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Procès Fourniret : question de vocabulaire

Exercice de voltige sémantique hier à la Cour d'assises de Charleville-Mézières : d'abord dans les termes choisis par l'avocat général pour définir ou apostropher les accusés. Ensuite dans les peines requises, distinctes dans la forme, mais identiques dans les faits.
Article rédigé par franceinfo
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Le procureur Francis Nachbar est hanté par le dossier Fourniret. Depuis cinq ans, le magistrat s'est investi sans compter dans l'affaire. Il atteint l'overdose. "Cinq ans que j'entends ces horreurs, que je supporte l'horreur absolue de ces deux fêlés", déclarait-il hier lors de son réquisitoire de près de trois heures. Un réquisitoire d'une violence verbale assez inédite dans une salle d'audience, au vocabulaire cinglant et choisi. "A gerber, Fourniret. A gerber, Olivier" s'exclame le procureur, mettant dans le même sac les deux accusés à propos desquels il ne ménage pas les qualificatifs : le "petit Fourniret", "pitoyable", "démon pédophile", face à "l'égérie du crime" Monique Olivier, "la sorcière sournoise".

Il n'hésite pas non plus à les invectiver : "Vous n'êtes pas un fauve, Fourniret, vous n'êtes rien ! (...) vous êtes un clown grimaçant et grotesque au service du mal", lance-t-il. Et quand Monique Olivier baisse la tête dans le box des accusés, il la rudoie : "Vous pouvez la baisser, votre tête (...) Baissez là encore !". "Je ne m'arrêterai pas aux faits", avait-il prévenu d'emblée. Des faits "effroyables, terrifiants, nauséabonds, abjects", commis par "deux accusés absolument monstrueux" et dont il a dit "ce qu'il pense".

Deux peines finalement identiques

Francis Nachbar n'a pas voulu marquer de différence entre les deux accusés, faire la part entre le tueur et sa complice. Il a donc réclamé le maximum encouru par ce duo qu'il a "toujours beaucoup de mal à imaginer comme humain". Et même s'il semble que les peines requises soient différentes, dans les faits, elles sont identiques. Question, une fois de plus, de vocabulaire et de texte de loi.

Poursuivie pour des faits antérieurs à la révision du code pénal en 1994, la peine dont peut écoper Monique Olivier est en effet moindre que celle de son mari. D'où la distinction dans le réquisitoire. Pour Monique Olivier, la perpétuité avec une période de sûreté de 30 ans signifie qu'elle ne pourra demander aucun aménagement de peine, aucune libération conditionnelle avant d'avoir effectué au moins 30 ans de réclusion. Pour Michel Fourniret, une perpétuité "incompressible" signifie qu'il ne pourra théoriquement jamais demander d'aménagement de peine ni de libération conditionnelle. Or en France il n'existe pas de peine de "prison à vie" ou de "perpétuité réelle". La constitution ne permet pas de prononcer une peine qui empêche un condamné d'avoir un jour l'espoir d'être libéré et a donc fixé à 30 ans le délai avant lequel le condamné pourra entamer la procédure de demande de libération conditionnelle. Les effets de ces deux peines restent donc les mêmes.

Anne Jocteur Monrozier

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