme et le néofondamentalisme comme le prône Abou Houdeyfa. Ceux qui se revendiquent du salafisme quiétiste rejettent le jihad parce qu’ils trouvent ça trop moderne."

La mosquée Aïcha à Montpellier et son imam, assigné à résidence

Depuis dimanche, Mohamed Khattabi n'a plus le droit de sortir de chez lui, sauf pour pointer deux fois par jour au commissariat. Très actif sur les réseaux sociaux, cet imam a été assigné à résidence, et sa mosquée a fait l'objet d'une perquisition administrative dans la nuit du 22 au 23 novembre, rapporte Midi Libre. Dans un message diffusé sur sa page Facebook, l'imam de la mosquée Aïcha, à Montpellier, raconte "sa nuit mouvementée" : "A 23 heures, j'ai eu droit à une perquisition chez moi à Saint-Georges d'Orques, elle a duré 3 heures, et aussi une autre à la mosquée d'Aïcha. Les deux perquisitions ont été négatives mais une décision d'assignation à domicile m'a été notifiée."

Agé de 55 ans, Mohamed Khattabi est un habitué des polémiques. En mars, l'imam affirmait ainsi que "si la femme ne reconnaît pas la supériorité de l'homme, elle ira en enfer", rappelle Europe 1. Un de ses prêches prononcé quelques heures avant les attentats de Paris a aussi alerté les pouvoirs publics. "Le musulman, pour les Occidentaux, c’est un grand géant, mais il est en train de dormir et il est malade, ils ont peur que ce géant malade (…) ne se réveille (…) Qu’est-ce qui arrivera ? Il reprendra sa place dans la sphère de la Terre, il reprendra son rôle, il va remettre les pendules à l’heure." 

Mohamed Khattabi avait été destitué en 2014 d'une autre mosquée, la mosquée Averroès, à Montpellier, pour avoir entre autres utilisé les prêches du vendredi pour "des objectifs personnels", explique Midi Libre.

Au lendemain des attentats de Paris, Mohamed Khattabi a toutefois condamné les massacres sur Facebook, et assuré n'avoir "aucune sympathie pour les fous". Mais, selon la préfecture de l'Hérault, il a été assigné à résidence en raison de son rôle de "facilitateur de propagande".

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