Quand un gendarme s'énerve contre "l'empereur Sarkozy"
“Ce mardi 03 mars à 11h00, l'empereur Sarkozy était chez nous, dans la Drôme”. Petite phrase ironique et mordante, plutôt surprenante sous la plume d'un gendarme, et publiée qui plus est dans le très sérieux Essor de la gendarmerie nationale, organe officiel de l'Union Nationale des Personnels en Retraite de la Gendarmerie (UNPRG).
C'est en tout cas par ces mots que commence un article vengeur signé “Un vieux commandant militaire de la Gendarmerie, qui en a pourtant vu d'autres et c'est peu de le dire”. Il raconte le déplacement présidentiel de Nicolas Sarkozy à Valence le mois dernier. Et il s'étouffe de colère dès le début, consacré au déplacement en avion : “Son altesse ne voulant pas venir en Falcon république, il vient en Airbus (plus spacieux et nettement plus “digne” de son rang, du moins le pense-t-il). Seulement, il n'y a pas de rampe pour le faire descendre de l'avion ; ce n'est pas grave, on en fait venir une, vite fait, par convoi exceptionnel depuis Lyon !!! ”
Suivent le blocage de la voie rapide Valence-Romans dans les deux sens, les voitures d'usagers de la SNCF mises en fourrière, le tout sur fond d'hélicoptères mis en alerte au cas où. 1265 gendarmes sont sur le pont pour l'occasion.
Et la suite a été encore plus difficile à avaler pour le gendarme masqué. Le présidentiel cocktail : “Pour se faire mousser, il a invité 3000 (TROIS MILLE) personnes à un petit vin d'honneur. Je vous laisse faire le calcul de la facture à l'adresse des contribuables que nous sommes [...] ”, écrit-il.
Du jamais vu, affirme l'auteur, qui compte 26 ans de service sous trois présidents.
Manifestations de gendarmes en 2001
Et la garden party géante, n'est pas la seule à rester sur l'estomac de l'officier, qui ne digère pas non plus l'affaire de Saint-Lô, où une manifestation d'opposants avait coûté leurs places au préfet de la Manche et au directeur départemental de la sécurité publique : “au moindre sifflet, au moindre tag, à la moindre banderole hostile, le préfet saute ainsi que le Commandant de Groupement de gendarmerie....Pauvre France, nous sommes tombés bien bas avec un tel imposteur !”
Une telle colère, rarement exprimée aussi clairement par un gendarme sur la place publique s'explique sans doute par la frustration des gendarmes, taillables et corvéables à merci, mais qui s'estiment mal traités en terme de moyens, de rémunération et de retraite, et qui sont en plus soumis au devoir de réserve traditionnel de la “Grande Muette”.
_ Frustration qui s'est déjà exprimée en 2001, avec le mouvement des “Femmes de Gendarmes en Colère”, du nom d'un site internet, et les premières manifestations de gendarmes en tenue, et qui s'exprime à nouveau dans la conclusion de l'article : “Je suis non seulement écœuré mais révolté que tant d'argent soit claqué et que mes voitures de service affichent 250.000 km au compteur... ”.
Grégoire Lecalot
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