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Paroles de policier : "Nous n’assurons pas notre propre sécurité, comment assurer celle du citoyen ?"

Après l'agression de quatre policiers à Viry-Châtillon, des policiers s'expriment sur franceinfo pour dire leur appréhension, leur colère et leurs demandes aux pouvoirs publics qui vont au-delà des moyens. 

Article rédigé par Olivier Boy, franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Des policiers témoignent après l'agression de quatre agents le samedi 8 octobre à Viry-Châtillon, dans Essonne.  (ARNAUD JOURNOIS / MAXPPP)

Dans les commissariats, les faits violents qui se déroulés à Viry-Châtillon samedi 8 octobre restent dans tous les esprits. Plusieurs policiers se sont exprimés sur franceinfo. Ils n'éludent aucune question sur les moyens, la peur, l'exaspération de la profession et les zones de non droit.

L'appréhension de retourner au carrefour, théâtre de l'attaque

Un policier, arrivé en renfort samedi a vu ses collègues blessés par des brûlures. Il s’exprime pour la première fois en son nom, mais aussi au nom de ses collègues, en tant que délégué du syndicat Alliance-police nationale en Essonne. "Que des voitures se fassent attaquer avec des cailloux, on a l’habitude. Mais quand on voit des voitures en feu, des collègues en feu sur la voie publique, on s’interroge et on se demande ce qu’on a fait pour en arriver là", déclare-t-il.  

Ce policier va devoir retourner en patrouille devant cette fameuse caméra que les voyous cherchent à détruire à un carrefour de Viry-Châtillon. Il reconnait qu’il aura une véritable appréhension. "Là, se retrouver à nouveau face à cette caméra, et se dire que c’est peut-être moi le suivant, on ne sent pas rassurés", dit-il. "On se sentirait peut-être plus rassurés si on avait plus de personnel, du meilleur matériel, plus de véhicules sur place", ajoute le policier. "On ne se sent pas apeurés, parce qu’on est policiers et on se doit d’être forts. Mais on se sent un peu démunis parce que nous n’avons pas les moyens d’effectuer nos missions, tout en sachant que garder une caméra, ne fait pas partie forcément de nos missions", conclut-il.

Au-delà des moyens, un appel à la justice

Stéphane travaille en brigade de nuit depuis 20 ans. Ce policier, membre du syndicat Unité SGP Police, passe ses nuits dans le secteur de la Grande Borne, une cité située à cheval sur les communes de Viry-Châtillon et Grigny. En plus des moyens, il demande plus de sévérité de la part de justice. "Depuis des années, c’est un quartier où l’on prend des cocktails Molotov. On s’est fait tirer dessus à l’arme à feu. Il y a un problème de justice derrière. On n’arrête pas de le dire, à chaque fois qu’il y a un drame" raconte-t-il. Il évoque "des mineurs, pour la plus part,  déterminés, qui savent qu’on ne va pas leur tirer dessus" en précisant que samedi, "il n'y a eu aucun tir" de la part des policiers.

Dans un autre quartier, un collègue a été frappé à la tête à coups de marteau. Les faits ont été requalifiés en violences sur un fonctionnaire de police. Ce ne sont pas des violences, c’est une tentative d’homicide. Ce sont des criminels

Stéphane, policier

La Grande Borne : une "zone de non droit"

Stéphane assume le terme. Ce policier estime que la police n'a pas les moyens de faire son travail aujourd'hui dans une cité comme la Grande Borne. "C’est une zone de non-droit, même si on y est toutes les nuits. En fait, nous sommes en périphérie du quartier", précise-t-il. "Nous avons déjà été caillassés, avec l’obligation de s’extraire rapidement et de donner la localisation des auteurs. On a l’instruction de ne pas y aller", témoigne Stéphane. "C’est ainsi dans tous les quartiers, parce qu’on ne veut pas un 'Villiers-le Bel', on ne veut pas de 'Zyed et Bouna', ce sont des syndromes qui font partie de notre institution", explique le policier en faisant référence aux émeutes de 2005 et 2007 en France. "Nous n’assurons pas notre propre sécurité, comment assurer celle du citoyen", s'interroge le fonctionnaire de police. "Je suis très énervé et je ne devrais pas aller travailler ce soir. Mais je vais y aller, parce que nous ne sommes que deux", conclut Stéphane, avant sa nuit dans les quartiers.

"Nous n’assurons pas notre propre sécurité, comment assurer celle du citoyen ?" : paroles de policiers, un reportage d'Olivier Boy

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