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Manifestation en hommage à Adama Traoré : "C'était un moment historique, on a voulu tous se rassembler pour crier notre colère"

L'entrepreneuse et animatrice Hapsatou Sy se félicite que "la jeunesse se révolte" pour dire que "la vie d'un homme noir ne vaut pas moins qu'un homme blanc".

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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La chroniqueuse Hapsatou Sy dénonce "un racisme systémique qui existe aussi en France". (ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP)

"Au-delà d'un moment important c'était un moment historique. On a voulu tous se rassembler pour crier notre colère", a expliqué, mercredi 3 juin, sur franceinfo, Hapsatou Sy, entrepreneure et animatrice de télé, après le rassemblement contre les violences policières qui a rassemblé mardi 20 000 personnes selon la police et 40 000 selon les organisateurs.

"Cette jeunesse se révolte, crie sa colère parce qu'on a l'impression que cette vie humaine noire a moins de valeur. La vie d'un homme noir ne vaut pas moins qu'un homme blanc", a fustigé Hapsatou Sy. Elle dénonce "un racisme systémique qui existe aussi en France (…) Adama Traoré était un jeune homme noir français qui est mort sous le poids de trois gendarmes". Pour elle, "la couleur de peau, le fait que ces jeunes hommes soient noirs, pèse dans la balance. On n'entend pas tous les jours des jeunes hommes blancs du 16e arrondissement mourir sous les genoux des policiers".

franceinfo : Cette manifestation, pour vous, c'était un moment important ?

Hapsatou Sy : Au-delà d'un moment important, c'était un moment historique. On a voulu tous se rassembler pour crier notre colère. C'est une colère légitime, un incroyable moment de fraternité avec des jeunes de toutes origines pour crier contre le racisme, contre les violences policières. Ce qui m'a frappé c'était de voir autant de monde. De voir autant de monde malgré tout ce qui passe dans notre société. Il fallait se rassembler parce que c'était impossible de faire autrement, pour porter un message parce que demain sera trop tard. C'est aujourd'hui qu'il faut se battre. C'était très touchant, je suis encore émue. 

En France malheureusement les noirs n'ont pas assez la parole, ils ne sont pas assez présents, ce n'est pas un discours victimaire, c'est une réalité.

Hapsatou Sy

Je parle des Noirs, des Arabes de tous ceux qui n'ont pas la parole ou le pouvoir de prendre la parole. Ça gêne que dans le pays des droits de l'homme on dise qu'il y a du racisme. Ça gêne de dire qu'un jeune homme noir a moins de chance de réussir qu'un jeune homme blanc. Cette jeunesse se révolte, crie sa colère parce qu'on a l'impression que cette vie humaine noire a moins de valeur. La vie d'un homme noir ne vaut pas moins qu'un homme blanc.

C'est une affaire de génération ce qui se passe en ce moment, c'est ainsi que l'on peut expliquer l'importance de cette mobilisation ?

Ce n'est pas une affaire de génération, d'autres avant nous se sont battus contre le racisme, contre les violences policières. Nous héritons de la force de ceux qui avant se sont battus. C'est ça la France avec des jeunes de toutes origines qui criaient "on est chez nous", parce qu'ils sont chez eux. Adama Traoré était un jeune homme noir français qui est mort sous le poids de trois gendarmes. Si un policier était mort asphyxié sous le poids de trois personnes, est-ce qu'on n'aurait pas été un peu plus loin ? Est-ce qu'on n'aurait dit que l'officier de police souffrait de pathologies antérieures ? On peut tous en souffrir, mais ce n'est pas ce qui autorise quiconque à ôter la vie d'un être humain. Les forces de l'ordre, les policiers, ne sont pas des gens comme tout le monde. Ce sont des gens formés à faire preuve de sang-froid. Je ne pense pas qu'un jeune de 24 ans nécessite qu'on l'asphyxie sous 250 kilos. La justice fera son travail et je suis convaincue, s'il y a une justice dans ce pays, qu' ils entendront l'expertise tombée hier faite par un médecin spécialiste et compétent.

On n'est pas contre les forces de l'ordre. Il faut faire en sorte que ça cesse, parce que dans la police, il y a des brebis galeuses.

Hapsatou Sy

Qu'est-ce qui motive ce combat contre le racisme et les discriminations ?

A un moment, on ne peut pas porter dans nos valeurs l'égalité pour que cette égalité ne soit pas celle de tout le monde. Ces jeunes ont besoin d'exister, d'être respectés. George Floyd est mort parce qu'il était noir. Il a été victime de violences de la part de policiers américains blancs. La couleur de peau, le fait que ces jeunes hommes soient noirs, qu'ils vivent en banlieue, qu'ils vivent dans un certain milieu pèse dans la balance. On n'entend pas tous les jours des jeunes hommes blancs du 16e arrondissement mourir sous les genoux des policiers, ce n'est pas tous les jours que ça arrive. Ce combat est obligé d'être mêlé à ce racisme systémique qui existe dans la police aux Etats-Unis mais aussi en France.

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