: Reportage A La Courneuve, une colère contenue lors de la marche blanche en hommage à Wanys, percuté à scooter par la police
"Je me présente : je suis le frère de cinq petits, dont Wanys, qui aurait dû fêter ses 19 ans aujourd'hui." La marche blanche, organisée jeudi 21 mars pour rendre hommage au jeune homme percuté à scooter par un véhicule de police après un refus d'obtempérer la semaine dernière, a rassemblé plusieurs centaines de personnes. Devant la mairie de La Courneuve (Seine-Saint-Denis), le visage camouflé par des lunettes, une casquette et un masque, le frère de Wanys assène : "Mon petit frère a été tué par la police. Là, c'est arrivé à mon frère, c'est arrivé à d'autres avant."
"Il faut se mobiliser pour que tout cela cesse. Personne ne doit mourir d'une bavure policière ou d'un refus d'obtempérer."
Un des frères de Wanyslors de la marche blanche à La Courneuve
Dans une interview à France 3 Ile-de-France, Ibrahim, le passager du deux-roues, a accusé la police d'avoir volontairement percuté le scooter, assurant avoir entendu les policiers se réjouir d'avoir "réussi leur coup". Si le parquet de Bobigny privilégie la piste accidentelle, les participants de la marche se rangent du côté de la version des violences volontaires.
"Parler autrement qu'avec la violence"
Malgré la colère, le frère de Wanys estime que l'heure est au recueillement : "Nous ne cherchons que la justice, pas de débordement, pas de violence, ni buzz." La consigne est claire et sera respectée : de 16h30 à 19 heures, les centaines de participants à la marche scandent des slogans, la voix pleine de rage, mais le calme demeure. Un soulagement pour Théo, 16 ans, venu avec son amie Klara, âgée de 15 ans. Tous deux originaires de La Courneuve, ils étaient venus pour "parler autrement qu'avec la violence". "J'espère que ça ne va pas mal tourner", avait lâché l'adolescent avant que le cortège ne démarre. "Déjà qu'on est une ville qui n'a pas une très bonne réputation..."
D'autres sont plus vindicatifs, à l'image de Shakira, Ange, et Sk. Les trois jeunes connaissaient Wanys, "un pote de pote", et ne cachent pas leur rancœur : "Le policier qui a fait ça, j'espère qu'il va partir en prison..." Leur venue à cette marche, disent-ils, n'est pas motivée par la vengeance, mais par l'envie de "donner du soutien aux proches de Wanys et à sa famille". Un discours partagé par Narimene, 17 ans, et sa mère Yamina, 40 ans.
"On espère que ça va être calme, on est venu pour soutenir, pas pour faire n'importe quoi !"
Yamina, habitante de La Courneuvelors de la marche blanche pour Wanys
A la question de savoir si elles savaient qui était Wanys avant le drame, la réponse fuse : "La Courneuve, c'est comme une petite famille, tout le monde se connaît... Évidemment qu'on l'avait déjà croisé !"
"J'ai peur pour mes enfants"
Aisha, 59 ans, connaissait la mère du jeune homme. Pour elle, il était impossible de manquer cet évènement. "Je suis en colère, tout le temps. Les violences policières, c'est tous les mois. J'ai peur pour mes enfants", débite-t-elle à toute vitesse, sans lâcher sa fille du regard. Elle ajoute, la voix enrouée : "Je ne peux pas vous dire la haine que j'ai en moi face à tout ça, c'est inexplicable." Plus loin, une femme tient une pancarte sur laquelle s'étalent ces mots : "Maman en colère, plan d'urgence contre le racisme, l'islamophobie et les violences policières." Lorsque la marche traverse l'avenue du président Roosevelt, un petit garçon et sa mère observent la scène, du deuxième étage. L'enfant entonne avec la foule "Justice pour Wanys, justice pour Ibrahim !" Il n'a pas le temps d'aller au bout du slogan : sa mère lui met la main devant la bouche et ferme les volets.
Le cortège marque un arrêt à l'endroit où le scooter a été percuté : une minute de silence est observée. Puis les cris reprennent de plus belle : "Police, assassins !" ou "Pas de justice, pas de paix", le tout suivi de longs applaudissements. Impossible de repérer les forces de l'ordre dans la foule. En apparence, le dispositif sécuritaire semble se limiter à un drone, qui survole le cortège, parsemé de tee-shirts blancs aux messages d'hommage à Wanys et Ibrahim. La photo des deux jeunes dans un cadre est brandie tout le long de la marche blanche, qui s'achève là où elle a commencé, devant la mairie.
Les organisateurs de l'événement prennent une dernière fois la parole, remercient les participants, assurant que Wanys aurait été fier de l'évènement. Après avoir annoncé que les obsèques auront lieu vendredi à 13h30, l'un d'eux conclut : "Mes petits frères, rentrez bien, tranquillement." Le dernier mot est accueilli par des applaudissements. Le message semble être passé : la foule se disperse.
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