Racisme dans la police : "Le Premier ministre et le chef de l'Etat doivent nous dire comment ils comptent régler ces problèmes dans la police", demande SOS Racisme
Le président de SOS Racisme, Dominique Sopo, appelle dimanche sur franceinfo à un nouveau rassemblement mardi 9 juin à 18 heures sur la place de la République à Paris.
Alors que des milliers de personnes ont manifesté samedi 6 juin pour dénoncer le racisme et les violences policières, le président de SOS Racisme Dominique Sopo estime dimanche 7 juin sur franceinfo que "le Premier ministre et le chef de l'État doivent s'exprimer et doivent nous dire comment ils comptent régler ces problèmes dans la police". Il appelle à un nouveau rassemblement mardi 9 juin à 18 heures sur la place de la République à Paris.
franceinfo : Pourquoi organisez-vous ce rassemblement mardi prochain ?
Dominique Sopo : Il faut rendre hommage à George Floyd, dire non au racisme dans la police ou ailleurs et c'est le sens du rassemblement qu'avec de nombreuses personnalités et organisations nous appelons. Nous observerons notamment 8 minutes 46 secondes de silence pendant ces funérailles, la durée pendant laquelle le cou de George Floyd a été écrasé, c'est-à-dire le temps de son agonie. C'est aussi évidemment - même si des personnes nous expliquent que les comparaisons sont indignes - une façon de parler des violences policières, du racisme en France et notamment dans la police, qui sont des choses qui créent une émotion légitime et une contestation légitime. Je suis très content de voir des jeunes de toutes origines qui manifestent pour dire non au racisme, pour dire non aux humiliations qui peuvent exister, pour dire qu'ils ont envie d'un monde dans lequel les droits des uns et des autres, leur dignité, soient pleinement respectés.
Il y a des rassemblements contre le racisme depuis 40 ans en France. Pourquoi ça n'avance pas ?
La lutte contre le racisme fonctionne par des cycles. Il y a des phases offensives, des phases parfois de pause, des phases de reflux. On a été dans une période très dure pour l'antiracisme. On voit bien, avec les attentats, la façon dont tout une parole réactionnaire, malveillante, raciste s'est déployée de façon assumée ou non, dans l'espace politique, dans l'espace médiatique et intellectuel. Je pense qu'il y a peut-être un retour de balancier vers des exigences d'égalité, ainsi qu'une jeunesse qui se remet en marche. Cela peut renvoyer à la Marche des beurs en 1983, mais aussi à d'autres phases de l'histoire où il y a eu des mobilisations, comme en 1998 et la contestation de la présence du Front national dans les exécutifs régionaux et à la direction des régions. Je pense à 2002, un moment malheureusement bien trop bref de l'entre-deux-tours de l'élection présidentielle. Il faut saisir les moments où la jeunesse se réveille pour faire en sorte d'avancer vers davantage d'égalité.
Comprenez-vous le silence du président de la République et du Premier ministre au sujet des nombreuses manifestations des dernières semaines ?
Il y a plus d'un mois, nous avons envoyé une interpellation signée par 300 organisations et personnalités au Premier ministre, après l'affaire du "bicot" [un policier filmé en train de proférer des insultes racistes] qui avait défrayé la chronique en France bien avant la mort de George Floyd, pour demander d'ouvrir le chantier de la lutte contre le racisme au sein des forces de l'ordre. Il y a eu un mois sans réponse et la réponse que nous avons eu était une réponse purement protocolaire. Pourtant, le corps des forces de l'ordre vote assez massivement Front national, et où le contrôle au faciès existe. On est sur un corps où il y a des groupes Facebook de 8 000 policiers et quelques personnes qui s'échangent des messages racistes. Dans quel autre corps de fonctionnaires la révélation de telles choses n'entraînerait pas des prises de parole au plus haut niveau de l'État, des commissions d'enquête parlementaire, des révisions des pratiques ? Le Premier ministre et le chef de l'État doivent s'exprimer et doivent nous dire comment ils comptent régler ces problèmes dans la police et que l'on cesse d'avoir un ministre de l'Intérieur qui nous explique quasiment tous les jours qu'il n'y a aucun problème et qu'on est face à des cas de dérives individuelles. Si on prend le groupe Facebook à 8 000 cas individuels, le nombre de cas individuels commence à faire lourd...
Une enquête est ouverte sur ce groupe Facebook. Espérez-vous des sanctions exemplaires ?
Le problème, c'est qu'au sein de la police nationale, nous avons des corps d'inspection qui ne sanctionnent pas lorsqu'il y a des cas de racisme. Vous savez combien il y a eu de sanctions administratives sur les deux dernières années dans la police nationale - qui est un corps de 100 000 fonctionnaires - pour des cas de racisme ? Il y a eu 12 sanctions administratives. Il y a un problème et je pense qu'il faut notamment réformer l'IGPN [la police des polices] de fond en comble et faire en sorte qu'au sein de ces corps d'inspection, il y ait des personnes extérieures à la police, des magistrats, des personnes qualifiées pour qu'il y ait des yeux extérieurs parce qu'on est dans un corps extrêmement corporatiste, comme dans tous les métiers qui sont des métiers à danger.
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