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Lycéens interpellés et mis à genoux à Mantes-la-Jolie : pourquoi les forces de l'ordre défendent le mode opératoire utilisé

Le ministère de l'Intérieur et les syndicats de police ont justifié la méthode employée lors de ces interpellations, assurant qu'il ne s'agissait pas de lycéens pacifiques mais de "casseurs". 

Article rédigé par Catherine Fournier
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Après de nouvelles émeutes près du lycée Saint-Exupéry à Mantes-la-Jolie (Yvelines), 151 personnes ont été interpellées par la police, le 6 décembre 2018. (CAPTURE D'ÉCRAN / TWITTER)

Les images tournent en boucle sur les réseaux sociaux. On y voit plus d'une centaine de jeune agenouillés en rang, pour certains face à un mur, menottés ou les mains sur la tête. La scène se déroule à Mantes-la-Jolie (Yvelines), jeudi 6 décembre. Elle a vraisemblablement été filmée par un policier, qui commente : "Voilà une classe qui se tient sage." 

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Une vidéo qui a suscité l'indignation. Mais du côté des forces de l'ordre, on défend le mode opératoire de ces interpellations, assurant qu'il ne s'agissait pas de lycéens pacifiques mais de "casseurs". "Les images sont dures", a reconnu le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner lors d'une conférence de presse, vendredi 7 décembre. "Mais il faut les replacer dans leur contexte", a-t-il ajouté. A savoir des "violences urbaines" commises par des jeunes "cagoulés", "armés de barres de fer et de grenades lacrymogènes".

"Ils n'étaient pas là pour manifester"

Selon le ministre, ces individus ont "construit des barrières de feu dans un secteur pavillonnaire, s'en sont pris à des automobilistes, ont saccagé des pavillons" dans lesquels ils ont "volé des bouteilles de gaz pour les jeter robinet ouvert dans des barricades enflammées". 

Un témoin de la scène en face du lycée Saint-Exupéry confirme à franceinfo : "Les lycéens, hier, c'étaient vraiment des casseurs. Ils n'étaient pas là pour manifester. Je les ai vu brûler des voitures et caillasser au hasard des gens qui passaient dans la rue."

Sur le nombre de forces de l'ordre engagées à ce moment-là, les chiffres officiels varient. Selon le directeur de cabinet du préfet des Yvelines, ils étaient 70 policiers pour procéder à l'interpellation de 151 jeunes. Mais Christophe Castaner a évoqué "12 femmes et hommes" mobilisés. "Ils étaient une douzaine au départ et ils ont appelé des renforts", précise une source policière à franceinfo. 

"Ils ont figé la situation"

Toujours est-il que selon Julien Le Cam, représentant du syndicat de police Alliance dans le département, "les collègues étaient en sous-effectif par rapport à cette bande de jeunes casseurs". D'où la nécessité, selon lui, de les positionner de la sorte. "Ils ont figé la situation pour éviter qu'ils ne prennent la fuite", explique-t-il. 

La position à genou ? "Cela fait partie des techniques d'interpellation. Là, ce qui est impressionnant, c'est le nombre", indique Julien Le Cam. "Ils ne sont restés comme cela qu'une dizaine de minutes, après ils ont été assis", assure une source policière à franceinfo. Les mains sur la tête ? "Les policiers manquaient de menottes et de serflex (collier de serrage en plastique)", souligne cette source, indiquant qu'il est nécessaire de voir les mains pour éviter que les personnes interpellées ne se saisissent d'une arme. 

"Devant un tel nombre d'interpellés, ce n'est pas forcément évident de sécuriser donc ils ont fait au plus simple, même si en terme d’image c’est catastrophique...", observe une gradée de la police auprès de franceinfo. "Il faut bien trouver le moyen de s'assurer qu'ils ne peuvent pas s'enfuir dans l'attente de leur transfert vers les commissariats de l'ensemble du département", fait valoir le directeur de cabinet du préfet des Yvelines, Thierry Laurent. "Les collègues font avec les moyens humains et matériels qu'on leur donne pour transférer les jeunes", abonde Julien Le Cam.  

"Aucun blessé de part et d'autre"

Pourquoi avoir filmé ces images ? "C'est peut-être une manière de montrer que la situation se passe bien et d'identifier les auteurs, suppose Julien Le Cam. Après, c'est vrai que c'est étonnant qu'elles aient été diffusées au niveau national." Le commentaire de l'auteur de la vidéo sur la "classe sage" est "inapproprié", reconnaît-on en haut lieu. Christophe Castaner a annoncé qu'une enquête serait menée tant sur le respect des règles quant aux interpellations que sur la diffusion des images. Les conclusions seront rendues publiques. Le Défenseur des droits a annoncé de son côté ouvrir également une enquête.

"Les collègues ont été très professionnels, il n'y a eu aucun blessé de part et d'autre", reprend Julien Le Cam. Un avis partagé par le directeur de cabinet du préfet des Yvelines. "C'est assurément une interpellation assez exceptionnelle par son ampleur et par le faible nombre, toutes proportions gardées, des fonctionnaires de police qu'elle a mobilisés", estime Thierry Laurent. "On voit l'image de ces jeunes immobiles. On n'entend pas de cris. Il n'y a pas eu de blessés pendant ces interpellations", souligne-t-il.

"Pour moi, c'est une non-affaire", tranche un syndicat de police préférant rester anonyme. "C'est mesure de sécurité tout à fait normale. Ils n'avaient qu'à pas foutre le bordel. Ils ont joué, ils ont perdu." Le ministre de l'Intérieur a précisé que la garde à vue de 145 jeunes avait été renouvelée. 

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