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Attentats : la polémique sur la vidéo de la pizzeria Casa Nostra en cinq actes

Accusé par Canal+ d'avoir vendu 50 000 euros la vidéo de l'attentat au quotidien britannique "Daily Mail", le restaurateur a démenti. 

Article rédigé par franceinfo
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Des Parisiens viennent déposer des fleurs devant la pizzeria Casa Nostra, rue de la Fontaine-au-Roi, à Paris, attaquée lors des attentats du 13 novembre 2015. (AMINE LANDOULSI / ANADOLU AGENCY / AFP)

C'est l'histoire qui fait scandale. Qui a vendu les images de l'attaque contre la pizzeria Casa Nostra, perpétrée lors des attentats de Paris le vendredi 13 novembre ? Dans cette rue de la Fontaine-au-Roi, dans le 11e arrondissement, les terroristes ont fait cinq morts.

Le 18 novembre, le quotidien britannique Daily Mail a diffusé la vidéo, tournée par des caméras de surveillance à l'intérieur de l'établissement, où l'on voit les tirs sur les clients. Ces images auraient été achetées à prix d'or au restaurateur. Retour sur cette polémique en cinq actes.

Acte 1 : le "Daily Mail" diffuse la vidéo de l'attaque de la pizzeria

Le 18 novembre, le quotidien britannique diffuse la vidéo, tournée par des caméras de surveillance, de l'attaque de cette pizzeria du 11e arrondissement. Tout débute dans le restaurant comme un vendredi soir ordinaire. Puis, soudain, une fusillade. La vidéo, très violente, montre les clients se jetant à terre et se cachant sous les tables, tandis que les employés se réfugient derrière le bar, ou à la cave, dans la précipitation. Une cliente, blessée au bras, se réfugie dans le restaurant, pendant qu'un des assaillants revient près de la terrasse et braque son arme sur une autre femme, recroquevillée sous une table de la terrasse. Il ne parvient pas à tirer, et s'enfuit.

Avant que l'arme ne s'enraye, le terroriste a déjà tiré plusieurs dizaines de balles. Plus d'une trentaine, selon le quotidien britannique. Rue de la Fontaine-au-Roi, cinq personnes sont mortes sur le trottoir aux abords de la pizzeria, et huit personnes sont gravement blessées.

Acte 2 : Canal+ accuse le restaurateur d'avoir empoché 50 000 euros

Cette vidéo, qui sera également diffusée deux jours plus tard par France Télévisions, s'est négociée à prix d'or, affirme le journaliste Djaffer Ait Aoudia dans le "Petit Journal" de Canal+ : le Daily Mail a déboursé 50 000 euros.

Sur le plateau de l'émission, Djaffer Ait Aoudia, qui réalisait un article sur le patron de la pizzeria le lendemain de l'attaque, raconte comment il a assisté aux négociations entre le journaliste britannique et le patron du restaurant. Un échange filmé en caméra cachée. La séquence commence un peu avant la 17e minute de cette vidéo.

Egalement visionnées par des policiers dans le cadre de l'enquête sur les attentats, les images étaient protégées par un mot de passe mis en place par les forces de l'ordre, assure Djaffer Ait Aoudia. Le patron de la pizzeria explique, sur les images en caméra cachée, qu'il va faire appel à un hacker pour récupérer la vidéo.

S'ensuit une négociation avec le journaliste britannique, qui propose d'abord 12 000 euros, et finit par accepter de payer 50 000 euros. On le voit expliquer que sept autres personnes l'ont aidé à réunir la somme en liquide. Le disque dur où se trouvait la vidéo a ensuite été détruit, selon Djaffer Ait Aoudia, pour garantir l'exclusivité des images. Le Daily Mail et le patron du restaurant refusent tout commentaire à ce stade.

Acte 3 : le patron de la pizzeria assure qu'il n'a "pas touché un sou"

"Je n'ai pas touché un sou." Dimitri Mohamadi dément formellement ces accusations, mardi 24 novembre, devant les caméras de France 2.



"Je n'ai vendu aucune vidéo" parce que "c'est de l'argent sale", explique le patron, reconnaissant toutefois avoir montré les images à "tout le monde". Il a une idée de qui aurait pu vendre la vidéo à sa place, mais refuse d'en dire plus. Dimitri Mohamadi va jusqu'à accuser le journaliste du "Petit Journal" d'avoir tenté de le piéger : "Il m'a dit 'On t'amène de la bouffe, il faut manger'. (...) Il m'a lui-même proposé 12 000 euros", raconte-t-il. 

"Le Petit Journal", qui a vu l'intégralité des images, maintient sa version des faits, précisant que, si "un proche semblait effectivement à la manœuvre, le patron ne pouvait pas ignorer la transaction". Une capture d'écran, que francetv info a pu consulter, le montre dans la cave où a lieu la transaction, dix minutes après l'image où son proche compte les billets.

Acte 4 : le "Daily Mail" se défend

Dernière réaction en date : celle du Daily Mail. "Il n'y a rien dans l'acquisition par le Daily Mail de cette vidéo qui puisse faire l'objet d'une controverse", a déclaré un porte-parole du quotidien britannique dans un courrier électronique adressé à l'AFP mercredi 25 novembre. "Elle a été obtenue sur fond de forte compétition entre les médias français et internationaux et fournit une perspective essentielle" sur les attentats, a-t-il ajouté, sans préciser dans quelles conditions le journal a mis la main sur les images.

L'achat de photos ou de vidéos pour de fortes sommes d'argent, en particulier lorsqu'elles ont un caractère sensationnel, est une pratique courante au sein des médias britanniques. Le Daily Mail a aussi assuré que les images n'étaient pas cryptées, et que l'intervention d'un hacker était destinée à régler un problème de mot de passe.

Acte 5 : la mairie de Paris bloque sa subvention à la pizzeria

Ultime rebondissement de cette affaire : la pizzeria ne bénéficiera pas, pour l'instant, du versement de 40 000 euros d'aide votée par la mairie de Paris promise à chaque commerçant touché par les attentats du 13 novembre. Cette somme est bloquée "tant que le gérant n'aura pas reversé les 50.000 euros touchés [du Daily Mail] au fonds d'aide aux victimes", indique mercredi 24 novembre à l'AFP Mathias Vicherat, directeur de cabinet du maire PS de Paris, Anne Hidalgo. 

Il ajoute : "C'est à lui de revenir vers nous avec une attestation" de versement de cette somme. La mairie de Paris a voté lundi le déblocage de 560 000 euros pour les 15 commerces touchés par les attentats qui ont fait 130 morts et 350 blessés le 13 novembre.

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